Il y a d’immondes cauchemars à la Kafka, où l’on se retrouve sous la peau d’une bestiole infecte comme
un scarabée ou une tique (c’est l’histoire de la tique dans « le Parfum »). Hugo, dans le dernier livre des Contemplations interprète ces formes bizarres de la vie comme une régression dans
l’échelle des êtres, une sorte d’expiation qui nous permet de purger, sous la forme brute d’un caillou, d’un verrou, d’une araignée, d’un scorpion, quelque faute commise dans une vie antérieure
(charmant !)
Toutes les métamorphoses ne sont pas hideuses et dégradantes. Avec l’Organisme, j’ai traité derrière Kafka un
type de métamorphose problématique et j’y faisais récemment référence à travers l’attractive et répulsive « mouche d’or » qu’est la Nana de Zola. Et pourtant, même à travers ces régressions, il
semble bien que l’homme n’y perde pas toujours au change. Témoin cette ultime fable de La Fontaine qu’on trouve dans le livre XII : « les Compagnons d’Ulysse ».
La Fontaine y reprend le récit qui montrait ces derniers transformés en porcs par la magicienne Circé. Chez le
fabuliste, ils sont transformés en différents animaux, qui en lion, qui en ours, en renard... Bref, le monde des fables dans la fable. Et, au moment où Ulysse obtient la grâce de la magicienne,
ils préfèrent rester dans l’enveloppe animale plutôt que de se réincarner en homme ! C’est dire le peu de cas qu’il fait de l’esprit humain.