Par Jean-Luc Bennahmias (son site) - http://agoravox.fr/
De jour en jour, on découvre dans les médias des propos de vieux camarades de gauche qui nous laissent pantois. Un concours semble lancé pour savoir qui récusera avec le plus de véhémence toute perspective d’accord même local avec ce Mouvement Démocrate de tous les péchés.
On comprend certes l’affolement de ces papillons toujours attirés par les lumières trotskistes. Mais nombre d’autres, que nous avons connus plus pragmatiques et mieux inspirés, se lancent aussi dans cette croisade contre ce nouvel empire du Mal centriste.
François (Hollande) et Stéphane (Le Foll), on vous a bien entendus vous emporter contre la "tambouille" du MoDem. On vient même de voir exclure du PS un Alain Ramos coupable dans sa ville (celle de Marie-George Buffet), de vouloir, en alliance avec le MoDem, remettre un peu de démocratie après soixante ans sans alternance.
Tremblant à l’idée "que la droite ne revienne (...) à Paris dans les bagages de Delanoë", on t’entend, toi Denis (Baupin) agiter le Mouvement Démocrate comme un chiffon rouge... et chemin faisant prôner le fameux "100 % à gauche" cher depuis des lustres à la Ligue communiste révolutionnaire.
Et, si on t’écoute Noël (Mamère), le PS aurait aujourd’hui à faire le choix cornélien entre l’écologie (les Verts) et la droite (le MoDem). Bigre.
Un tel déferlement nous a presque troublés ! Après des décennies passées à gauche et chez les Verts, ne nous serions-nous pas engagés (par cynisme ou inconscience qui sait) dans une de ces incroyables dérives qui à la fin des années 30 amenèrent nombre d’hommes de gauche dans les bras de la collaboration ? En décidant d’adhérer au Mouvement Démocrate, n’aurions-nous pas franchi la frontière qui sépare le Bien du Mal en politique. N’aurions-nous pas jeté d’un coup notre conscience écologiste par-dessus bord ?
On a beau avoir fait et refait depuis plusieurs jours notre examen de conscience politique, nous n’avons trouvé aucun crime sur notre route. Pas même un petit délit. En revanche, il nous semble que vous, nos amis de gauche, devriez revenir sur terre, regarder le monde en face et cesser de vous laisser impressionner par la popularité de Besancenot. Sinon, vous risquez fort de connaître les déboires qu’a connus cette droite qui courrait après le Front national.
La zone de protection que vous tentez de dresser aujourd’hui autour du MoDem est tout de même étonnante quand on voit combien, depuis bientôt un an, de Kouchner à Attali, a tangué la gauche. Mais ceci explique peut-être cela. Soyons donc bon prince. Au fond, on pourrait presque comprendre ce déferlement d’hostilité contre le Mouvement Démocrate...
Reconnaissons-le, le MoDem est un objet étrange, une sorte d’ovni et en général en politique on n’aime guère voir bouger les règles de ses petites batailles navales. Jusqu’à ce que la réalité devienne incontournable, on préfère rester sourd aux bruits d’un monde qui change que d’entendre des vérités qui dérangent.
On a l’impression que nombre d’entre vous, nos vieux amis de gauche, restez comme figés dans le fétichisme des mots. Se dire "de gauche" serait comme une sorte de Sésame. Qui prononce le mot fétiche, qui se proclame "gauche", est de "de la famille". Ce quelles que soient les conneries proférées, le ridicule de certains mythes ou les crimes jamais dénoncés. Qui en revanche viendra de la droite sans se rouler dans la cendre, devra en revanche et pour l’éternité resté voué aux gémonies... Quant au traître qui cessera de faire du mot "gauche" une religion, il devra être poussé aux enfers. Qui n’est pas avec nous est contre nous ! Décidément les bons vieux réflexes staliniens ne semblent pas complètement morts !
François Mitterrand qui venait de la droite (et vu là d’où il venait, François Bayrou est un quasi gauchiste) a conquis le Parti socialiste en se gorgeant de mots (« le peuple de gauche » ; « la gauche », « le socialisme » ; « l’union de la gauche »...) pour en deux ou trois ans faire ensuite s’effondrer les piliers du Temple. Un quart de siècle s’est écoulé depuis. La bonne vieille sociale-démocratie s’est usée un peu partout en Europe. Le mur de Berlin s’est effondré. La géopolitique est bouleversée. Les ressources s’épuisent et la planète va de plus en plus mal. N’empêche, à vous entendre, on a la triste impression qu’il faudrait toujours psalmodier les mêmes mots et toujours penser avec les concepts vieux d’un siècle et demi pour être dans le bon camp...
François Bayrou ne se paye pas de mots et ne se roule pas dans la cendre pour séduire la gauche, mais, parfois, il nous arrive de rêver que vous, nos vieux amis de gauche, écologistes ou non, écoutiez vraiment ce qui se passe dans cet ovni qu’est le Mouvement Démocrate.
Y sont arrivés par milliers des hommes et des femmes de 30 ou 40 ans qui bien souvent ont fait leurs preuves ailleurs et ne se payent pas de mots : des gens pragmatiques qui veulent vraiment faire bouger les choses.
Ils n’étaient pas à Malville, mais ils sont nés avec l’écologie et l’exigence qu’un développement durable est pour eux une évidence.
Nés Européens, ils veulent davantage d’Europe, mais ne sont pas aveugles devant ses dérives et ses insuffisances.
Catholiques, juifs, musulmans ou athées, ils ont la laïcité à la française chevillée au corps et sont à fond contre Sarkozy quand le Béarnais Bayrou dénonce "le retour qu’on croyait impossible en France, du mélange entre l’Etat et la religion".
Sortis de BEP ou de Polytechnique, ils veulent une éducation de qualité pour le plus grand nombre.
Employés ou ingénieurs, ils ne supportent pas la dictature de la finance et veulent de la justice sociale.
Venus de familles de droite ou de famille de gauche, ils exigent davantage de démocratie et ne supportent pas les dérives de Nicolas Sarkozy, son pouvoir personnel sans cesse plus pesant, ses insultes, son manque de tenue, les retours de la cour, le mélange insupportable des genres et ses tentatives de mainmise totalitaire sur les médias.
Vous le voyez le Mouvement Démocrate est vraiment peuplé de "réacs" !
François, Stéphane, Denis, Noël, libre donc à vous de diaboliser le MoDem, de monter en épingle quelques contre-exemples pour jeter le bébé avec l’eau du bain, mais ce qui se dit, se pense et s’applaudit au MoDem ce n’est vraiment pas "la droite" de toutes vos angoisses.
Comme l’a redit récemment François Bayrou à la Maison de la chimie "Le temps viendra assez vite où la question sera celle de la reconstruction d’un projet national" un projet où se rassembleront "des forces de gauche, des forces du centre démocratique et la partie la plus consciente de la droite républicaine".
Entre cette perspective, entre le sérieux mendésiste d’un Bayrou et les numéros de charmeurs de serpents guévaristes, les gens comme vous, de la gauche de gouvernement ont le choix. On espère vraiment que vous ferez le bon. Rendez-vous déjà le 9 mars au soir.
Jean-Luc Bennahmias et Raymond Pronier(Paris, Marseille le 27 février 2008)