Je ne sais pas si les journaux vont se précipiter sur ce documentaire, qui les prend la main dans le sac.Après le fabuleux essai de Paul Nizan sur les puissants de ce bas-monde (1), Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, dénoncent à leur tour l’arrogance érigée en pouvoir. Le monge a changé, les stars de l’audio-visuelle et des médias remplacent ce matin les philosophes d’autrefois.
Des personnalités montrées du doigt pour leur grande révérence face à d’autres puissants, du monde de l’industrie, de la politique, de l’économie. On s’embrasse, on se congratule et la conférence de presse peut alors commencer.
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Les auteurs n’ont pas la dent dure, mais le sourire féroce. Leur documentaire, c’est un film de fiction, au montage rapide, parfois nerveux, qui renvoie les contradicteurs face à face, biffant le temps et l’espace. Dans ce grand capharnaüm parisien, de dangereuses liaisons se nouent dans les alcôves et les salons. « 40 ans après Alain Peyrefitte, un ministre n’a plus à s’inviter à la Télévision pour vanter les mérites de son gouvernement » dit un observateur, « c’est sa femme qui le fait pour lui ».
Les couples politico-médiatiques fleurissent de la radio au petit écran, formatant le débat…en toute indépendance. Et quand ces femmes de l’information oeuvrent au sein des grandes chaînes, leurs patrons sous leur double casquette jubilent : propriétaires de groupes de presse , ils oeuvrent aussi dans le bâtiment, le militaire, le nucléaire… En 2006 sur TF1 François Bayrou dénonce déjà cet état de fait, face à une Claire Chazal qui défend mordicus son fauteuil. Martin Bouygues a du apprécier.
Avec Michel Field, Philippe Val ( directeur France Inter) est marqué au fer rouge pour son retournement de veste fulgurant...
Franz-Olivier Giesbert ne trouve rien à redire sur ces entrepreneurs de tout poil, qui « usent tout à fait normalement de leur pouvoir de propriétaire ». Ainsi quand Flamanville, construit par l’entreprise Bouygues vacille sur ses bases, TF1 ignore totalement le sujet.
Si j’avoue avoir ainsi pris bien du plaisir à regarder par la petite lucarne les grands écarts de nos éditorialistes si moralisateurs et condescendants face au peuple engourdi, le cas de Isabelle Giordano me peine encore. Son « Service public » sur France Inter était pour mois un havre de vertu, que la dame en question violait allègrement en invitant derrière son micro un monsieur dont elle venait d’assurer un ménage. (2)
Tout fout le camp !
(1) En 1932, l’écrivain publiait « Les chiens de garde » pour dénoncer les philosophes et les écrivains qui, sous couvert de neutralité intellectuelle, s’imposaient en véritables gardiens de l’ordre établi.
(2) Chez les journalistes, cela consiste à assurer des prestations, hors de leur sphère professionnelle: animation de soirée prestige, conférence… Les vedettes patentées demandent jusqu’à …25.000 €.