Un Maupassant en passant.

Publié le 14 janvier 2012 par Dubruel

UNE RUSE

On sonna à la porte. Je m’éveillai.

Jean, mon domestique, parut.

Il tenait une lettre qui disait :

« Madame Pétrus

Prie avec instance

M. le docteur Romance

De passer chez elle immédiatement.»

Je réfléchis

Et répondis :

« Le docteur, fort souffrant,

Prie Mme Pétrus de vouloir bien

Appeler son confrère M. Damien.»

Je rendais le pli

À Jean et me rendormis.

Une heure plus tard,

Jean vint dare-dare

Me réveiller :

-« Il y a quelqu’un qui veut vous parler. »

-« Je descends

Dans un instant. »

C’était Mme Pétrus.

Elle avait l’air affolé :

-« Vite,…Docteur,...venez !

…Dans ma chambre, …mon amant vient de décéder…

…Mon mari va rentrer bientôt. J’ai si peur…

-« C’est vous qui êtes venue tout à l’heure ? »

-« Non,…c’est ma bonne…Elle est dans le secret…

Moi, j’étais demeurée…

Auprès de lui. »

Nous partîmes. Il était minuit.

À peine étions-nous arrivés

Que dans sa chambre je vis le corps

Étendu au beau milieu. Je l’examinais.

J’ai tâté ses mains, son cou, encore et encore :

-« Aidez-moi à le porter sur le lit.

Rhabillons-le.; c’est fini.

Mme Pétrus saisit la tête de son amant,

La regarda désespérément,

L’embrassa doucement

Et murmura : -« Adieu, chéri. »

À ce moment, La porte d’entrée s’ouvrit

Mme Pétrus et sa bonne tremblaient.

C’était le mari qui rentrait.

-« Apportez-moi des serviettes

Et une cuvette ! »

Et je l’ai appelé: -« Cher ami,

Nous avons eu un accident,…venez ici ! »

Lui, stupéfait, interrogea :

-« Qu’y a-t-il ? Qu’est-ce que cela ? »

-« J’étais resté à bavarder avec votre femme

En compagnie de notre voisin Pierre d’Haulame.

Voilà que soudain il s’est affaissé.

…Je commençais

À lui porter les premiers soins…

Aidez-moi donc à le descendre.

Vous le savez, il n’habite pas loin.

Je l’ausculterai mieux dans sa chambre ;

L’époux surpris, mais sans méfiance

Me prêta assistance.

On empoigna son rival désormais inoffensif.

Nous voilà dans la rue avec l’escogriffe.

Je le redressais, l’encourageais, lui causais.

(Il fallait aussi tromper le cocher) :

-« Allons, ce ne sera rien, mon ami.

Faites un petit effort et ce sera fini. »

On le bascula dans le coupé.

Je m’assis à son côté.

Et après m’avoir serré la main

Le mari inquiet me demandait :

-« C’est grave, pensez-vous ? »

-« Non, non ; à demain ! »

Elle, avait pris le bras de son époux.

Et moi, au cocher, j’ordonnais :

-« Chez d’Haulame ! »

En arrivant

Rue Madame

Au domicile de l’amant,

J’ai cru malin

D’annoncer :

-« Il a perdu connaissance en chemin ! »

Je constatai ensuite le décès.

Puis je rentrai me coucher,

Maudissant la vita dolce.

signé : Abel Anphan (pseudo !)

Le sage doit quitter la vie avec autant de décence qu’il se retire d’un festin.

Démophile