Magazine Cinéma
Fin 2008, Yolande Moreau campait une autre Louise, derrière la caméra de Gustave Kervern et Benoît Delépine. Une Louise Michel ouvrière, qui empruntait son nom à une célèbre communarde anarchiste. 4 ans plus tard, la crise est toujours là. Elle est même devenue à elle-seule une véritable héroïne de cinéma, comme en témoigne les nombreuses variations du genre de ce début d’année (voir tout particulièrement Une Vie Meilleure). Normal donc, que cette fois, la femme en galère porte un nom de tête d’affiche, reine hollywoodienne et résistante en guerre tout à la fois : Louise Wimmer. En lettres brillantes pour un drame social à taille humaine qui emprunte aussi bien du côté de chez Cassavetes (Gloria) que des Frères Dardenne (Louise, sorte de nouvelle Rosetta). Pour parler de cette cinquantenaire fauchée, condamnée à dormir dans sa voiture, jongler entre des petits boulots merdiques, et mentir à son entourage, Cyril Mennegun évite à merveille toutes les erreurs inhérentes à ce type de long métrage.
Documentariste d’origine, on sent toute sa volonté de donner du poids au réel, de la véracité à sa Louise, grande, rousse, fière, qui ne se laisse pas abattre. Elle est à la rue, peut-être. Mais elle a encore de l’allure, et de la gueule. Ce premier film est un film-combat, un cri de révolte, un rappel au réel : la société française, aujourd’hui, n’épargne plus personne. Dans Une Vie Meilleure, le couple à la dérive n’est pas bête, ce qui rend leur descente aux enfers d’autant plus effrayante pour le spectateur lambda. Même chose pour Louise : derrière ses rides et ses cernes, on devine ce qu’elle fut avant la chute : mariée, mère, aisée, aimée. Abandonné aux notes de Nina Simone dans sa voiture, leitmotiv d’un cercle vicieux, le personnage est filmé à la bonne distance, sans pathos et sans compassion. S’il marque autant les esprits, c’est aussi et surtout grâce à l’interprétation étonnante d’une inconnue : une Corinne Masiero, de tous les plans, mix inattendu entre une Tilda Swinton et une Yolande Moreau : la gouaille et la classe, étreinte magique entre atypisme et sévérité.