A 100 jours de l'élection présidentielle, tout est possible. Surtout avec lui. La violence verbale des proches de Nicolas Sarkozy contre le candidat socialiste, à l'exclusion de tous les autres, a surpris jusque dans son camp et dans la presse. Cette semaine, si illustrative de ce sale comportement, fut aussi marquée par de nouvelles promesses: une loi contre la précarité des fonctionnaires, davantage d'indépendance dans la nomination des procureurs, comme si tout devenait possible à 100 jours d'un scrutin.
Mais vendredi, patatras. La méchante agence Standard and Poor's dégradait la France à AA+, tout en épargnant l'Allemagne et même la Belgique.
Nicolas Sarkozy, l'homme aux 650 milliards de dette supplémentaires, avait perdu son Triple A.
Outrance verbale
Lundi, les Echos révèlent que Valérie Pécresse, la ministre du Budget, a fait travailler ses services sur les différentes modulations du quotient familial. La révision du quotient familial était justement une mesure proposée par le camp Hollande. Cette privatisation des moyens de l'Etat à des fins partisanes n'étonne même plus les médias. On y apprenait que les 10% des ménages les plus riches captent 25% des 10 milliards d'euros de l'avantage fiscal: leurs enfants sont-ils plus chers que les enfants des plus pauvres ? D'une façon plus générale, la droite UMP s'est toujours refusée à réformer les avantages sociaux... des plus riches.
Mardi, la charge contre François Hollande fut une nouvelle fois collective et outrancière. Même Nicolas Sarkozy a transformé ses voeux pour l'occasion. Son adresse à « la France solidaire », le 10 janvier, a débuté par un long paragraphe consacré à ... la politique familiale. Ses perroquets multiplièrent les arguments les plus violents : « anéantissement de la politique familiale » (Copé), « proposition assassine » (Wauquiez), « coup de massue » (Pécresse), « homme dangereux » (Morano)... Mardi après-midi, le (faux) patron de l'UMP se félicitait, en réunion de groupe à l'Assemblée, de ce « massacre à la tronçonneuse ». Mercredi, c'était Bernard Accoyer, pourtant président de l'Assemblée nationale, qui compara une défaite éventuelle de son camp aux prochains scrutins à une « situation de guerre ».
La violence des propos sarkozystes illustre la tactique électorale du Monarque: le candidat Sarkozy voulait tuer le débat, quitte à plonger dans l'outrance.
Mensonges politiques
On aurait aimé que les sbires du Monarque déploient autant d'énergie à défendre le bilan social de leur Chef. Selon Roselyne Bachelot, ce dernier serait « important ». La ministre des Solidarités Actives est parfois gênée par les saillies verbales de ses collègues. Jeudi, elle a très sérieusement déclaré que « Nicolas Sarkozy a été un des présidents de la République dont le
bilan social est le plus important et ceci il faudrait que la gauche le
reconnaisse »...
Roselyne Bachelot a cité l'allocation d'adulte handicapé augmentée de 25% en 5 ans, comme le minimum vieillesse. Elle oublia la récente hausse de la TVA, les nouvelles franchises médicales depuis 2008. Elle s'abrite derrière le RSA, qui a remplacé le RMI, mais évacuait l'échec du RSA jeune. Et puis, in fine, comment ne pas évoquer les statistiques nationales ? Le nombre de pauvres a augmenté d'environ 300.000 foyers entre 2007 et 2009. En mars 2011, l'INSEE notait que la part de très pauvres avait augmenté. En décembre dernier, le gouvernement avait même coupé 153 millions d'euros de dotations publiques à la lutte contre la pauvreté, dont 28 millions pour le SAMU Social.
Finalement, Roselyne Bachelot fut lucide: « nous avons renoncé aux mesures les plus lourdes ». Effectivement,
En milieu de semaine, la direction statistique du ministère du travail livrait son rapport sur les heures supplémentaires déclarées l'an passé dans les entreprises de plus de 10 salariés. Surprise ou pas, elles ont encore augmenté (+4%). Comme le chômage (+5%). Et les salariés aux 35 heures s'affichent toujours comme ceux qui font le moins d'heures supp (6 heures par trimestre contre 28 heures pour les autres).
La durée du temps de travail s'est invitée maladroitement dans la campagne. Jeudi matin, un institut patronal publiait un rapport au titre choc: « La durée effective du travail en France est une des plus faibles d’Europe ». La ficelle était bien grosse. L'institut oubliait le temps partiel (plus important ailleurs en Europe et notamment en Allemagne), qui fait baisser le volume horaire annuel moyen travaillé par personne.
Cadeaux électoraux
Jeudi, un obscur sondage de Paris Match semait le trouble. Nicolas Sarkozy était quasiment rattrapé par Marine Le Pen au premier tour du scrutin présidentiel. En l'espace de quelques jours, le Monarque avait complètement décroché. Une autre enquête semblait confirmer un décrochage du Monarque auprès des classes populaires. On se souvient de manipulations sondagières similaires voici près d'un an.
Il s'agissait de décourager l'électorat de centre-droit. La pression reste d'ailleurs forte contre Hervé Morin, le député du Nouveau Centre. Quelques leaders de son propre parti, par ailleurs ministres ou anciens ministres de Sarkozy, l'ont menacé d'un congrès pour l'empêcher de se présenter à la présidentielle. Sarkozy n'a besoin que d'un centriste, pas de deux, pour miner l'aile droite de François Hollande.
Jeudi, Nicolas Sarkozy était à Lille. Ses voeux à l'administration furent sans outrance et mesurés. Le Monarque était doux comme un agneau. On avait oublié ses moqueries à répétition contre les fonctionnaires. Oublié aussi ses confidences de novembre 2010, quand il voulait réformer les statuts. Election oblige, Nicolas Sarkozy a promis une loi contre la précarité des CDD dans la Fonction Publique. Eric Woerth l'avait promise... en mars 2010. La supercherie avait été dévoilée l'an dernier: Sarkozy se gargarise d'avoir supprimé 100.000 postes d'agents, mais il a recruté 100.000 contractuels précaires de plus. Jeudi à Lille, il a donc répété cette vieille promesse: « tout agent en CDD occupant depuis six ans un emploi répondant à un
besoin permanent de son service se verra dorénavant systématiquement
proposer un CDI.» Six ans de CDD pour obtenir un CDI !
Martine Aubry était au premier rang, avec quelques élus locaux de gauche, à le fixer durement durant son intervention. A la fin du show présidentiel, la maire de Lille est allée lui demander, devant les caméras, de calmer ses troupes. Coincé, Sarkozy bafouilla que François Hollande devrait faire de même, et il déjugea Bernard Accoyer. Un peu plus tard à l'Elysée, il coupait une galette des Rois. Le discours du patron de la fédération de la Confédération nationale de la Boulangerie-Pâtisserie lui avait déplu: « vous êtes des Français, vous ne voyez pas ce qu'il y a de bien ! »
Vendredi, le Monarque voulait généraliser les jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. L'affaire a démarré en janvier, dans deux tribunaux. C'est une véritable usine à gaz qui, faute de moyens, a conduit le gouvernement à créer une procédure d'assises simplifiée... Ses voeux au corps judiciaire furent rapides, à peine trente minutes. « Depuis presque cinq ans, j'ai cette obsession de tenter de rapprocher les Français de la justice » On souriait. Ses rapports avec l'institution judiciaire ont été largement décrits dans un excellent ouvrage, l'an dernier: pressions contre les juges, prises à témoin de l'opinion, nomination de proches, obstruction des instructions gênantes (Karachi, Woerth/Bettencourt, Françafrique). Même les procureurs ont cru bon manifester leur désarroi et leur colère contre leur manque d'indépendance en novembre dernier ! Election oblige, Sarkozy est plus coulant: il était désormais d'accord pour respecter, enfin, l'avis du CSM pour les nominations au parquet...
A 100 jours de l'élection présidentielle, tout est possible
Sarkozy a même invité le mariage gay dans la campagne. Libération en a fait sa une. A ce stade, c'était juste la confidence d'un proche conseiller.
Ami sarkozyste, es-tu dupe ?
Vendredi après-midi, François Baroin s'était précipité au Palais. L'agence Standard and Poor's venait de dégrader la note de la France. Le fameux Triple A était perdu. La nouvelle était plus terrible encore: SP maintenait la Sarkofrance sous « perspective négative», mais elle avait épargné l'Allemagne et la Belgique; la Grèce déjà affaiblie risquait une nouvelle sanction. Le radeau Sarkofrançais avait sombré, décroché du modèle allemand.
Mais Nicolas Sarkozy n'avait pas prévu de commenter cette annonce « fracassante ». Mercredi, il avait imposé une communication lénifiante de François Baroin en conseil des ministres sur un-déficit-moins-élevé-que-prévu. « On est sur la bonne voie » croyait-il pouvoir dire. L'agence franco-américaine Fitch, la veille, avait annoncé qu'elle ne dégraderait pas la France cette année.
Que pouvait-il commenter ce vendredi soir ? Son échec ?