EDF estime à 22,2 milliards d’euros le coût du démantèlement de son parc nucléaire. Ce chiffre, contesté de longue date par les écologistes, est apprécié avec « prudence » par la Cour des Comptes. Expériences à l’étranger, savoir-faire technique de l’opérateur national : sur quoi se basent les estimations de l’électricien public ?
Neuf réacteurs actuellement en déconstruction
En matière de déconstruction nucléaire, la France ne part pas du feuille blanche et dispose déjà d’une expérience de plusieurs décennies. En effet, depuis le lancement du programme nucléaire français, neuf réacteurs sont en cours de démantèlement (ou déconstruction) à travers l’hexagone.
Il s’agit des sites de Brennilis, Bugey 1, Chinon A1, A2 et A3, Chooz A, Creys-Malville et Saint-Laurent A1 et A2 pour lesquels EDF a provisionné deux milliards d’euros. Une somme que la majorité des analystes estime sous-évaluée mais pour laquelle l’électricien français se justifie : »Nous sommes en phase d’apprentissage, aussi bien sur un plan technique que financier« , selon le directeur de la centrale de Brennilis, Jean-Christophe Couty.
Mais les coûts et surcoûts de la déconstruction de ces sites nucléaires, ne donne qu’une image partielle en matière de chiffrage du démantèlement du parc nucléaire. La majorité des neuf réacteurs en cours de déconstruction sont des réacteurs de « première génération » utilisant la technologie dite graphite-gaz.
Une technologie progressivement abandonnée dans les années 1980 et qui a été remplacée par la technologie des réacteurs à eau pressurisée (REP), qui équipent la totalité des 58 réacteurs en activité à l’heure actuelle en France. Parmi les sites en cours de déconstruction, seule la centrale de Chooz utilise cette technologie.
D’où les « incertitudes » pointées par la Cour des comptes, qui a indiqué dans son rapport sur le coût de la filière nucléaire qu’il fallait plus de recul sur l’avancement du chantier de Chooz A pour affiner les estimations du coût de la déconstruction en France.
L’exemple américain
Mais si EDF ne peut se targuer que d’une expérience minime en matière de démantèlement de réacteurs REP, la société base aussi ses estimations sur l’exemple américain, seul pays au monde à disposer d’une expérience significative en matière de démantèlement de réacteurs REP.
Et là, les chiffres sont très inférieurs à ceux avancés par le groupe français. Selon la Nuclear Regulatory Commission (NRC), le coût de la déconstruction d’un réacteur REP est d’environ 300 millions de dollars. La France possédant 58 réacteurs à eau pressurisée, le coût de la déconstruction selon ce barème serait d’environ 17 milliards de dollars (13 milliards d’euros).
Une différence d’estimation qui s’explique par le manque d’expérience d’EDF dans ce secteur et les surcoûts induits des premiers chantiers de déconstruction. Avec l’expérience et les retours d’expérience, les coûts diminuent progressivement au fil de l’avancement des travaux.
Les « incertitudes » de la Cour des comptes
La comparaison avec les coûts américains (seule jauge actuellement disponible en matière de déconstruction nucléaire) n’ont toutefois pas suffi à la Cour des comptes, qui a affiché dans son dernier rapport ses « incertitudes » en matière de coût de la déconstruction.
Selon l’organisme de contrôle des finances publiques, ces chiffres « doivent être regardés avec la plus grande précaution » compte tenu du manque de recul sur la question.
Un recul que la Cour des comptes compte posséder dans les mois à venir avec les premiers retours du démantèlement en cours du réacteur Chooz A, la première déconstruction en France d’un réacteur à eau pressurisée.