Restaurants

Par Gourmets&co

Cobéa par Patrick Faus.#


Curieux, versatiles, iconoclastes gourmets parisiens ! Alors qu’il est chef à l’Hôtel de la rue des Beaux Arts, peu de gens s’intéressent au travail de Philippe Bélissent. Il faut une étoile au Michelin pour que l’on se penche avec circonspection sur ce nouveau phénomène. Certes, l’Hôtel n’est pas alors le lieu le plus joyeux de la capitale et paradoxalement pour une adresse de ce prestige, l’inconfort y règne en maître surtout dans la salle du restaurant. Finalement, il part avec son compère Jérôme Cobou, alors maître d’hôtel au même endroit, pour une aventure plus personnelle et plus à leur image. Ils se comprennent comme des frères et s’entendent comme des amis d’Ecole Hôtelière, au Touquet en l’occurrence. Ils trouvent une salle plutôt sobre, calme et donnant sur un « jardinet », classe et non classique, mais surtout chaleureuse et décontractée sans tomber dans la familiarité. Cuisine visible de la rue et entrouverte sur la salle, comme il se doit aujourd’hui. La décoration est réussie sur des tons de gris rehaussés par une belle vaisselle en harmonie avec le choix des nappes. Il se dégage une ambiance gourmande qui met à l’aise et en appétit surtout que l’accueil est parfait dans sa diligence souriante et efficace. Adoptant une attitude centriste ou « middle of the road » pour la carte par rapport aux tendances du moment, les intitulés des plats annoncent les principaux ingrédients sans préjuger de la manière et du style de cuisson. Mieux que rien ! Démarrage avec la surprise des Grignotages qui flirte avec le génial : Clams, encornets, fenouil, et émulsion de coquillages en une magnifique variation sur le déjà plat-phare de la maison, et touche à l’excellent avec un diabolique Cromesquis chèvre et miel.
Tourteau, radis, céleri : un plat virevoltant qui s’envole pour retomber sur ses pattes en fraîcheur et en finesse comme un pas de danse sur la glace. Champignons, Paris, cèpe et pleurote en raviole : jolie déclinaison autour d’un jus superbe mais peut-être un peu salé si on veut embêter le chef ; mais comme on ne veut pas, on passe. Coquille Saint-Jacques, chou-fleur et beurre noisette : un ange passe, une virgule se dessine en légèreté et en goûts effleurés, du coup nous restons sur une envie… insatisfaite. Le contraire avec le Merlu à la plancha, oignons doux, sauce orange/coco, magnifique d’équilibre. Grandiose Cochon Pata Negra, céleri et coing à la cuisson parfaite et en construction remarquable. Un plat superbe sur la force du cochon, la douceur du coing et le croquant du céleri. Fromage ? Comté bien sûr… et affiné 24 mois bien sûr. Depuis quelque temps, le Comté devient un plat à lui tout seul, ici avec marjolaine, noix et savagnin. Il règne en maître depuis la disparition du plateau, il est souvent trop affiné perdant son identité pour devenir un autre fromage. Desserts stratosphériques : sorbet fraîcheur gingembre et citron vert ou un Caramel, noix de Pécan, ou encore Ananas, meringue, chocolat, lait épicé, et les mignardises de fin de repas. Perfecto ! Pain de Dominique Saibron servi tiède. Passionnante carte des vins à prix serrés avec des vins au verre à 8 € dont un remarquable Côtes de Blaye Terre Blanque 2006. Eau minérale à discrétion. Une cuisine franche, précise, chaleureuse, à l’aise dans l’air du temps et d’une technique irréprochable avec du cœur en prime. Ça démarre sur les chapeaux de roues. Suivez le mouvement, ils vont aller loin.

Questions à Philippe Bélissent

Pourquoi ce choix dans ce coin du XIVe arrondissement ?
Le lieu nous a plu. Le rapport qualité/prix était intéressant. Il n’y a pas beaucoup d’étoilés dans le quartier en particulier et dans l’arrondissement en général. À propos du guide Michelin, je suis clair. D’abord à l’Hôtel, c’est eux qui nous ont sorti de l’ombre. Notre métier c’est d’être étoilés, car c’est ce que l’on sait faire. Avoir une étoile, c’est bien pour l’équipe et les engagements futurs, bon par rapport aux autres restaurants autour de nous. Ce serait bien pour nous deux, et en plus il y a une clientèle étrangère qui vient aux étoilés. On sait que le Michelin nous suit déjà et on espère pour 2013.

Le déclic pour la cuisine s’est passé quand et comment ?
Ma grand-mère tenait une auberge, ma mère est une excellente cuisinière, mais le déclic est venu d’un ras le bol des études et je suis rentré en cuisine sans révélations particulières. Le déclic est venu plus tard grâce aux professionnels avec qui j’ai travaillé et j’ai eu beaucoup de chance de les rencontrer.

Les trois personnes essentielles à votre carrière ?
Jérôme Dubois, notre professeur de cuisine au Touquet. Philippe Braun au Laurent à Paris, une maison très dure mais où j’ai beaucoup appris. Christian Le Squer chez Ledoyen avec qui j’ai aussi beaucoup appris et qui pousse à la créativité. C’est un homme humainement irréprochable.

Comment concevez-vous la carte ?
Tout est partagé avec Jérôme. Il goûte beaucoup quand on change la carte, avant d’avoir le retour salle. Je travaille aussi avec mon sous-chef Michel, pour les essais on goûte car on a l’expertise, puis Jérôme donne son avis. La carte change tous les mois.

Votre plat emblématique ?
Le Grand couteau de plongée à la plancha avec persillade au gingembre, purée de fenouil anisée et jus de coquillages. Ça a plu et ça plait encore énormément.

Cobéa
11, rue Raymond Losserand
75014 Paris
Tél. : 01 43 20 21 39
M° : Gaité
Fermé dimanche et lundi
www.cobea.fr
Réservation indispensable (3 semaines pour samedi soir, 1 semaine pour le soir)
Menu : 38 € (déjeuner)
Formules : 55 € (4 recettes) – 75 € (6 recettes) – 95 € (8 recettes)