Les syndicats ont lancé une grève générale illimitée pour protester contre le doublement des prix des carburants dans le premier pays producteur de pétrole brut d’Afrique.
Le mot d’ordre de grève générale lancé par les syndicats nigérians pour protester contre la brusque hausse des prix des carburants semblait, hier après-midi, très suivi dans tout le pays. Dans les rues de Lagos désertées par les véhicules, des milliers de manifestants ont défilé, réclamant le rétablissement des subventions aux carburants, dont la suppression, le 1er janvier, a entraîné le doublement du prix du litre à la pompe ainsi qu’une hausse généralisée des prix. Facétieux, de jeunes contestataires bloquant un axe routier ont rebaptisé le président Goodluck Jonathan : « Bad Luck Jonathan ! » (« Jonathan la malchance ! »), scandaient-ils, en jetant des pierres sur des policiers. Dans la plus grande ville du pays, au moins un manifestant a été abattu par les forces de l’ordre.
Les syndicats dénoncent la violence répressive
À Abuja, la capitale fédérale, les manifestants sont également descendus nombreux dans la rue. Un important dispositif sécuritaire était déployé pour tenter d’entraver leur marche vers le centre-ville. Dans le Nord, à Kano, de violents heurts ont opposé policiers et protestataires qui tentaient d’accéder au bureau du gouverneur. Bilan : au moins deux morts, trente blessés, dont dix-huit par balles, selon un responsable local de la Croix-Rouge. Les responsables syndicaux ont vivement condamné ce déchaînement de violence répressive. « C’est très triste que, dans une démocratie, les gens qui sortent sans armes pour exprimer leurs doléances soient confrontés à des policiers armés », s’est indigné Abdul-wahed Omar, président du Nigerian Labour Congress (NLC), l’une des principales centrales. Dans le premier pays producteur de pétrole brut en Afrique, la cristallisation de la contestation sociale sur le dossier des prix des carburants embarrasse le président, Goodluck Jonathan, et son administration. Dimanche, l’Assemblée nationale a adopté une motion exhortant le gouvernement à reculer en rétablissant les subventions. La veille, le président nigérian, dans une allocution télévisée, était apparu fébrile, prétendant « défendre l’intérêt national » avec sa politique de dérégulation. « De rudes choix doivent être faits, a-t-il plaidé. (…) Ou nous dérégulons et nous survivons économiquement, ou nous poursuivons avec un régime de subventions qui continuera à saper notre économie et notre potentiel de croissance, et nous ferons face à de graves conséquences. »
En difficulté sur le front social, Goodluck Jonathan est aussi confronté à l’échec de sa politique sécuritaire qui, loin de contenir l’activisme de la secte islamiste Boko Haram, a contribué à sa radicalisation et à la recrudescence de la violence terroriste. L’état d’urgence décrété le 31 décembre n’a pas mis fin aux attaques meurtrières dirigées contre des chrétiens. Depuis les sanglants attentats de Noël, qui avaient tué 49 personnes, six nouvelles attaques ont fait plus de 80 morts dans le nord du pays. Et de l’aveu même du président nigérian, Boko Haram disposerait de soutiens dans la police, l’armée et l’appareil d’État, jusque « dans la branche exécutive du gouvernement ». De quoi nourrir une dangereuse instabilité.
Rosa Moussaoui