Quelle responsabilité française dans le génocide rwandais ?
Depuis quelques années, la bande dessinée n'hésite pas à s'emparer de sujets douloureux, en particulier des génocides. Fin 2010, le Centre du Patrimoine Arménien avait accueilli sur ce thème une exposition intitulée Surtout n'en oubliez aucun ! Regards dessinés sur les génocides. L'un des plus récents génocides reconnus par la communauté internationale est celui des Tutsi par le pouvoir Hutu en charge des affaires du Rwanda. Ce nouvel ouvrage atypique vient compléter deux approches en BD, à savoir Rwanda 1994 de Cécile Grenier, Alain Austini et Pat Masioni (Albin Michel - Glénat) et Déogratias de Jean-Philippe Stassen (Dupuis, collection Aire libre).
Les deux ethnies s'affrontent dans cette Afrique centrale et aboutit à une extermination de 800.000 Tutsi en trois mois de l'année 1994, dans l'indifférence presque générale. Dans ce territoire sous influence française, comment est-il possible que ces exactions aient pu se produire ? Ce nouveau livre engagé désigne la responsabilité de l’État français. Il présente l'enchainement des faits au travers des yeux d'une rescapée Tutsi qui a vu sa famille et les habitants de son village totalement exterminés. Cela commence aux prémisses dumassacre, se poursuit pendant la chasse criminelle méthodique, suit la fuite des oppresseurs au Zaïre où 30.000 périrent du choléra, l'arrivée des casques bleus turquoise de l'ONU et revient sur les victimes survivantes...
Ce livre n'est pas une bande dessinée. Mais il exprime avec une force insoupçonnée cette tragédie. Comment ? D'un côté, Frédéric Debom, un scénariste très engagé dans la défense des droits de l'homme, écrit une fine narration des faits. De l'autre, avec une certaine distance et décalage, le dessinateur marseillais de 40 ans Olivier Bramanti apporte la vision que nous, occidentaux, avons pu avoir de ces événements, notamment à partir de photos retravaillés de très belle manière. On va passer de paysages de savanes, où on perçoit rien, à des évocations d'exactions comme des ombres jusqu'à mieux voir les refuges et les troupes françaises engagées au final. Comme si les auteurs voulaient démontrer les images tronquées que nous avons perçues, mettant en évidence le calvaire des réfugiés, alors qu'on avait rien montré et surtout pas bougé lors de l'élimination systématique d'un peuple. Alors quand on arrive au bout, on ne peut s'empêcher de croire qu'un pays aussi engagé en Afrique n'ait pas été informé, qu'il ait effectivement pu y participer au moins passivement. Et même si ce serait trop simple de désigner un seul coupable, cela questionne sur son pays...
Une véritable arme d'indignation en textes et images____________
Turquoise - de Frédéric Debomy et Olivier Bramanti - olivierbramanti.canalblog.com - Éditions Buchet & Chastel, collection Les Cahiers Dessinés - 5 janvier 2012 - 23,00 €