Chaque fois que tu sentiras se nouer la communion, l’Esprit est là, n’en doute pas. Chaque fois que naîtra d’un repli de ton cœur le don de l’un à l’autre, l’Esprit est là qui unifie de l’intérieur. Il invente des liens qui n’existaient pas avant nous, qu’il nous appartient d’affermir et de prolonger. Nous les nommons amour, mais sans bien en mesurer la portée ni l’étonnante nouveauté dans notre histoire. Lui qui instaure la paix, lui qui rassemble dans la perfection de l’unité, depuis l’origine il conduit l’univers à son terme, du Père vers le Fils et du Fils vers le Père.
As-tu remarqué, dans la Trinité, combien l’équilibre tient à l’unique Esprit qui demeure intérieur au Père et au Fils ? C’est par lui qu’ils sont un, c’est par lui qu’à notre tour nous devenons un en eux : « Père, qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jean 17, 11). Aussi n’est-il pas bon de trop objectiver l’Esprit. La Trinité ne ressemble pas à cette association que tu imagines parfois dans un huis clos sourd à toutes les rumeurs. Parce que l’Esprit se donne et se révèle comme l’intime, il est celui qui ouvre, celui qui relie de l’intérieur, fibre à fibre, dans l’unité qui sous-tend la profusion du visible : plus qu’une personne, il fonde l’essence même de la personne, de toute personne, qui ne le devient que par l’intériorité qu’elle sécrète.
Recevoir l’Esprit-Saint nous consacre à notre tour comme sujet, nous introduisant dans l’unité de la Trinité par la profondeur de vie et d’esprit qui nous anime. Osons une perspective : l’Esprit, désormais, c’est nous. La troisième Personne de la Trinité veut prendre notre visage. Il doit en être ainsi. Les temps sont dirigés vers cette finalité...
Pardonne-moi ces expressions naïves ou prétentieuses, et ne retiens que la tentative passionnée d’une approche toujours fuyante, dont l’impuissance nous aide à mieux appréhender combien l’Esprit nous livre la vie dans son mystère le plus exaltant. Sa substance s’identifie à l’indicible qui nous échappe, tout ce qu’on ne peut pas limiter, ce que l’on ne saurait objectiver, le plus précieux, le plus subtil, le souffle même du vivant, ce que nous avons de plus intime, l’être de notre être, la source insaisie – l’inouï qui de l’intérieur nous déborde, l’au-delà qui nous fonde.
Tu sens bien maintenant qu’il ne s’agit pas tant de nous adresser à l’Esprit que de le reconnaître au fond de nous, au plus profond, à la racine, dans une sorte de transcendance intime, et de lui ouvrir la route, de le laisser nous envahir... Souffle, eau, feu, il ne se révèle que dans la fuite, l’insaisissable, le mouvement, qui jamais ne se prend lui-même mais entraîne tout à sa suite...
Source : La Vie