Début des années soixante, j’ai déjà soufflé une bonne dizaine de bougies sur mon gâteau d’anniversaire et je fréquente un collège à Herblay (95). Cette année-là, quand sonne l’heure de la récréation, matin ou après-midi, notre jeu préféré c’est l’épervier.
Je ne sais pas si vous connaissez le jeu de l’épervier, car je m’aperçois qu’il est inconnu dans les principaux dictionnaires que je viens de consulter, du Littré au Robert en passant par le Larousse. A moins qu’il ne soit mieux connu sous un autre nom, car par exemple, Colette l’évoque dans Claudine à l’école, sous le nom de jeu de « la grue ». Qu’importe le nom, j’imagine que chaque région utilise son propre terme.
Je vous en rappelle les règles, les joueurs sont groupés à une extrémité du terrain et ils doivent rejoindre l’autre extrémité sans se faire prendre par l’épervier, un camarade désigné comme tel, placé au milieu de l’espace. Ceux qui sont touchés par l’épervier, deviennent ses adjoints. Au fur et à mesure que le jeu avance, le nombre d’éperviers augmente et le passage devient de plus en plus difficile pour ceux qui restent, comme vous l’imaginez. Le vainqueur, est le dernier attrapé par les éperviers.
Si je me souviens aussi bien de ce jeu, c’est que l’un de mes camarades y excellait. Nom et prénom m’ont échappé, car à l’école nous l’appelions tous par son surnom, « la guêpe ». Il le devait à sa morphologie mince et svelte, mais surtout à sa rapidité à la course complétée par une faculté exceptionnelle à changer de direction en pleine course, - à moins que ce ne fût à son éternel pull-over alternant des bandes jaunes et noires ? - ce qui lui permettait de prendre à contre-pied l’épervier et ses adjoints quand ils tentaient de le toucher. Autant dire qu’à ce jeu, il était le meilleur de nous tous. Le regarder virevolter au milieu des adversaires était un régal pour l’œil et un défi perpétuel pour les éperviers. J’ai même vu des professeurs admiratifs devant les prouesses de « la guêpe ».
Pour ce jeu, nous occupions tout l’espace de la cour de récréation et ceux qui ne jouaient pas avec nous, exclus par leur propre goût ou bien parce qu’ils étaient trop jeunes ou trop faiblards d’après nos critères, devaient se tenir cois sous le préau devenu leur refuge.