Grandir dans la neige

Par Anne Onyme

Gilles Pellerin
illustrations de Clarence Gagnon
Musée national des Beaux-arts du Québec
48 pages

Résumé:

S’inspirant de l’univers pittoresque de Clarence Gagnon – l’un des plus grands peintres paysagistes de l’histoire de l’art québécois et canadien –, le nouvelliste Gilles Pellerin raconte avec virtuosité l’histoire d’Olivier, un jeune garçon venu d’un pays lointain, et celle de ses parents adoptifs Stéphane et Isabelle. Au gré d’un voyage qui nous entraîne aussi bien sur les pistes enneigées de Québec, de la côte nord du fleuve Saint-Laurent ou de Baie-Saint-Paul qu’à Paris ou en Bretagne, l’auteur évoque les doutes associés à l’adolescence, à l’environnement et aux saisons dans la quête de ses racines, de son identité et dans la définition de sa personnalité.

Mon commentaire:

Clarence Gagnon est un peintre québécois, décédé en 1942. C'est l'un de nos grands peintres paysagistes et, même quand il voyageait dans le monde, n'oubliait pas les racines qui le rattachaient au Québec. Son travail est aux couleurs de chez nous, avec ses maisons anciennes et colorées, ses tempêtes de neige. J'aime particulièrement ses tableaux hivernaux, comme Le pont de glace à Québec et La maison jaune. Matinée d'hiver à Baie-Saint-Paul est aussi un tableau extraordinairement familier pour nous, les québécois. Clarence Gagnon a aussi fait de l'illustration, des cartes de voeux en passant par la mise en images de romans. On lui doit l'illustration du roman de Louis Hémon, Maria Chapdelaine, dont on retrouve d'ailleurs un tableau à la gouache dans ce livre.

L'histoire de Grandir dans la neige est celle d'Olivier. Il a été adopté. Il est à la fin de l'enfance, début de l'adolescence, et il remet en question sa place au sein de sa famille. Il nourrit sa tristesse d'une autre famille qu'il n'a pas connu en se détachant des autres et en pestant contre l'hiver d'un pays qu'il ne comprend plus. Étrangement, c'est cet hiver-là, si rude soit-il, qui rapprochera la famille et qui permettra à Olivier et ses parents de se retrouver.

Le récit de Gilles Pellerin est très émouvant. C'est un album sur ce qu'est véritablement une famille, sur les liens entre ses membres et sur ce qui les unit. Quel est notre héritage familial, que l'on soit d'ici ou d'ailleurs? Cette vie familiale qui nous est racontée l'est toujours en parallèle avec l'art et l'artiste. Le texte comprend plusieurs réflexion sur l'art et l'oeuvre de Clarence Gagnon revient inlassablement dans la vie d'Olivier, soit par des visites au musée ou par des histoires qu'on lui raconte. Le texte est profond et porté par une écriture particulièrement riche. Le talent de Gilles Pellerin est de nous faire pénétrer dans l'intimité de ses personnages, en quelques lignes, quelques mots. J'ai tant aimé sa plume que je me suis déjà commandé un de ses livres. Il a beaucoup écrit.

Grandir dans la neige est un album merveilleux, tendre et touchant, sur l'art et sur les repères familiaux. C'est l'un des plus beaux hommages à la famille que l'on peut lire, en plus de combiner les oeuvres magnifique de Clarence Gagnon à un travail d'écriture de qualité.

À découvrir!

En complément:

On peut trouver la liste de tous les albums de la même collection (un récit inspiré de l'oeuvre d'un artiste) à la boutique du Musée des beaux-arts du Québec.

Quelques extraits:

"-Quand on vit dans un pays enneigé comme le nôtre, on a parfois besoin d'aller chercher des trésors au loin. Quand on les déniche, ils n'en sont que plus précieux.
Olivier comprend que c'est de lui que parle son père."
p.14

"Isabelle prétend même que les grelots sonnent mieux par grand froid. L'air était vif, pur, lumineux. Isabelle excelle à faire surgir le lointain. Avec un chocolat chaud, c'est encore meilleur. Surtout si on se blottit dans la catalogne de grand-maman.
-Grand-maman l'a faite sur le modèle de ce que lui avait enseigné sa propre mère.
De toutes les couvertures, c'est celle qui convient le mieux à ces moments de proximité. On dirait qu'elle enveloppe mieux que les autres.
-Le pont de glace n'a plus sa raison d'être aujourd'hui: si on veut aller de la Côte-de-Beaupré à l'île, il suffit d'emprunter le pont. Pourtant, des gens ont repris la tradition. À une époque, les amoureux attelaient leurs chevaux pour aller voir leurs fiancées. Cet après-midi, j'ai eu l'impression de voyager dans le temps, de me retrouver en compagnie de ceux qui ont eu l'idée géniale de profiter des grands froids pour traverser le fleuve. J'ajoute une guimauve sur le chocolat chaud?
On comprend pourquoi elle et Stéphane s'entendent si bien: ils ne se limitent pas au présent et à eux-mêmes. Toujours il cherchent à se situer par rapport à ce qui déborde d'eux, de ce qu'ils sont."
p.16