Actualité oblige, il a dû modifier très légèrement son discours. 48 heures avant, la Sarkofrance avait perdu son Triple A. Pire, les explications de Standard and Poor's contredisaient des mois d'argumentaires élyséens: la règle d'or ne servait à rien.
Sarkozy masque
Dimanche 15 janvier, il faisait froid mais beau, à Amboise, en Indre-et-Loire. Sarkozy fit un tour au cimetière, puis rejoint quelques 2.000 militants UMP et élus dans un gymnase de la ville. On avait tendu une inévitable toile bleue derrière lui. Le Monarque lut quelques pages d'un discours écrit par Henri Guaino plutôt que Patrick Buisson. Il fallait honorer la Vème République, à travers l'un de ses fondateurs. Ce régime monarchique qui sied si bien à un homme qui se croit au-dessus des autres et souvent au-dessus des lois.
« Comme le général de Gaulle il ne pouvait l'imaginer sans la grandeur et cette grandeur pour lui se confondait avec celle de l'État.» Comme souvent, tout l'hommage était en fait un auto-portrait déguisé.
Ce dimanche, Nicolas Sarkozy eut des accents souverainistes. Il n'osa dénoncé ces « agences anglo-saxonnes », et pourtant, la tentation était grande. L'homme qui a durci les retraites des petites gens, réduit les services publics jusqu'à manquer de policiers devant la flambée de l'insécurité violente, tout ça pour préserver ou améliorer quelques gros avantages fiscaux pour les plus fortunés, cet homme-là, donc, le Président des Riches, discourra sur l'Etat: « l'État occupe dans notre histoire, dans notre destin collectif, dans notre vie publique une place éminente incomparable à celle que bien souvent il occupe ailleurs. En France, c'est l'État qui a fait la Nation, qui la porte, qui la maintient unie.
En France, lorsque l'État est faible, c'est la Nation tout entière qui se trouve affaiblie.
En France, lorsque l'autorité de l'État est contestée, c'est la cohésion nationale qui est menacée. ».
A mi-parcours de son discours, Nicolas Sarkozy parla de lui, évidemment.
« Permettez-moi ici une confidence. J'ai souvent réfléchi depuis que nous sommes dans la bourrasque de la crise. Je ne trouve pas d'autre guide à l'action, dans ces temps troublés, que ces deux mots : vérité et courage. Depuis 2008, j'ai choisi de dire la vérité aux Français sur la gravité de la crise.»Quel grossier mensonge! Quel grossier personnage ! En 2007, alors que la crise des subprimes et du surendettement privé éclatait aux Etats-Unis, Nicolas Sarkozy faisait voter son paquet fiscal, encourageant inutilement, dangereusement, l'endettement privé en défiscalisant les intérêts d'emprunt immobilier, quelques mois après avoir proclamé vouloir des subprimes à la Française...
Dimanche, il s'est donc comparé à de Gaulle, quand il annonça qu'il parlerait fin janvier aux Français. Inutile d'anticiper qu'il avouerait être candidat à sa réélection. Il n'a prévu l'annonce que pour mars. TF1 a même déjà réservé un créneau, le 12, comme pour 5 autres candidats déjà déclarés. « Pour ma part, à l'occasion du sommet sur la crise, je dirai la vérité aux partenaires sociaux le 18 janvier. Je parlerai aux Français à la fin du mois. Je leur dirai que comme en 1958, la crise peut être surmontée, pourvu que nous ayons la volonté collective et le courage de réformer notre pays.» C'est une habitude, chez Nicolas Sarkozy, que d'attendre une quinzaine de jours avant de réagir devant l'urgence.
Comment Standard and Poor's a enterré la règle d'or.
Depuis le déclenchement de la crise grecque, Nicolas Sarkozy n'avait qu'un argument vis-à-vis des agences de notation: il fallait être vertueux dans sa gestion budgétaire pour conserver le crédit nécessaire auprès des prêteurs.
Quand Standard and Poor's dégrada d'un cran la note de la France vendredi 13 janvier (sic!), les pontes de Sarkofrance y allèrent de leurs commentaires. Depuis vendredi après-midi, on a d'ailleurs tout entendu: le ministre de l'économie et des finances, François Baroin, évoqua une « demi-surprise ». Marie-Anne Monchant accusa François Hollande d'être responsable. D'autres accusèrent SP de faire de la politique (laquelle ?). Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat au Commerce Extérieur, a espéré sur Europe 1 « un choc salutaire».François Fillon préféra qualifier cette dégradation d'« alerte qui ne doit pas être dramatisée, ni être sous-estimée». Alerte ? Plutôt une grosse gifle dans la face de son Monarque ! A l'Elysée, un conseiller tenta de déminer: « Vous vous trompez et vous surréagissez. Nous avons anticipé la décision de Standard and Poor's, et les marchés aussi. Nous sommes sereins ».
Pourtant, l'agence explicita très clairement les motivations de sa décision (comme elle le fait à chaque fois dans de similaires occasions). Et que retint on ? Qu'elle se fichait pas mal des gesticulations sarkozyennes depuis l'été. C'est la seconde révélation de cette affaire, une vraie surprise, pleine et entière celle-là.
1. La France décroche
La perspective de notation de crédit à long terme est maintenue négative pour la France, ce qui signifie que l'agence estime qu'il y a « une chance sur trois que sa note soit dégradée en 2012 ou 2013 ». A l'inverse, la perspective est stable pour l'Allemagne.
La France n'est pas seulement dégradée, elle est décrochée de sa brillante voisine. Nicolas Sarkozy collait aux basques d'Angela Merkel depuis 18 mois, en vain.
2. Standard and Poor's se fiche de la règle d'or. Avez-vous lu l'agence s'agacer d'un manque de discipline ou réclamer une règle d'or ? Que nenni.
« Les notations d'aujourd'hui sont principalement déterminées par notre évaluation que les initiatives politiques qui ont été prises par les gouvernements européens ces dernières semaines sont insuffisantes pour véritablement adresser les tensions systémiques de l'eurozone. Selon nous, ces tensions incluent : (1) des conditions de crédit qui se durcissent, (2) une augmentation de primes de risque pour un nombre croissant d'emprunteurs de la zone Euro, (3) une tentative simultanée à réduire leurs risques par les gouvernements et ménages, (4) des perspectives de croissance économiques en berne et (5) un conflit ouvert et persistant parmi les décideurs européens sur l'approche appropriée pour sortir de la crise. »Commes d'autres, nous l'écrivions depuis des lustres. Nicolas Sarkozy instrumentalise cette règle d'or pour son seul bénéfice politique personnel.
3. le sommet européen de décembre dernier n'a pas servi.
Et l'agence de poursuivre: « Les résultats du sommet de l'Union européenne le 9 décembre 2011 et les déclarations ultérieures des décideurs, nous poussent à croire que l'accord atteint est insuffisant pour aborder les problèmes financiers de la zone Euro. À notre avis, l'accord politique ne fournit pas de ressources supplémentaires suffisantes ou la flexibilité opérationnelle pour soutenir le sauvetage européen. » En décembre dernier, Nicolas Sarkozy nous expliquait il avait été brillant pour sauver l'Eurozone avec Angela Merkel, obtenant « une authentique gouvernance économique » : « le fait que la responsabilité de la gouvernance revienne désormais aux chefs d'Etat et de gouvernement marque un progrès démocratique incontestable par rapport à la situation précédente, où tout s'organisait autour de la Banque centrale européenne [BCE], de la Commission et du pacte de stabilité.»
Nicolas Sarkozy, ce weekend, avait encore la gueule de bois.