Seun Kuti, le visage de son père Fela imprimé sur son tee-shirt, semble né pour vivre ce moment. Avec des milliers de personnes il crie sa colère contre le gouvernement avant de se lancer dans une autre chanson.
"C'est un festival de protestation" crie-t-il à la foule rassemblée dans un parc de Lagos comme chaque jour depuis qu'une grève générale illimitée a commencé au début de la semaine pour protester contre la hausse des prix des carburants.
Son père, Fela Kuti, décédé en 1997, était devenu célèbre dans le monde entier grâce à sa musique afrobeat et à ses critiques véhémentes de la corruption du régime. Maintenant c'est au tour de Seun de mener la charge alors que les manifestations s'étendent.
Les manifestations et la grève générale ont commencé lundi après que le gouvernement a interrompu le 1er janvier les subventions aux carburants doublant instantanément le prix de l'essence dans le pays le plus peuplé d'Afrique, premier producteur de pétrole du continent.
La plupart des injustices dénoncées par Fela subsistent encore: la majorité de la population vit avec moins de 2 dollars par jour alors qu'une élite corrompue détourne la plus grande partie des revenus de l'un des premier pays pétroliers du monde.
Même si le gouvernement et les économistes disent qu'ils ont des raisons d'abandonner les subventions - qui représentent 8 milliards annuels et permettraient de rénover les infrastructures - la hausse du prix des carburants est un coup brutal pour les pauvres.
C'est pour cette raison que Seun Kuti a compris qu'il devait entrer en scène, apparaissant régulièrement sur le site des principales manifestations et interprétant avec son orchestre sa musique engagée.
Il a fait la même chose dans son club familial, le New Africa Shrine, qui a remplacé celui de son père qui a brûlé.
- Corruption -
Mais maintenant les choses sont différentes. Pour Seun, les manifestations surviennent à un moment crucial pour le pays. Elles portent sur les prix des carburants mais en réalité sur la corruption qui a fait un pays profondément injuste.
Seun n'avait que 14 ans quand son père est mort en 1997 d'une maladie qui pourrait être le sida. Il avait dans ses chansons dénoncé les responsables nigérians avec des titres tels que "cercueil pour le chef de l'état" ou Voleur-voleur international".
Il avait été emprisonné une fois et sa "République de Kalakuta", dont il avait déclaré l'indépendance, a été brûlée.
Mais Fela ne faisait pas que de la politique. Il était connu pour avoir épousé 27 femmes le même jour, pour la plupart ses danseuses, et il avait un goût prononcé pour la marijuana.Seun faisait déjà de la musique avant la mort de son père, jouant parfois avec son orchestre.
Il avait ensuite pris le rôle central dans l'orchestre appelé Egypt 80, jouant comme son père du saxophone. L'an dernier, avec l'orchestre ils ont repris un album "From Africa with fury : rise" coproduit par Briand Eno une icône britannique.
IL y suit les traces afrobeat de son père mais semble aller aussi sur ses propres inspirations, même s'il reste aussi engagé que jamais. En grandissant avec son père il a appris à vivre selon des "principes", explique-t-il à l'AFP après le concert.
Concernant son engagement auprès des manifestants, il explique: "c'est une nécessité en tant qu'africain, le peuple doit être entendu".Son frère aîené Femi qui est aussi musicien et sa soeur Yeni l'ont rejoint jeudi sur la scène pour dénoncer la hausse des carburants.
"Le gouvernement fédéral doit comprendre que le peuple nigérian ne sera plus le paillasson sur lequel ils s'essuient les pieds dans leurs vies de luxe et de confort", accuse-t-il.