Avec le temps des élections vient le temps des paroles. Chaque candidat va se voir décompter à la seconde près sa prise de parole à la radio ou à la télévision. On en vient à des comptes d'apothicaires qui prennent parfois le dessus sur le fond.
Dans l'émission de Laurent Ruquier du samedi 14 janvier On n'est pas couché, sont venus exposés leurs idées et convictions Hervé Morin et Corinne Lepage. Le premier avait droit à vingt minutes et la seconde avait droit à quinze minutes. Vous ne trouvez pas que cela frise le ridicule ? La question essentielle est : est-ce qu'un temps de parole équitable entraîne forcément une égalité devant les urnes ?
Pour moi, ce temps de parole donne un semblant d'équilibre mais des paramètres externes bien plus importants pèsent davantage dans la balance. Sa présence médiatique régulière dans le mandat en cours : invité sur les plateaux de télévision, vous avez tout loisir de marquer les électeurs dans leur esprit comme une image indélébile qui vaut n'importe quelle affiche papier. Sa présence dans un gouvernement : en vous débrouillant bien, vous pouvez faire parler de vous à chacun de vos déplacements ministériel, d'une inauguration quelconque, d'un discours dans une usine. Ses apparitions coup de poing pour faire le buzz : sortez la plus grosse bêtise en public, commettez la plus grosse bourde, faites un lapsus que vous tournez à l'humour et c'est le bêtisier annuel assuré (qui ne sera pas décompté en temps de parole).
Il existe tellement de ficelles et d'astuces pour décupler ses temps de paroles que ce n'est pas un chronomètre qui va vous empêcher d'accéder au second tour. D'autant qu'à côté de ça, pour que l'équité soit garantie, il faudrait que chaque électeur regarde et écoute chaque candidat dès qu'il s'exprime. Or, il n'en est rien. Je défie quiconque ici capable de suivre une campagne électorale à 100 % sans s'endormir.
Personne en France ne verra chaque minute d'intervention d'untel ou d'unetelle. Sauf les autres candidats évidemment, pour avoir de quoi répondre.
Même si un soir de débat télévisé, chaque candidat a trente minutes pour s'exprimer, et bien il ne sera pas entendu trente minutes par chacun de nous. Le plus souvent, nous ne verrons que des résumés de quelques secondes dans des journaux télévisés, ou pire, une caricature dans les guignols...
Bref, l'espace médiatique et donc l'espace temporel de chaque candidat n'est qu'illusoire et se retrouvera forcément biaisé par toute une cuisine politicienne et sournoise de jeux d'acteurs. L'élection n'est qu'un vaste théâtre d'apparence et de faux semblant ou seules les chances de victoire sont proportionnelles aux opérations de communications.