Dans la grande lignée des titres d’articles de la rubrique Freaky Friday Parasite, et après les monstrueuses larves zombifiantes et encephalophiles de Pseudacteon et l'attaque des moules parasites (sans parler du plus terrible des parasites du monde…), voici donc l’attaque des ‘amibes’ cérébrophages!
Nous allons en effet parler de Naegleria fowleri et de la pathologie gravissime et souvent mortelle que cet organisme unicellulaire peut (fort heureusement très rarement) entrainer chez l’homme: la méningo-encéphalite amibienne primitive (MEAP). Voici un portrait de la coupable:
Terrifiant n’est-ce pas? Bon, pour relativiser, en 2007, 200 cas d’infections ont été reportés dans le monde entier. Par contre, une seule personne aurait survécu à cette infection, ce qui la rend plus mortelle que la rage!
Attention: Digression de phylogénéticien
Si Naegleria fowleri cause bel et bien la méningo-encéphalite amibienne primitive, pourquoi ai-je donc mis “amibes” entre guillemets dans mon titre? Et bien parce qu’il s’agit d’une honteuse erreur phylogénétique car Naegleria fowleri n’est PAS une amibe! Une vraie amibe, comme Dictyostelium discoïdeum que Vran nous a présentée précédemment, appartient au groupe des Amoebozoaires. Or Naegleria fowleri appartient au groupe des Hétérolobosidés, un groupe assez distant en terme de parenté des Amoebozoaires dans l’arbre de famille des organismes eucaryotes (les organismes dont les cellules possèdent un noyau).
Ce qu’on peut dire par contre, c’est que Naegleria fowleri est un eucaryote de forme amiboïde. Ca a l’air d’être du pinaillage vu de loin comme ça, mais en réalité, c’est assez dramatique comme erreur phylogénétique. Car confondre Naegleria fowleri et Dictyostelium discoïdeum c’est ignorer que plus d’1,5 milliard d’années d’évolution les séparent! Ce serait comme par exemple confondre un humain avec une courgette!
Si vous les confondez, je ne réponds plus de rien…
Mais ça signifie aussi qu’un humain est plus proche de Dictyostelium discoïdeum que de Naegleria fowleri et inversement, Naegleria fowleri est plus proche d’une courgette que de Dictyostelium discoïdeum. Et pourtant niveau tronche, la distinction n’est pas franchement flagrante:
</digression>
Mais bon, revenons-en à nos amiboïdes: le fait est que, d’ordinaire, Naegleria fowleri se fout royalement des êtres humains et vit tranquille dans des plans d’eau douce. Durant sa vie, elle alterne entre 3 formes:
On la retrouve d’ordinaire quand elle nageouille sous sa forme flagellée dans des eaux plutôt chaudes (24°C). Si ces conditions se détériorent, elle prend la forme d’une boule et s’enferme dans une coque: c’est ce qu’on appelle la forme kyste. La troisième forme, dite trophozoïte, est la forme qui fait le plus ressembler Naegleria fowleri à une amibe et c’est la forme qu’elle prend quand elle se trouve dans des conditions idéales pour se goinfrer, c’est à dire dans de la vase à bâfrer des bactéries… ou dans notre cerveau à bâfrer de nos neurones!
Et Naegleria fowleri se trouve en abondance dans presque tous les points d’eau de la terre! Alors pourquoi si peu d’infections? Et bien la raison principale pour laquelle les infections par Naegleria fowleri sont si rares est que leur ingestion est inoffensive. Si vous avalez un bouillon de ses trophozoïtes, pas de soucis, votre système digestif en viendra à bout. C’est quand Naegleria fowleri se trouve dans notre système respiratoire que ça se corse! En gros, il faut sérieusement boire la tasse (enfin inhaler la tasse) pour qu’une infection puisse avoir lieu. Au début, les trophozoïtes qui se retrouvent dans notre cavité nasale se font une orgie des cellules qui composent nos bulbes olfactifs. A ce niveau là, les tout premiers symptômes correspondent sans surprise à une altération du goût et de l’odorat. Puis les trophozoïtes remontent le long des fibres nerveuses jusqu’au Saint Graal: notre cerveau! C’est ce qui cause la méningo-encéphalite. Pour se nourrir, Naegleria fowleri utilise des protéines qui, telles des tronçonneuses cellulaires, perforent nos neurones et répandent leur juteux contenu que viennent sucer ensuite les trophozoïtes. Ce synopsis digne d’un film gore de série Z provoque alors chez les victimes des fièvres et des courbatures à la nuque, puis au bout de 3 jours des étourdissements, des difficultés d'attention, des hallucinations et des pertes d’équilibre, puis au bout d’une semaine, presque systématiquement, la mort…
Et puis niveau traitement, on est vraiment à la ramasse. Non seulement la maladie est tellement rare que pour motiver les compagnies pharmaceutiques il faut se lever de bonne heure, mais en plus les trophozoïtes ont plus d’un tour dans leur sac pour se prémunir contre notre système immunitaire. Naegleria fowleri fait partie de ces parasites transformistes qui changent très facilement de pelage cellulaire (fait de protéines) souvent en arborant les protéines des cellules qu’elle mange, histoire de bien se faire voir. Du coup, nos globules blancs les considèrent comme appartenant à notre organisme et passent leur chemin!
Du coup, la meilleure option reste la prévention et pour vraiment se prémunir de telles infections, vous pouvez toujours opter pour les pinces à nez comme en arborent ces 3 fières têtes blondes:
Attention: Digression dégueu
</digression>
Cet objet démoniaque mes amis, objet capable de transmettre des millions de trophozoïtes de Naegleria fowleri à une victime sans défense, c’est un pot de Neti (effet sonore de tonnerre non inclus)!
Non, ce n’est pas une lampe portant un génie maléfique… C’est un instrument d’irrigation nasale. Employé surtout pour le traitement des sinusites et issu des techniques de médecines alternatives d’origine indienne (médecine ayurvédique), le pot de Neti sert à faire passer un flux d’eau chaude saline ou parfumée à travers le conduit nasal. Je ne résiste pas à l'envie de partager avec vous une galerie de photos d’utilisateurs de pot de Neti:
Et une petite vidéo de démonstration pour mieux comprendre:
Si les deux victimes précédentes ont été infectées, c’est qu’elles ont tout simplement utilisé leur pot de Neti sans le nettoyer ou avec de l’eau du robinet contaminée. Moralité: si le ridicule entrainé par l’utilisation du pot de Neti ne vous a pas déjà dissuadé d’en essayer un, prévenez vos infections en utilisant de l’eau distillée stérile ou de l’eau que vous aurez préalablement bouillie avant de faire vos irrigations nasales. Pensez également à bien nettoyer votre pot de Neti avant chaque utilisation.
M’enfin pourquoi utiliser un pot de Neti quand on peut utiliser une méthode encore plus traditionnelle pour se vider les conduits nasaux?
Et sur ce bon appétit.
Liens:
Article The Artful Amoeba
Article Observations of a Nerd