C’est, affirme la direction, «un plan à trois ans ambitieux» qui doit permettre à Air France-KLM de retrouver une bonne santé financière : progression de l’offre limitée à 5% sur trois ans (2012-2014), plan de flotte légèrement revu à la baisse, gel des salaires et des embauches, «adaptation du réseau», amélioration de la productivité. Rien d’autre n’était attendu, sachant qu’il n’y a pas plusieurs moyens de redresser une compagnie aérienne fragilisée par des pertes financières importantes.
Reste que de nombreuses questions se posent, qui vont sans doute très vite défrayer la chronique. A commencer par le fait qu’il s’agit du groupe Air France-KLM, ce qui pourrait bien conduire les Hollandais à se poser des questions existentielles : c’est en effet la branche française du tandem qui ne va pas bien, et elle seule. Mais Amstelveen subira tout au plus une «modération salariale» plus douce que le gel des rémunérations qui va s’abattre sur Roissy.
On comprend que les mesures annoncées constituent tout au plus la première phase d’une opération en deux temps, l’épisode suivant étant attendu plus tard dans l’année. «On» dit qu’il sera dévoilé après l’élection présidentielle, ce qui reviendrait à reconnaître implicitement que l’Etat français, avec une participation très minoritaire de 15,7%, reste très influent au sein de la compagnie ex-nationale. A commencer par une volonté non dite d’éviter dans l’immédiat les mauvaises nouvelles sociales qui risqueraient de gêner le Président sortant. C’est une manière comme une autre de compliquer singulièrement la tâche du nouveau PDG d’Air France, Alexandre de Juniac.
Les analyses qui vont fleurir dès les prochaines heures, les avis plus ou moins circonstanciés de spécialistes supposés crédibles, confirmeront si besoin est qu’il était plus que temps de revoir de fond en comble la matière de faire d’Air France. Cela pour la débarrasser une fois pour toutes de sa trop grande frilosité dans un monde aérien en profonde mutation, pour lui permettre de quitter une fois pour toutes une stratégie qui, pour faire simple, a mal vieilli. Tous les clignotants sont bel et bien au rouge, sachant que la croissance de son trafic est plutôt supérieure à la moyenne mondiale, que le coefficient d’occupation est tout à fait correct, que les recettes unitaires moyennes s’inscrivent dans la norme européenne. Dès lors, le verdict est simple, si l’on ose dire : les coûts sont trop élevés, la compagnie n’est pas parvenue à se débarrasser d’habitudes qui, sans mériter d’être qualifiées de mauvaises, n’ont plus vraiment de justification dans le contexte actuel.
Une partie importante des mauvais résultats du réseau court-courrier (environ 700 millions de pertes en 2011), lignes intérieures incluses, découle de toute évidence de la progression spectaculaire des compagnies low cost, principalement Ryanair et EasyJet. La stratégie des «bases», inaugurée il y a quelques semaines à Marseille, indique une ferme volonté de réaction, encore que tardive.
Enfin, reste à savoir si Alexandre de Juniac, placé à la tête d’une équipe pour l’instant inchangée, arrivera à créer un nouvel état d’esprit plus positif que celui qui prévaut actuellement dans l’entreprise et à obtenir la coopération volontariste des organisations syndicales, au demeurant pléthoriques. Un premier test est proche : les pilotes du SNPL prendront-ils l’initiative d’annuler le prévis de grève de 4 jours qu’ils ont déposé pour le début du mois prochain ? Un coup de semonce malvenu pour clamer tout le mal qu’ils pensent du projet de loi consacré à l’encadrement du droit de grève dans le transport aérien.
De manière éphémère, Air France-KLM a occupé la position enviable de numéro 1 du transport aérien européen. Il a ensuite été rattrapé et dépassé par Lufthansa qui a appliqué une politique agressive de croissance externe et est aujourd’hui solidement installé sur la plus haute marche du podium. Mais doit néanmoins résoudre de nombreuses difficultés : problèmes sévères chez Austrian Airlines, abandon de British Midland, plan d’économies tous azimuts.
On voudrait qu’Air France-KLM comble son retard et rétablisse la bonne santé de ses comptes. Il ne s’agit pas pour autant de chercher des statistiques de trafic plus impressionnantes que celles du concurrent mais de rétablir le lustre qui n’aurait jamais dû être abandonné par les ailes civiles françaises. Une tâche rude et difficile, il faut en convenir.
Pierre Sparaco - AeroMorning