Par Stèv Yaël Julien Romani-Soccoro.Pour mon départ de Montréal, mes copains et copines m'ont fait un cadeau : une belle boîte emballée comme je les aime dans du vieux papier journal avec une cordelette de boucher en guise de nœud pour tenir le tout. Du bien économique, du bien recyclé, du parfait. Ils m'ont dit : « Ne l'ouvre pas tout de suite, on n’est pas sûrs que ça te plaise… ». Bon, sur le coup, j'étais trop obnubilé par la jolie boîte aux mille pubs pour de la bouffe pour prêter attention à cette phrase qui ne s'avérera finalement pas être si anodine que ça …
Une fois dans le train, quelques heures ont passé ; je jubile, je vais pouvoir m'attaquer au dit paquet. Je le secoue dans tous les sens, je l'examine, le touche, je sais ce que c'est ! J'ai reconnu le couvercle d'une boîte à chaussures ! Elles sont TROP cool, mes copines… Elles connaissent mon obsession pour la godasse. Je souris bêtement : ça pourrait être ma 350e paire de bateaux ? Ou peut-être des Sorel en prévision d'une future chasse à la pétasse dans les rues de Paris ? Mais la boîte est étrangement petite… Bon, je décide d'en finir avec ce suspense intenable et je déchire tout, comme un gosse au pied du sapin, excité comme un acteur porno faisant ses premiers pas dans un "vrai" rôle conceptuel chez Christophe Honoré. Et là… là… le logo apparaît sous mes yeux : MINNETONKA. C'est impossible. Ils l'ont remplie de bonbecs pour me faire une blague. Je ne peux pas le croire. J'ouvre pour vérifier ou je n'ouvre pas ? Mes copines, ces grosses conasses, m'ont offert des MINNETONKA !!!??? Je rêve ! Et pourquoi pas des Toms aussi, pendant qu'on y est ?
Il y avait une petite carte avec : Cher Stèv, on ne savait vraiment pas quoi choisir, alors on s'est dit que pour affronter le pavé parisien, il fallait que tu sois confort et au pire tu les utiliseras dans ta garrigue du sud de la France… Deux choses me viennent à l'esprit : soit ces gens essayent délibérément de me faire du mal ou alors ils n'ont rien compris à ce que j'affectionne. Quelques larmes et une rasade de Jack Daniels (pour les cas d'urgence) plus tard, j'examine cette espèce de mocassin montant en daim brun avec l'emblématique couture sur le devant. Dieu merci, il n'y a pas de franges horribles qui pendouillent, genre Un Indien dans la ville.
Ouais, elles ont déjà vécu trois raves. C'est confort, je vous dis.
Après moult tergiversations, je ne peux pas croire que les copains se soient impunément foutus de ma gueule. Aidé alors par Jack (Daniels), je commence à exploser ma valise pour voir avec quoi je pourrais bien mettre cet objet du diable. Je trouve un pantalon marron piqué ivoire en laine, un peu large, un peu loose… Je file aux chiottes pour me changer et j'enfile le mocassin en vérifiant bien que personne n'essaye de prendre des photos avec son iPhone. Ben… croyez-le ou non, ces saloperies sont comme des pantoufles !!! Et quand tu chausses des trucs qui t'arrachent pas les pieds au bout de trois pas, t'as tendance à te prendre d'affection pour eux, à vouloir leur trouver des excuses pour leur esthétisme hideux (cf. la UGG). C'est vrai, quoi ! Pourquoi je ne pourrais pas faire comme Pocahontas, moi aussi, et sauter des falaises de la mode pour aller sauver des jeunes designers en détresse ? Pourquoi je ne pourrais pas monter un étalon (oui, le double sens est voulu) pour faire exploser des H&M et des Zara ? Pourquoi je ne pourrais pas me faire une peinture de guerre et aller agresser toutes les vendeuses du groupe LVMH avec une lance en bambou ? Avec Mes Minnetonka, je peux être un guerrier fort qui peut courir vite parce que confort ! Mouais… c'est bien d'essayer de se convaincre mais ça ne marche pas aussi bien que voulu. Et puis, les meufs qui portent des Minnetonka, je les hais ! Elles se la jouent trop bohèmes dans le métro avec leur châle en cachemire qui pue le patchouli, leurs pattes de lapin autour du coup et leurs jupes en laine Marni. En plus, elles ont toujours des cheveux incroyables qui brillent à fond et qu'elles font gigoter dans tous les sens pour bien te faire remarquer que les tiens, de cheveux, ils sont trop moches… Non, c'est niet ! Les Minnetonka, ça pue.
Puis, c'est l'heure d'arriver à Penn Station. Je sors du train, j'ai oublié de les enlever (enfin… c'est quand même MEGA confort) et là, y a un mec, genre trop brooklynois-hipster-bobo-beau qui me dit : "Hey! Where did you get your shoes? So cool, Steve Mc Queen used to wear kind of the same…" Enfin, un truc dans le genre... Je ne les ai pas quittées depuis que je suis arrivé. Voilà comment je suis devenu une Pocahontas à Brooklyn.
Bien à vous.