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La difficile reconversion des sportifs

Publié le 02 décembre 2011 par Sportpsy @sportpsy
by psysport on décembre 2, 2011

En entamant une formation de management du sport il y a quelques semaines, Zinédine Zidane est passé du statut de « star internationale du football » à celui « d’étudiant ». Mais quitter sa passion après avoir été au sommet de sa gloire et recommencer une autre vie peut être déstabilisant.

La « retraite » sportive peut être comparée à une « retraite » dite normale car c’est une période de transition pour le sportif, mais qui a la particularité d’être à un âge (entre 25 et 40 ans selon la discipline) où il a encore une longue vie à faire. Il fait donc face à un changement « d’identité » qui peut être douloureux. Il doit nécessairement passer par une période de transition.

La difficile reconversion des sportifs
Le sportif a la particularité d’avoir construit son identité sur son projet sportif depuis l’enfance et a donc créé des repères différents des jeunes ordinaires. Son parcours de vie l’a parfois éloigné de sa famille dès son plus jeune âge, il a vécu à travers ses résultats sportifs.

Comment alors intégrer une nouvelle vie qui mettra un terme à ses sacrifices ? Comment gérer la sortie d’un univers protecteur où tout avait été mis en place jusqu’alors pour qu’il ne puisse que penser à lui-même et à ses objectifs ?

Un changement d’identité

Le sportif s’est construit à travers des émotions fortes, de stress, d’adrénaline et aussi d’efforts quotidiens parfois ajoutés à des souffrances. À l’âge de la retraite, il doit faire face à des émotions qui seront forcément différentes de la compétition.

A la retraite, le sportif perd ses repères habituels et doit se créer une nouvelle identité qui peut être difficile à établir. L’investissement vers un objectif d’excellence est souvent synonyme d’un développement de l’identité « focalisée » et d’une possible difficulté à trouver un sens à sa vie.

La difficile reconversion des sportifs
C’est ce qui explique la belle reconversion de Yannick Noah, qui pendant sa carrière profitait de son temps libre pour jouer dans un groupe et assouvir sa passion pour la musique. Il a ensuite poursuivi cette passion après sa carrière sportive. Il a réussi à passer d’une identité de « sportif professionnel » à « chanteur ». 

Mais d’autres n’ont pas toujours des intérêts en dehors de leur sport et n’ont pas la chance de pouvoir trouver une voie quand ils arrêtent.

Certains vivent donc un « manque » et vivent cette transition avec le sentiment de « n’être plus bon à rien ». Il y a donc une période où le sportif commence par être dans une phase de « mort sociale » qui correspond à une descente vers l’anonymat, ou plutôt une mise à l’ombre alors qu’il avait souvent l’habitude d’être sous le feu des projecteurs.

Il devient un citoyen qui n’est plus valorisé par la société en permanence. Cette perte de reconnaissance sociale s’accompagne souvent d’une baisse de l’estime de soi qui est le précurseur d’une crise identitaire. Il se pose la question légitime de son avenir et de la nécessité de s’investir dans un nouveau rôle social et une nouvelle activité.

Une période de « deuil »

Le processus de transition peut prendre du temps en fonction de l’identité sportive, de la capacité à s’en créer une autre et à être dans l’acceptation du « deuil » de son ancienne identité. 

Cela passe nécessairement par une remise en question douloureuse et souvent par une période de va-et-vient dans des opportunités post-carrière qui lui permettent de faire cette transition en douceur. Au-delà de la reconversion professionnelle, le sportif doit se confronter au questionnement sur son identité et se trouver de nouvelles compétences.

Cette transition marque également un changement dans l’utilisation de son corps, qui a été surinvesti depuis l’enfance et qui se retrouve démunie des émotions intenses que procure la pratique compétitive. Le corps n’est pas assujetti à un rythme d’enfer, à des contraintes, à des blessures.

L’athlète se retrouve ainsi avec un corps qui n’a plus la même utilité. Ceci n’est pas négligeable et la plupart des sportifs continuent d’ailleurs d’avoir une activité sportive importante mais d’autres se laissent parfois aller, à profiter des plaisirs de la vie dont ils ont été privés auparavant et l’on constate des retraités sportifs qui ont des prises de poids, des dégradations du corps et aussi des symptômes somatiques.

Anticiper sa reconversion

Cependant, gérer une carrière sportive avec une reconversion professionnelle est rarement évoquée pendant la carrière. De nombreux sportifs ne veulent pas s’y préparer. Les entraîneurs pensent parfois que cela peut les détourner de leurs objectifs

L’idée d’intégrer un milieu de travail qui n’est pas sportif, où leurs aptitudes ne seraient pas directement exploitées, peut faire peur. Ils s’inquiètent d’intégrer un marché de travail avec plusieurs années de retard et cette crainte est souvent révélatrice d’un manque de confiance en soi relatif à cette période de transition.

Il y a donc des sportifs qui sont plus vulnérables : ceux qui ont une identité « sportive » très forte, qui ont arrêté leurs études très tôt et ceux qui ne bénéficient pas d’un soutien social important. Il faut aussi distinguer ceux qui ont été forcés d’arrêter leur carrière à cause de blessure ou de non renouvellement de contrat et qui n’ont pas atteint leurs objectifs. La transition est souvent vécue plus douloureusement.

La reconversion ne touche pas de la même manière les sportifs qui ont un sport à maturité précoce (comme la gymnastique) car il offre l’avantage de pouvoir faire une reconversion à un âge où les autres entament leur cursus universitaire.

Quand l’arrêt de carrière est décidé à l’avance, car le sportif a perdu la motivation ou que son corps ne répond plus et que ses capacités déclinent, il s’est souvent préparé un plan B pour l’après-carrière.

Certains nageurs ou athlètes ont une vie active à côté de leur sport (tel Alain Bernard), ou s’engagent parfois avec des entreprises, ce qui leur permet de faire une transition plus simple d’une identité à une autre.

La difficile reconversion des sportifs

D’autres ont besoin de s’investir dans l’entraînement, la télévision ou l’administration du sport. Ceux-là s’en sortent généralement mieux car ils peuvent mettre à profit leur expérience pour les autres, à condition d’avoir fait le deuil de leur carrière et d’avoir également compris de ne pas calquer son parcours sur les autres joueurs. C’est le cas de Laurent Blanc, Didier Deschamps, Guy Forget, qui à travers leurs joueurs peuvent vivre des émotions intenses par procuration.

C’est ainsi que Zidane parle logiquement « d’une nouvelle étape dans sa vie ». Il veut « apprendre » et « avancer ». Il ressent le besoin de passer de son identité de « star du football » à une autre identité « d’entraîneur » et a besoin de légitimer cette identité en suivant cette formation : « mon objectif est d’apprendre différentes choses qui m’ont certainement fait défaut tout au long de ma carrière de footballeur ».

Des épisodes de dépression

Un faible pourcentage d’athlètes vit l’arrêt de carrière comme une petite « mort » et éprouve parfois des épisodes de dépression, d’usage de drogues ou d’alcool pour compenser le manque d’émotions, des troubles alimentaires ou des problèmes physiques et émotionnels importants.

Certains facteurs peuvent expliquer que certains rencontrent plus de difficultés : ceux qui se sont spécialisés très tôt dans leur sport et n’ont pas une ouverture sur d’autres activités (même scolaire) n’ont pas pu développer des aspects importants de leur personnalité. Souvent à cause des obligations, de la rigueur, ils n’ont pas eu l’occasion de se construire en tant qu’individu « non-sportif ».

D’autres ont connu des fins plus tragiques, comme Pierre Quinon, ex-champion olympique de saut à la perche qui avait pris sa retraite sportive à 30 ans et  qui « s’est défenestré » à l’âge de 49 ans. Il avait pourtant essayé de se reconvertir dans l’art, mais ses amis le décrivaient comme étant « en dépression », en pleine « dérive ».

Donner un nouveau sens à sa vie

La retraite sportive n’est pas toujours définitive, et certains s’engagent à nouveau vers un parcours sportif professionnel. Mais il faut distinguer ceux qui reviennent avec de nouveaux objectifs car ils ont gagné en maturité et ont retrouvé une maturité, et ceux qui n’ont pas réussi à vivre sans cette adrénaline de compétition et accepter cette transition.

La difficile reconversion des sportifs

Pour que les sportifs réussissent leur deuxième carrière sportive, il faut qu’ils aient la lucidité et l’envie de s’engager dans des buts différents, et surtout qu’ils aient vécu d’autres expériences, comme Laure Manaudou ou Kim Clijsters, qui ont connu la maternité et l’accomplisssement de leur vie de femme, avant de reprendre les chemins de la compétition.

Souvent avec plus de succès que ceux qui n’ont pas réussi à sortir de leur « identité sportive » et qui ont connu une deuxième retraite prématurée car la frustration de ne plus figurer dans les meilleurs est parfois plus douloureuse que la retraite elle-même (Martina Hingis, Justine Hénin, Lance Armstrong).

La reconversion est donc une période délicate pour le sportif qui sera vécu en fonction de sa construction identitaire, de la préparation à cette transition et aussi à l’acceptation d’une nouvelle identité et statut social, qui sera forcément différent, mais qui peut aussi donner un nouveau sens à sa vie et de découvrir des émotions et des expériences qui viennent remplacer celles de la compétition sportive.

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