Notre 3 ème peinturlurage de l'épopée s'intitule du nom de la scène qu'il dépeint: "l'introduction de la liturgie slave en Grand'-Moravie" (ou Grande-Moravie, c'est pareil). Le sous-titre en est "louez dieu en langue vulgaire" (ou dans la langue maternelle, vernaculaire, c'est pareil encore). Alors les origines de la Grande-Moravie, l'histoire de l'empire, c'est pas vraiment le sujet, aussi je vous laisse lire l'article (mauvais, parce que bâclé) de Wikipedia. C'est d'autant pas le sujet, que les Moraves n'aiment pas trop les Tchèques pour les diverses raisons précédemmentionnées dans mes publies (vin morave dégueulasse versus excellente bière tchèque, "Brno" sans plus versus splendide Prague...), et surtout aussi, mais pas seulement non plus, parce que le royaume de Bohême des Prémyslides est aujourd'hui considéré par les historiens, les archéologues, les scientifiques, enfin par toute personne un tant soit peu sensée, comme la continuation de l'empire de Grande-Moravie disparu. Et ça, ça fait hurler les Moraves jusqu'à s'en faire péter les esgourdes. Mort de rire.
Sinon rappel important, chers lecteurs, parce que je ne suis par sûr que vous soyez tous au fait de certaines idéologies fondamentales de la religion catholique, idéologies fondamentales qui ont fait couler des hectolitres de sang (humain et animal) à travers les siècles, et idéologies fondamentales sans lesquels il était inenvisageable de vivre dans la paix et l'esprit du saigneur (c'est fait exprès, saigneur). Alors dans la religion catholique, il est une idéologie (fondamentale) dont je vous avais déjà longuement parlé à propos de "Jan Hus": la communion sous une ou sous deux espèces, question qui déchira le monde pendant des siècles et pour laquelle il existe autant d'interprétations que pour la question de qui de l'oeuf ou de la moule. Il en est une autre, d'idéologie, encore plus ridicule à mon sens, qui s'intitule officiellement la "la querelle du filioque", et qui conduisit en 867 au schisme entre les églises d'Orient et d'Occident (église catholique romaine), puis à la rupture définitive en 1054. Je ne vous en dirai pas plus, sinon qu'elle s'inscrit en droite ligne et dans la même période de ce dont je vais vous parler céans.
Contexte
Après que le bon dieu eut créé la terre, les minéraux, les végétaux, les animaux, les hommes puis les Anglais, il se dit comme ça, qu'il allait laisser toute cette soupe originelle évoluer anarchiquement sur la planète, et que lui, dieutouppuissant, allait contempler hilare le développement de tout ce foin primitif de son petit nuage ensoleillé d'en haut, parce que ce soir là, y avait rien de rigolo à la téloche. Et ça, ça dura longtemps, longtemps, et ça dure d'ailleurs toujours, mais bon, situons-nous en début du IX ème siècle. Après la disparition de l'empire avare, s'installèrent les premiers Slaves sur les territoires de l'actuelle Slovaquie, Autriche, Hongrie, Nord-Balkans et Roumanie en partie. Et rapidement naquirent 2 entités politiques (duchés, comtés, principautés). L'une sur l'actuel territoire de la République Tchèque, en Moravie, autour de la ville de "Mikulčice", sous l'autorité du prince "Mojmír Ier". La seconde, à seulement 100 km au Sud-Est de la première, sur l'actuel territoire de la Slovaquie, autour de la ville de "Nitra", sous l'autorité du prince "Pribina". Bien évidemment, la proximité fit qu'il fallût que les 2 boug' se mettent sur la gueule. Vers 831, le prince "Mojmír" se fit baptiser par l'évêque de Passau afin de légitimer son hostilité envers son homologue païen, qu'il alla aussitôt coup-de-pied-au-culter avec succès en 833. Il rattacha alors la principauté de "Nitra" à celle de "Mikulčice", et naquit ainsi la Grand'-Moravie.
Ensuite c'est flou, on a que peu d'info fiable, et l'on présume qu'à la mort de "Mojmír", son neveu "Rastislav" prit la suite, sans vraiment savoir s'il n'y eut pas quelqu'un d'autre entre temps. Mais ce n'est pas important non plus. Aux frontières de l'empire franc (germain), la Grand'-Moravie subissait négativement son influence en cette seconde moitié du IX millième siècle. Les princes germains jouaient de la politique, les moines germains de la conversion (le peuple grand'-morave étaient païens en ce temps), et tous pactisaient avec le papàrome contre les intérêts de "Rastislav" et de son empire, que les Germains comme le franc-razis romain auraient bien voulu s'annexer (genre sus aux barbares). Aussi afin de couper net aux tentatives fielleuses des "occidentaux", "Rastislav" répudia les moines germains baragouinant Latin, et se tourna vers l'Orient en 862 et en particulier vers l'empereur byzantin Michel III Sakàvin, avec la requête de bien vouloir faire parvenir fissa-fissa en Grand'-Moravie des prêtres jactant le patois local, afin de convertir la plèbe indigène et couper l'herbe sous les pieds de cette vieille fripouille romaine et de son suppôt germain Louis II, empereur d'Occident (cf . Vita Constantini-Cyrilli: " nous Slaves, nous sommes des gens simples et nous n'avons personne pour nous enseigner la vérité et nous expliquer la pensée de l'Ecriture. Envoie-nous donc, seigneur, un homme capable de nous enseigner toute la vérité").
L'empereur s'adressa alors à son pape d'Orient, au patriarche Photios Ier, et paf, comme par miracle, le barbu mitré trouva 2 moines sous son coude droit.
Le plus jeunes des 7 frères (eh ouais, 7 en tout dans la famille), Cyrille, s'appelait Constantin avant de s'appeler Cyrille. En fait il s'appelait même Constantin la plus grande partie de sa vie, et ce n'est qu'avant le début de sa mort, lorsqu'il rentra à nouveau au couvent à Rome, qu'il changea de nom afin que ses petits camarades ne se moquent pas de lui sur les sites des réseaux sociaux. Et tiens, toujours pour info, avant de parler de Cyrille et de Méthode, on parlait en Bohême de "Crha" et "Strachota". "Crha" est une déformation de Cyrille, certes peu employée aujourd'hui comme prénom (sinon comme nom de famille) mais assez en vogue au moyen-âge (cf. "Crha z Holštejna" ou "Crha z Ceblovic"). Quant à "Strachota", il s'agit d'une mauvaise traduction du Grec "Methodios" en Latin "Metus" (la peur) puis en Slave "Strachota". Bien qu'en tant que prénom, ce nom fut peu utilisé (le seul qui me vienne à l'esprit est "Strachota z Kralovic"), il a cependant donné son nom à un patelin aux frontières de la Moravie, de l'Autriche et de la Slovaquie, "Strachotín" (mais je ne sais pas pourquoi ni comment). Et pour rigoler, après la naissance de Constantin le 7 ème, les parents mirent leur libido au régime du pain sec afin ne pas engendrer un 8 ème gnard qui ne serait jamais rentré dans la Renault Espace (cf . Vita Constantini-Cyrilli: "après sa naissance celui-ci fut confié à une nourrice pour être élevé; mais pendant toute la période de l'allaitement, le petit ne voulut pas prendre d'autre sein que celui de sa mère. C'était là quelque chose de providentiel pour que l'enfant, bon rejeton d'une bonne souche, fût nourri d'un lait pur. Puis, ces excellents parents se mirent d'accord pour ne plus user du droit conjugal et s'imposer la continence. Ils vécurent ainsi dans le Seigneur comme frère et sœur, fidèles à leur décision, pendant quatorze ans, jusqu'à ce que la mort les eût séparés").
Bon, mais retour à de quand qu'on leur dit qu'il fallait qu'ils aillent catholiser les Slaves, sans augmentation de salaire. N'allez pas croire que nos bougres étaient ravis d'entrée de jeu. Au contraire et au départ ils freinaient des 4 fers avec des prétextes infantiles, genre (cf . Vita Constantini-Cyrilli): malade, fatigué, colique, chais pas comment faire... Mais l'empereur Michel dit à Constantin (Cyrille) "tu peux le faire si Dieu te le donne, et il ne refuse rien à ceux qui le prient sincèrement et sans douter" (autre version tout aussi éducative et pédagogique "si tu le veux, Dieu peut te le donner, lui qui donne à tous ceux qui demandent en toute confiance et qui ouvre à ceux qui frappent [à la porte, pas dans la gueule]."). Evidemment, devant ce "t'as pas l'choix", "le savant s'en alla et, suivant une vieille habitude, commença avant tout à prier ardemment" des 2 mains. Ben croyez-le ou non, selon les textes, "bientôt Dieu lui apparut, [Dieu] qui exauce les prières de ses serviteurs. Et alors il composa des lettres et commença à écrire la parole de l'évangile: Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu, et ainsi de suite". Enorme moi j'dis.
Ainsi avant de partir pour l'Europe centrale, Constantin (Cyrille), philosophe de son état, diplômé de l'université de Constantinople, inventa avec l'aide de bondieu (touppuissant) un nouvel alphabet pour les indigènes du coin qui, comme tout le monde sait, n'avaient pas encore découvert la machine à écrire (cf. Le Synaxaire. Vie des Saints de l’Eglise orthodoxe. "C'est cette écriture qui, après étude et corrections, devint l'instrument grâce auquel les peuples slaves, jusque-là barbares et grossiers, purent être placés par les Saints Missionnaires au rang des peuples civilisés". C'est beau le progrès moi j'dis). Cet alphabet, que tout le monde pense qu'il s'appelle cyrillique, est en fait le glagolitique, ancêtre du précédent (cyrillique, inventé comme chacun sait par hasard et par St Clément d'Ohrid lorsque ce dernier transcrivit les saintes écritures glagolitiques en alphabet grec afin de simplifier les grilles de mots-croisés). Rapidement disparu en Europe centrale comme orientale, le glagolitique fut largement utilisé dans les Balkans jusqu'au XVIII ème siècle, et pas seulement dans la liturgie mais dans la vie de tous les jours, par le peuple, comme en témoignent par exemple les quelques lignes écrites (en glagolitique) au bas de la dance macabre de la fabuleuse église fortifiée de "Hrastovlje" en Slovénie (à voir absolument). Ces lignes furent écrites là par les peintres, les maçons, les jardiniers, d'entre la fin du XV ème et mi-XVII ème siècle, mais je ne me souviens plus de ce qu'elles racontent, parce que j'ai perdu mes notes dans les toilettes sans lumière d'un bistroquet de "Koper", lorsqu'accroupi dans le noir, le bénard sur les genoux...
Une fois que Cyrille eut terminé les préparatifs (péricopes de l'évangile, divine liturgie, livre d'heures, psautier, sel et poivre...), les 2 frangibus enfourchèrent leurs ânes et dirigèrent leurs fougueux destriers vers la Grand'-Moravie, où qu'ils arrivèrent au printemps 863, le 11 ou le 24 mai très exactement (selon les textes, et la précision des clochers des glises). Ils se mirent aussitôt au travail: prêches, messes, baptêmes, offices, enseignement et pêche à la ligne. Ce fut un grand succès, et tous se félicitaient de la venue des 2 bougres, "Rastislav" en particulier, puisque ses brebis pouvaient enfin ouïr et jouir des beautés de la liturgie en langue locale, compréhensible même par les imbéciles. Et c'était autre chose que le Latin des moines germains, que le peuple slave ne pouvait forcément pas comprendre (pas plus que le Grec, l'Hébreu ou le Chinois d'ailleurs). Cf. Vita Constantini-Cyrilli: "ayant bientôt traduit l'ordre ecclésiastique, il leur apprit l'office du matin, les heures, les vêpres, le petit office du soir et l'office des sacrements. Et, selon le mot du prophète, les oreilles des sourds s'ouvrirent pour entendre les paroles de l'Ecriture et les muets se mirent à parler clairement. Et Dieu se réjouit de cela et le diable en fut rempli de honte".
Bon, pis arrivèrent divers évènements qui vinrent un peu tout chambouler. Et je dis un peu... z'allez voir. En 864, Louis II vint fout' une avoinée à "Rastislav", afin de lui rappeler de qui que c'était le chef, et ce fut le retour en Grand'-Moravie des moines germains et de leur liturgie en Latin. Commença alors, et comme toujours en religion, une lutte d'influence entre la liturgie latine prônée par les moines germains cathos, et la liturgie en Vieux-slave prônée par les frelus Cyrille et Méthode, mais aussi par le pouvoir local. Entre-temps, le byzantin Michel III (Sakàvin) se laissa bêtement assassiner, créant ainsi le chaos dans Constantinople, mais pire, retirant de surcroît l'appui que les pros liturgie slavonne pouvaient espérer de l'empire d'Orient.
Et c'est là que le perspicace philosophe se distingua de son frère abbé. Avant d'être affectés à la mission dont je vous cause, les frangins furent envoyés en Khazarie (en 860) afin de prendre part à la fameuse "polémique khazare", ou le "débat sur les 3 religions". Je ne vais pas m'étendre là-dessus, malgré que l'histoire khazare (et sa polémique) soit une fabuleuse énigme pour l'historien comme pour le profane, mais juste vous situer le contexte: cf . Vita Constantini-Cyrilli: "des émissaires envoyés par les Khazars arrivèrent alors auprès de l'empereur, en disant: Nous reconnaissons dès l'origine un Dieu, supérieur à toutes choses, nous l'adorons en nous tournant vers l'est et nous observons en plus d'autres habitudes honteuses. Les Hébreux nous conseillent d'adhérer à leur foi et à leurs traditions, mais d'un autre côté les Sarrasins nous entraînent à leur croyance en nous offrant la paix et de nombreux cadeaux et en disant: notre croyance est meilleure que celle de tous les peuples. C'est pourquoi nous nous adressons à vous, en vertu de notre vieille amitié et de notre amour. Puisque vous êtes une grande nation et que vous tenez votre Empire de Dieu, nous vous prions, en demandant votre conseil, de nous envoyer un homme versé dans les lettres, pour que, s'il réfute les arguments des Hébreux et des Sarrasins, nous adhérions à votre foi. [...] Constantin se mit aussitôt en route et il arriva à Cherson. Là il apprit la langue et les lettres hébraïques et ayant traduit huit parties de la grammaire, il en acquit une science encore plus grande" (notez que Constantin apprenait les langues comme le père Jourdain faisait de la prose). Je vous laisse éplucher les pages de l'Internet pour plus d'info.
Donc chez les Khazars... Ben croyez-le ou non, malgré que leur mission fut un échec (les Khazars devinrent Maoïstes), les Thessaloniens eurent cependant un énorme succès: ils découvrirent au fond de la mer près de Chersonèse le squelette de St Clément (c'est dément), son ancre du Titanic autour du cou (plus fort que Poutine ces 2 bougres là). Alors attention, n'allez pas me confondre St Clément de Rome (Ier siècle) et St Clément d'Ohrid (840-916). St Clément (de Rome), c'est celui d'avec l'ancre autour du cou, le plus connu des Sts Clément, 4 ème pape d'à Rome. Alors que St Clément d'Ohrid, c'est l'inventeur de l'alphabet cyrillique et fort probablement l'auteur de la "Vita Constantini-Cyrilli", originellement en Vieux-Slave mais traduite en une multitude de langues, source importante pour l'élaboration de cette publie. Mais retour aux frangins. Donc lorsqu'ils plièrent leurs frusques et leurs trousses de toilette pour la Grand'-Moravie, ben ils plièrent également la carcasse du St Clément (de Rome), se disant que ça ferait plaisir aux barbares, d'avoir une relique aussi prestigieuse en tout début de croyance catholique (et dieu se marre).
Et ils bien firent. Le franc-razis fut ravi comme un pape, remercia chaleureusement les 2 larrons, remisa les saints restes dans un Tupperware de l'église St Clément d'à Rome, et fit prendre une photo de la scène en souvenir de la postérité (pour info, les reliques comme la photo se trouvent toujours en cette église, à Rome). Une fois le pape amadoué par son cadeau, il ne fut pas spécialement difficile à Constantin de plaider sa cause. Rappelons que notre moine était philosophe professionnel, ce qui, pour la négociation verbale, était nettement plus avantageux qu'ambassadrice Avon (ah bon?): "ah ouais tiens, c'est pas con c'qu'il dit le Constantin" fit remarquer Nico , et de prendre les mesures qui s'imposent (cf. Vita Constantini-Cyrilli: "Beaucoup de gens se moquaient des livres slavons en disant: il n'appartient à aucune nation d'avoir son écriture propre sauf aux Juifs, aux Grecs et aux Romains, conformément à l'inscription apposée par Pilate sur la croix du Seigneur. Mais ceux-là, l'apostolicus [Nicolas] les appela Pilatiens et trilinguistes et il les anathématisa"). Bon, mais n'oublions pas non plus que 20 ans auparavant, les Arabes avaient pris Bari (en 842), Messine (en 843), Modica (en 844), pillé les églises de St Pierre et St Paul à Rome (en 846), et que le pape leur payait tribut afin qu'ils lui foutent la paix.
En 867, le pape consentit donc à ce que les 2 frangins poursuivent leur sacerdoce en langue vernaculaire, mais à l'intérieur des frontières grand'-moraves, sous condition qu'une telle originalité n'aille aucunement déborder des frontières de la "Barbarie". L'édit papal spécifiait ainsi que le pays dépendait directement du saint siège à Rome, dont le représentant n'était autre que Méthode qui fut élevé alors au rang d'archevêque de Sirmium (en Pannonie, aujourd'hui "Sremska Mitrovica" en Serbie), le tout premier archevêque de Grande-Moravie. Alors attention, d'autant que je sache et contrairement à ce que proclament certaines sources, le pape n'émit aucune bulle en 867. Les intéressés s'étaient mis d'accord selon la formule "cochon qui s'en dédit" en crachant par terre deux doigts de la main droite levés, mais ils ne pondirent pas la moindre bulle (au plus un édit). Et c'est vachement important pour la suite, parce que sans bulle, pas de garantie. Genre n'importe quel pignouf germain peut contester la décision, et agacer obstinément son monde pour peu qu'il n'ait rien d'aut' à fout' non plus (z'allez voir par la suite). Bon, mais retour aux frelus. Forts de leur succès, et dans la nécessité d'agrémenter leurs garde-robes de toilettes plus adéquates à leurs nouvelles charges, Constantin et Méthode s'attardèrent à Rome plus longtemps que prévu. Cependant épuisé par le lèche-vitrines et les sempiternelles querelles linguistiques, le plus jeune frangibus tomba malade. Sentant ses forces s'amenuiser, Constantin entra au monastère (mais je ne sais pas lequel) à défaut d'hôpital, prit le nom de Cyrille, et décéda 50 jours plus tard "âgé de quarante-deux ans, le quatorze février, indiction seconde, l'année six mille trois cent soixante-dix-sept de la création du monde " (l'an 869 après Jean-Claude). A partir de là, les choses commencèrent alors à se compliquer gravement, z'allez voir.
Retour maintenant en Grande-Moravie, où les choses bougèrent aussi. En cette fin 869, régnait toujours sur l'empire "Rastislav", dans sa province, autour de la ville de "Mikulčice". Quant à la province autour de la ville de "Nitra", il l'avait confiée à son neveu "Svatopluk". Et tu crois que ce dernier lui en fut reconnaissant, la fripouille? Tu parles, cet infâme traître se mit à comploter avec cette gouape germaine de Louis. Pire, il fit prisonnier son oncle, et le livra au Germains, à Ratisbonne en 870.
Et c'est ainsi qu'en 873, Méthode retourna en Grande-Moravie afin de reprendre son service là où il l'avait laissé, après avoir passé 2,5 années dans les taules germaines dans des conditions épouvantables ("[...] le fit enfermer en Souabe, dans une tour, où il eut à souffrir cruellement des rigueurs du climat"). Le pays était alors aux ordres du nouvel empereur, "Svatopluk", vassal de Louis le germanique, et le prêtre germain "Wiching" faisait la pluie et le beau temps en matière religieuse, en Latin, et en l'absence de l'archevêque (Méthode). Aussi une fois ce dernier revenu, "Wiching" lui jeta tous les bâtons qu'il put dans les roues, complotant comme pas permis avec tous ceux qui étaient contre Méthode, et remontant toutes les petites mesquineries au franc-razis, jusqu'à ce que ce dernier en eut assez.
Alors avant même que la bulle papale n'arrive dans les mains de "Svatopluk", cette ordure visqueuse de "Wiching" en fabriqua une fausse, une vraie fausse niant tout ce qui se trouvait dans la vraie, et la remit à l'empereur grand'-morave. La supercherie fut découverte par la suite, mais aucune action en justice pour faux et usage de faux ne fut entreprise contre l'évêque germain (j'te dis pas la protection d'en haut qu'il devait avoir). La vraie "Industriae tuae" entra en vigueur, la vie reprit comme avant.
Après la disparition de Méthode, "Wiching" le Germain redoubla d'effort. Il finit par tellement casser les roustons d'Etienne (sa nouvelle mirobolance), qu'icelui jeta la bulle "Industriae tuae" au feu. "Wiching" devint archevêque sur les terres de "Svatopluk", et les disciples de Méthodes furent persécutexpulsés. Ils trouvèrent refuge principalement en Bulgarie (cf. "Gorazd trouva refuge en Pologne, d'autres en Bohème, alors que Clément, Nahum, Sabas, Angélaire et Laurent purent atteindre la Bulgarie, où ils furent accueillis comme des anges de Dieu par le tsar Boris), et leurs disciples poursuivirent l'évangélisation orthodoxe en Slavon jusqu'à la Rus de Kiev (cf. la conversion du cruel et immense fornicateur Vladimir, "Chronicon Thietmari Merseburgensis": Erat enim fornicator immensus et crudelis, magnamque vim Danais mollibus ingessit." Mort de rire.
Alors rapidement. L'empereur "Svatopluk" décéda en 894, et ses 2 bougres d'imbéciles de fils se disputèrent l'empire à qui mieux mieux. D'aucuns peuples (les Bohémiens, les Sorabes...) commencèrent alors à s'en détacher pour vivre de leur propres ailes. Devant ce foin sans nom et sans issue pourrissant tout le pays, et profitant du vide dont la nature a si horreur, les Magyars débarquèrent en 907 sur la grande plaine de leurs soucoupes volantes. Ils fouturent à la porte de la Grande-Moravie tous les Moraves, les Germains et surtout les Slovaques qui s'y trouvaient, et établirent céans une nation hongroise plus mystérieuse qu'un château dans les Carpates dont on commence seulement à découvrir l'existence jusqu'alors insoupçonnée, existence matérialisée par une manche tendue vers le FMI et l'UE afin de combler une dette galopante à l'odeur grecque.
Bon, mais attends, vous vous souvenez de ma publie sur "Levý Hradec", de comment le prince vassal "Bořivoj" fut baptisé par Méthode pour pouvoir bâfrer à la table de son seigneur "Svatopluk"? Bon, eh bien d'aucuns historiens pensent, que la dynastie des "Mojmirides" se serait d'une certaine façon transvasée en Bohême, aurait d'une certaine façon donné naissance à la dynastie des "Prémyslides", et la Bohême serait alors d'une certaine façon la continuation de la Grande-Moravie. Mais selon moi, ce n'est que pure spéculation, parce que tout le monde sait que le royaume de Bohême est né ex nihilo, d'une abiogenèse, d'un croisement spontané de fleur de houblon avec une Naïade callipyge et nichue. Et ça, ça n'a rien à voir avec les Moraves, qu'ils fussent grands, avant, ou petit, aujourd'hui.
Et pour en terminer sur la liturgie en Vieux-Slave en Bohême... Elle fut perpétuée jusqu'à la fin du XI ème siècle dans le monastère de Sázava dont je vous recommande vivement la visite. Partout ailleurs, les moines catholiques qui envahirent le pays après la mort de Méthode s'appliquèrent à la tâche de détruire l'oeuvre des 2 frères (pas sûr que bondieu se gondole quand les cons détruisent en son nom). En 1080, le roi "Vratislav II" fit une demande au pape Grégoire VII afin de rétablir en Bohême la liturgie en langue slave. Malheureusement, tombé sur le plus orthodoxintégriste des papes (Greg imposa entres-autres le célibat dans l'église, cf. les reformes grégoriennes), il fut fermement renvoyé dans ses 22 mètres. La lettre du saint père est sans équivoque: "Quia vero nobilitas tua postulavit quod secundum Sclavonicam linguam..."
Bien plus tard, au XIV ème siècle, le bon roi Charles IV rétablit la liturgie slavonne au monastère d'Emmaüs (i.e. "Na Slovanech", dont je vous promets une publie depuis plusieurs années, vraiment à viendre un jour) qui devint ainsi le seul monastère de tout son St empire romano-germano-catho à perpétuer la tradition de Cyrille et Méthode. Les guerres hussites mirent ensuite fin à toute liturgie catholique, en Latin comme en d'autres langues. Lorsque les choses des religions commencèrent à se calmer fin XVI ème siècle, puis à se recatholiser carrément après 1620, l'heure n'était clairement plus au Slavon ni au Glagolitique. Ce n'est qu'en 1920 que la liturgie slavonne fut à nouveau autorisée dans certaines églises tchécoslovaques à l'occasion de fêtes de saints patrons. Alors je vous ai mis quelques photos d'ouvrages glagolitiques imprimés comme manuscrits, afin que vous vous fassiez une idée de la beauté de cette écriture. Elle pourrait sembler barbare à première vue, mais elle était nettement plus adaptée aux langues slaves que l'alphabet Latin ou Cyrillique.
La scène
Le tableau de 810 x 610 cm date de 1912, et dépeint la lecture de la bulle papale "Industriae tuae" par le nonce apostolique (le diacre selon certaines sources) devant l'empereur "Svatopluk" de Grande-Moravie et sa batelée de potentats ameutés dans la capitale de l'empire "Veligrad" (i.e. "Velegrad", "Velehrad"). Alors ceux qui suivent encore cette publie me diront "eh ouais, alors attends, Veligrad, c'est la première fois que tu en parles, quid de Mikulčice et Nitra?" Eh ouais, alors rapide parenthèse. "Veligrad", qui signifie pratiquement dans toutes les langues Slaves "grand château, grand fortin, castrum maximus" et par extension "grande ville", aurait été la capitale de l'empire et le lieu du repos ultime de l'archevêque Méthode, sans pour autant qu'on ne sache encore aujourd'hui si cette cité aurait réellement existé, et si oui, où se serait-elle trouvée. Plusieurs sources d'époque et dignes de confiance mentionnent directement ou indirectement notre ville. Citons par exemple "Abu Ali Ahmad bin Omar ibn Rustah" d'Ispahan, qui parle dans son ouvrage rédigé entre 903 et 913 de la vile de "Džrwáb" (ou plus exactement "Dž.ráw.t" selon l'exacte traduction persane. Notez que ce que les "rédacteurs" de wikipédia appellent "l’antique Croatie" n'est autre que la Grande-Moravie). Ensuite "Abu Said Abdul-hajj ibn ad-Dahhak ibn Mahmud Gardizi" qui cite très exactement la ville de "Dž.ráw.t" puisque son texte est inspiré du précédent. Puis on a le célèbre "Ibrahim ibn Jakub al Israili al Turtuschi" (le premier à avoir fait une description écrite de Prague), qui parle vers 965 de "Veligrad" en terme de "Ch.r.dát" (notez que le phonème "Ch" est une mauvaise transcription du phonème persan "Dž" puisqu'icelui se prononçait "G" au IX ème siècle. Ah bon, vous ne le saviez pas?)
Alors on commence par le bas, par ceux qui ont les pieds sur terre. Donc à droite en arrière plan, au fond et en bas, surélevé sur son piédestal et portant une chapka en poil de marmotte et une barbe en d'sous de bras, l'empereur "Svatopluk". A sa gauche et courbé vers son oreille, coiffée du typique camauro (signe distinctif porté en ces temps par les moines catholiques), la fripouille "Wiching" lui murmure d'intrigantes comploteries. A notre droite, en avant plan, des guerriers germains venus écouter la nouvelle, reconnaissables à leur accent prononcé et à leurs étendards portant mention "Lingua Latina und Sauerkraut mit Wurst über alles". Presqu'au centre mais légèrement sur la gauche quand même, vêtu d'une barbe blanche et d'une robe bourrue qui pique partout, Méthode, l'archevêque de Sirmium, le regard sévère. Notez comment Alfons lui adjoignit 2 petites zenfants agenouillées par piété et tenant notre saint par les mains comme un père protecteur afin de remplir le tableau d'un lyrisme exalté. Notez également la lumière qui l'illumine comme une star alors que les autres acteurs de la scène sont plus obscurs, voire dans l'ombre carrément. Derrière Méthode, en convoi de robes sombres, ses fameux disciples qui seront chassés du pays et qui propageront le rite slavon vers les Balkans et vers l'Est, aux limites des frontières de l'Asie. En arrière plan de la queue-leu-leu, une rotonde préromane judicieusement inspirée de la rotonde St Georges de Thessalonique, dans laquelle les frelus jouaient de l'orgue et apprenaient à cuisiner l'hostie à la sauce au vin. En tout avant plan, le jeune hermaphrodite androgyne serrant le poing d'une main, un cercle dans l'autre (main), symbolise la force (alors qu'il est maig' comme un lévrier végétarien) et l'unité slave face à l'adversité (et aux Germains). Le modèle du maigrichon ne fut nul autre que le propre fils de l'artiste, "Jiří Mucha" (Alfons a utilisé plusieurs fois les membres de sa famille comme modèles dans ses toiles).
Passons en haut, à ceux qui ont la tête dans les nuages. A gauche, tout sombres, sont représentés les Francs-Germains propageant furieusement le catholicisme en terres slaves. L'on peut apercevoir l'empereur (Louis II?) tenant en sa main droite l'orbe impérial, représentation de son pouvoir séculier (le globe terrestre) comme spirituel (la croix plantée dessus). A sa gauche, un quidam pseudo-Zeus-Jupiter tient un foudre de sa main droite. Pas la moindre idée de qui c'est. En dessous d'eux, légèrement sur la gauche (la notre), 2 prêtres catholiques violentent un jeune Slave.
Ensuite à droite, le groupe de 4 quidams, c'est plus vraiment grand-morave. Enfin pas directement. C'est la continuation de. Vous vous souvenez que les moines chassés du pays migrèrent en Bulgarie, jusqu'à la Rus de Kiev, pour convertir et baptiser Vladimir le cruel fornicateur? Ben sur notre tableau, en haut et à droite se trouvent ses grands-parents, mémé Ste Olga et pépé Igor (lui n'était pas saint). Les 2 suivants, c'est un peu plus compliqué. Enfin pour le dernier. Le troisième, c'est marqué d'ssus comme le Port-salut, c'est St Boris. Mais lequel? L'un des 2 fameux fils de Vladimir et la coqueluche toujours actuelle des russes orthodoxes: St Boris. Dans ce cas le dernier, en toute logique, devrait être son frère cadet Gleb. Ils sont inséparables comme Quasimodo et Sméralda, Tarzan et Chita, Athos, Porthos et Calvados, genre t'as pas l'un sans l'autre. Mais voilà, vous aurez remarqué que les sanctifiés portent l'auréole autour de la tête? Ben le quatrième personnage n'en porte pas. Or Gleb est tout autant saint que son frère St Boris. Alors? Selon une source, il s'agirait de la femme de St Boris. Ouah la couillonnerie, mort de rire. Les 2 pauv' boug' sont morts niais et plus-sots selon Nestor, alors ils n'avaient point d'épouse, ben tiens. Il s'agirait alors d'un autre Boris. Genre Boris le Bulgare? Le 4 ème personnage serait alors sa soeur Ana, la copine d'université de Constantin avec qui elle partagea les bancs de l'amphi à Constantinople (cf. la photo de classe). Etant jeune, Constantin avait embarqué Ana sur le chemin de la foi orientale (à défaut de mieux), et à son retour, la petite n'eut de cesse d'agacer son tsar païen de frangin avec la nouvelle religion, jusqu'à ce qu'il se convertisse avec tout son peuple (cf. "Constantini Manassis: Breviarium historiae metricum"). Considérez donc ces 2 derniers (Boris et Ana) comme les plus probables, mais sans certitude aucune.
Epilogue
Alors après tant de temps, tant d'effort et d'énergie, tant de guerres, après les païens, les Byzantins, les catholiques, les hussites, les luthériens, et les re-cathos, vous vous demandez pourquoi les Tchèques sont les moins croyants d'Europe? A mon avis, c'est plus une question de confiance envers l'église (quelle qu'elle soit) qu'envers dieu (quel qu'il soit aussi).
Réponse à la seconde question, pourquoi y a-t-il autant d'églises en République Tchèque? Recatholisation. La religion catholique c'est comme la Ste Vierge. Lorsqu'on ne la voit pas régulièrement, le doute s'installe (cf. Michel Audiard). Du coup les empereurs habsbourgeois, la noblesse comme la bourgeoisie catholiques n'eurent de cesse de financer des églises, pour le salut de leurs âmes pécheresses, pour faire plaisir aux moines comme aux curés, et pour ancrer dans la sotte tête du peuple qu'il n'y a pas d'autre religion que la romaine catholique, un point c'est tout. Prague compte 1,2 millions d'habitants et possède quelques 350 églises, soit 1 église pour 3.400 habitants. Ca tient compte des HLM en béton tout autour de la ceinture, construits par les con-munistes qui ne construisaient pas d'églises. Maintenant la vraie Prague, Prague 1, plein centre historique, ben on compte 70 églises pour 30.000 habitants, soit 1 église pour 430 habitants. Ok, c'est pas révélateur car Prague centre se dépeuple au détriment des bureaux-centres-commerciaux (fumiers), mais même en milieu du XX ème siècle (période où Prague centre était la plus peuplée), le rapport était de 70 pour 150.000 soit 1 église pour 2.150 habitants. Vous ne trouverez pas une telle concentration même à Rome (quelques 920 églises pour 2,7 millions d'habitants, soit 1 église pour 2900 habitants).
Bon, et les trous dans le Gruyère? Ouah, mort de rire, y a pas de trou dans le Gruyère. Les trous c'est dans l'Emmental, dans les chaussettes et dans l'atmosphère, mais pas dans le Gruyère. Mort de rire, ouah les boules.
Et pour terminer, et parce que j'avais promis de vous en parler, le hérisson frotteuriste. Bon, vous n'êtes pas sans savoir que le hérisson traverse systématiquement et seulement la route lorsqu'un véhicule est à proximité? Tiens, expérience. Prenez la plus petite route pourrie de la dernière campagne inhabitée au cul du monde de la civilisation. Posez un hérisson sur le bas côté, et observez. Ben il ne se passera rien. Il ne se passera rien pendant 1h, rien pendant 1 jour, rien pendant 1 mois, et il ne se passera rien même pendant 10 ans, pour peu que vous poursuiviez l'expérience et que le hérisson n'expire pas de lassitude. Mais si par le plus grand des hasards, et à n'importe quel moment, surgit un véhicule motorisé, ce foutu bougre de vieille courge de hérisson va vous traverser la route. Mieux, quand bien même occupé à n'importe quoi comme à compter ses épines, à l'approche d'un véhicule motorisé, le hérisson va illico laisser tomber son ouvrage et vous traverser la route, là, sous les roues du train. Alors depuis des siècles, les scientifiques se posent la question: mais pourquoi le hérisson a-t-il traversé la route? Certains scientifiques (mais pas que) ont apporté des réponses pour le moins vaseuses.
- Moïse: et Dieu apparut au hérisson, et lui dit "va, et traverse la route".
- Aristote: c'est dans la substance même du hérisson.
- Hippocrate: par excès d'humeur dans son pancréas.
- Darwin: pendant des millénaires, les hérissons ont subit une sélection naturelle les incitant à traverser la route.
- Karl-Marx: des suites d'un excès d'exploitation par la bourgeoisie capitaliste.
- Freud: la manifestation sexuelle du sur-moi héroïque poussa irrésistiblement le hérisson à traverser.
- Einstein: selon l'angle d'un second référentiel, c'est la route qui se mut sous les pieds du hérisson.
- Régis (informaticien au CNRS): IF cross_road(hérisson) THEN get_other_side() ENDIF
Mais finalement, c'est ma belle-mère qui trouva la réponse toute évidente: le hérisson traversa la route pour aller de l'autre coté. Ben tiens, eh? Bon, mais ça explique (plus ou moins) pourquoi le hérisson traversa la route, aucunement pourquoi au mauvais moment. Eh bien je vous laisse chercher. Réponse dans la (une?) prochaine publie. Eh oui.