Comme chaque année, j’ai attendu la dernière minute pour revenir sur mes films préférés de l’année écoulée. J’ai attendu d’avoir le courage d’enfin voir Le Cheval de Turin notamment, pour finalement voir le film hongrois rejoindre au contraire la liste des mauvais élèves de 2011. Si 2011 aura été une année riche sur le plan cinématographique, avec l’avènement du numérique, l’essoufflement de la 3D (en même temps que son appropriation par de grands cinéastes), la palme d’or à Malick, l’Apocalypse comme thème central de nombreux films importants et Virginie Efira qui continue son bonhomme de chemin sur grand écran (Mmmmm… quelque chose me gêne dans cette phrase), elle aura aussi été éprouvante en tant que cinéphile, avec ce ballet ininterrompu de sorties de films qui rend difficile l’accomplissement de tous les désirs de spectateur.
J’ai beau aller au cinéma un peu plus que la moyenne des spectateurs, il y a eu des semaines où j’ai cru que je ne parviendrais jamais à voir tout ce envers quoi mon cœur battait. Je pense à toi, Bienvenue à Bord, et à toi, Croisière (oui la thématique de la croisière était presque aussi importante que celle de l’Apocalypse en 2011), mais aussi plus sérieusement à des films comme les récents Black Blood ou Hell and Back again qui ont semblé concourir à celui qui serait le plus rapidement inaccessible dans les salles parisiennes. Mais j’ai tout de même vu suffisamment vu de films de France, de Corée, des États-Unis, d’Espagne, du Japon, de Grande-Bretagne, d’Australie, du Canada, de Chine, d’Argentine, d’Iran, de Belgique, du Chili, du Kirghizstan, du Danemark, du Mexique, de Pologne, d’Allemagne, de Colombie, de Norvège, du Liban, d’Irlande, d’Autriche, d’Uruguay, de Turquie, de Taïwan et d’Israël pour retenir quinze films qui m’ont par-dessus tout enchanté.
Quinze cette année ? Oui, quinze, plutôt que vingt l’année précédente, je me restreins pour rendre ces quinze films encore plus spéciaux à mes yeux, et aux vôtres. Quinze films de six nationalités, quinze films criant la joie, l’admiration, le rire, la douleur, la colère, l’amertume ou la beauté. Quinze films qui ne sont pas que de bons films, mais des films qui resteront longtemps en moi. Alors, curieux ?
1. DriveEn début d’année, il ne figurait même pas parmi mes films les plus attendus de l’année. Peut-être parce que les réalisateurs et acteurs s’étaient passés le projet de main en main, et que je m’attendais à une œuvre plus calibrée et standard. Comment ai-je pu penser cela de NicolasWinding Refn ? Il n’y a rien de standard dans Drive. C’est une pépite qui m’a explosée au visage, m’emplissant de sensations brutes, secouant mes instincts et prouvant qu’il ne faut décidément jurer de rien lorsqu’on s’assoie dans une salle de cinéma. L’évidence de l’année.
2. Les aventures de Tintin : le secret de la LicorneMa curiosité était totale pour ce Tintin cinématographique tant attendu, mais je me serais contenté d’un bon divertissement rendant hommage à Hergé. C’était sans compter sur la maestria de Spielberg, et son ambition. Le cinéaste ne s’est pas contenté de bien ficeler Tintin. Il s’en est servi pour mitonner le film d’aventures hollywoodien le plus jouissif depuis des années. Jamais la 3D n’avait pris autant de sens, jamais la motion capture n’avait été si éblouissante. Mais c’est l’aventure le moteur du film, une aventure de tous les instants, sans répit, emballante et épuisante, totale. Le plaisirpur que m’a procuré le film est sans équivalent ces dernières années.
3. SubmarineLa plus belle surprise de 2011. Deux mois avant sa sortie, je ne savais même pas que le film existait. Ca avait l’air sympa, j’y suis allé. J’en suis ressorti dans le même état que lorsque je vois un film de Wes Anderson, tiraillé entre une mélancolie profonde et un bonheur intense. Courant d’ami en ami pour leur dire qu’il y avait un film absolument beau, drôle, tendre, amer ,immanquable à voir. Un petit film venu de la grisaille galloise en plein cœur de l’été parisien. Un film qui parle de la vie, de l’amour, de la mort, du cinéma. De moi aussi.
4. The Tree of LifeMon film le plus attendu de ces trois dernières années, c’était lui. J’ai compté les mois, les jours, les heures. Les minutes. Par quel miracle le film ne m’a pas déçu, c’est un mystère, même s’il m’a forcément un peu déçu, sinon il se trouverait en première place certainement. Mais The Tree of Life fait partie d’un petit groupe de longs-métrages cette année qui ont fait un pari : être un objet cinématographique inconnu, une expérience unique, pleine, sensorielle, réfléchie. Parfois trop, certainement, mais Malick n’a pas son pareil pour nous transporter dans un monde cinématographique fascinant.
5. Black SwanQuand on parle de sensoriel… J’essaie d’imaginer à quoi aurait pu ressembler un film comme BlackSwan si Darren Aronofsky ne s’était pas trouvé derrière la caméra. Aurais-je été si tourmenté, si malmené, et pourtant si hypnotisé par ce sombre ballet cinématographique ? Certains films sont des épreuves à surmonter, et Black Swan en fut une qui m’a parfois poussé dans mes retranchements, mais j’y ai puisé une force accablante et réjouissante. Je n’écoute plus « Le Lac des Cygnes » de la même façon depuis.
6. IncendiesL’année dernière déjà, un film québécois s’était imposé avec évidence parmi mes films favoris de 2010. Les canadiens ont remis ça dans un style très différent, avec ce film qui a concouru pour l’Oscar du Meilleur Film en langue étrangère pour une bonne raison. Un drame humain, sur l’héritage familial et son poids difficile à supporter, qui m’a joliment bouleversé en tout début d’année et ne m’a pas quitté à mesure que l’année déroulait ses films. Rendez-vous dans un an pour féliciter un film québécois de plus ?
7. PaterMon film français de l’année, contre toute attente. Jamais de la vie je n’aurais imaginé il y a un an que celui-ci serait le nouveau film d’Alain Cavalier, un film mi-documentaire mi-fiction qui se veut essentiellement un dialogue entre Vincent Lindon et le cinéaste. Pourtant le voici, ce grand film politique, ce passionnant portrait d’homme et d’acteur, cette œuvre défiant la notion même de film, brouillant les lignes de la fiction et de la réalité avec une ingéniosité, un naturel et une cocasserie absolument incroyables. Du cinéma libre et unique.
8. La guerre est déclaréeDécidément, la vitalité du cinéma français m’aura surpris cette année. Une vitalité que j’ai trouvée dans La guerre est déclarée, une course contre la mort de deux parents qui veulent à tout prix sauver leur enfant de la maladie, un hymne à la vie intense, qui se permet le luxe de jouer avec l’héritage de la Nouvelle Vague pour mieux s’en détourner. Par son étrange mélange de légèreté et de sérieux, par son utilisation essentielle de la musique et son rythme émotionnel, La guerre est déclarée est le film le plus « pop » de l’année.
9. Ha Ha HaCela fait silongtemps que j’ai vu Ha Ha Ha que j’aurais presque pu l’oublier dans ce Top. Mais c’était sans compter l’empreinte que m’a laissé le bijou d’Hong Sang Soo, son meilleur film depuis son chef-d’œuvre Turning Gate. Comme bon nombre de grands cinéastes, le coréen a ses thèmes chers que l’on retrouve de film en film. Mais avec Ha Ha Ha, Hong Sang Soo se paie surtout le luxe d’un humour qui fait rage, une douceur exquise qui dépeint ses compatriotes, et surtout lui-même, avec un savoir-faire qui ravit. Un enchantement.
10. J’ai rencontré le Diable« Enchantement » n’est en revanche probablement pas le premier mot qui vient à l’évocation de J’ai rencontré le Diable. J’en entends même d’ici clamer des « beurk », refusant au film de Kim Jee-Woon toute perspective. Pourtant son voyage au sein de la noirceur humaine porte une estocade à la bienséance et à la droiture avec une maîtrise visuelle absolument ébouriffante. C’est un conte sombre mais on ne peut plus réfléchi sur la violence. Troussé d’une main de maître. J’en connais qui dédaignent le cinéaste, mais pour ma part, plus je vois ses films, plus il s’impose comme un cinéaste coréen de valeur.
11. Rabbit HoleAu rayon des beaux films américains passés inaperçus ou presque dans les salles, Rabbit Hole figure en grande position. Pourtant dans le secret de ceux qui l’ont vu se cache un drame délicat et bouleversant sur le deuil. Un film qui préfère la finesse et la sobriété aux grands violons, une voie totalement inattendue de la part de John Cameron Mitchell après le très sexuel Shortbus. Ceux qui ont raillé Aaron Eckhart cette année pour Battle Los Angeles n’ont sûrement pas vu sa belle performance dans Rabbit Hole…
12. Minuit à ParisLa magie au cinéma, cela existe, et Woody Allen nous en a fourni une preuve admirable avec Minuità Paris. Un touriste américain en vadrouille sur les bords de Seine, un saut dans le passé inexplicable, et des nuits joyeuses dans le Paris des années 20 au côté d’Hemingway et Dali. Voilà le programme que nous avait concocté Woody pour son premier film 100% parisien, et un vent de grâce souffle sur les pérégrinations d’Owen Wilson. Comme dans ses meilleurs films, le new-yorkais nous transporte, nous fait rire et nous fait retomber amoureux de notre capitale. Un moment de cinéma magique.
13. Une séparationSi j’ai découvert Asghar Farhadi il y a deux ans avec A propos d’Elly, c’est bien en 2011 que la puissance du cinéma de l’iranien m’a frappé. Si La fête du feu, vu en reprise, m’a confirmé tout le bien que je pensais de lui, c’est bien Une séparation qui a marqué de son empreinte l’année. Un regard perçant sur la société contemporaine iranienne, coincée entre modernité et tradition, entre la rigueur sociétale et l’envie de liberté. Une plongée aussi intense qu’un film à suspense dans les mœurs iraniennes, un film qui prend aux tripes et vous relâche convaincu que vous avez vu un film important. Ce qu’Une séparation est, à n’en pas douter.
14. L’ordre et la moraleLe retour de Mathieu Kassovitz au cinéma français était d’autant plus attendu que le réalisateur de La Haine s’attelait là à un film hautement politique promettant de faire du bruit. Le résultat a dépassé mes espérances, effaçant en l’espace de deux heures une décennie médiocre pour Kassovitz réalisateur. Le français a su concilier le film d’action à l’Histoire et frapper un grand coup avec un film conscient et engagé porté par une mise en scène implacable. De tels films de Kassovitz, j’en veux plus.
15. Senna / ShameJ’ai dit quinze films ? Je triche. J’ai retourné la question dans ma tête cinquante fois, et impossible de les départager et d’en laisser un sur le carreau. Les tours de piste d’Ayrton Senna m’ont autant marqué que la tournée des bars de Michael Fassbender pour lever des filles. Le documentaire a su trouver une forme et un ton hautement cinématographique, avec ses drames, ses montées de tension et son suspense. C’est une grande épopée dramatique flamboyante. Le second film de Steve McQueen est une plongée renversante dans le monde l’addiction, de ses meurtrissures et de l’incapacité à s’en défaire. Deux portraits d’homme si différents et pourtant chacun bouleversant de vérités.