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"L'identité n'est pas autre chose que le récit que nous faisons de nous-mêmes." (p. 19)
L’auteur :
Rosa Montero est une journaliste et auteure espagnole.
L’histoire :
Lucia Romero, auteur à succès de romans pour enfants, est sur le point de partir avec son mari Ramon pour Vienne. Mais celui-ci, parti aux toilettes, tarde à revenir. Lucia doit se faire à l´évidence : il a disparu. Quand elle reçoit une demande de rançon, elle comprend qu´il s´agit d´un enlèvement. Aidée de deux de ses voisins – l´octogénaire anarchiste Félix, et Adrian, vingt ans – elle mène l´enquête. Entre les confidences de Félix sur son passé de torero et la passion amoureuse qui la lie à Adrian, Lucia se pose des questions sur l´amour soumis au temps qui passe, la trahison… mais toujours avec une bonne dose d´autodérision et d´optimisme !
Ce que j’ai aimé :
- La fille du cannibale commence comme un roman farfelu habité par des personnages atypiques réunis par des circonstances pour le moins étonnantes : le mari de Lucia semble s'être bel et bien volatilisé dans les toilettes de l'aéroport, lieu romanesque au possible... Le vieux Félix, anarchiste et torero à ses heures va alors se joindre à Lucia pour mener l'enquête. Et si ladite enquête piétine, Félix va en profiter pour raconter sa vie et éclairer de sa sagesse d'octogénaire la vie de ses nouveaux compagnons. A l'inverse, le jeune Adrian incarne l'insouciance de la jeunesse qui file là où le vent le porte, et, pourquoi pas, dans les bras de Lucia.
Mais derrière cette insouciance apparente, se cachent des blessures inhérentes à la vie, des interrogations qui ne peuvent trouver de réponses car elles appartiennent aux mystères de la vie et de l'identité des êtres. Lucia est une femme lucide qui essaie de se construire en racontant, en se créant par le récit un être particulier :
"Mais moi, je suis persuadée que l'art primordial est celui du récit, parce que pour pouvoir exister, nous les humains, nous devons d'abord raconter." (p. 19)
Alors oui, quelquefois, elle ment, elle cache la vérité pour agrémenter sa vie d'un brin de folie, ou, paradoxalement d'un souffle de souffrance. Elle nous raconte le couple et son usure :
"Si je sortais avec Adrian, si je partageais ma vie avec lui, il arriverait probablement un moment o^j ele haïrais parce qu'il parle la bouche pleine, comme il était en train de le faire à ce moment-là, projetant des miettes de pain et des postillons partout. Mais, ce jour-là, même de telles cochonneries m'attendrissaient. Il n'est au monde pire arbitraire, injustice plus atroce que ceux du sentiment." (p. 177)
Le monde qu'elle cotoie lui apprend le mensonge, la trahison, la faiblesse de l'être humain sans arrêt tenté par le Mal,
"Ce que vous disiez tout à l'heure, a ajouté Félix. A quoi pouvait servir de se comporter dignement. Eh bien, à nous donner la mesure de ce que nous sommes. Nous, les humains, voyez-vous, sommes incapables d'imaginer ce qui n'existe pas ; si nous pouvons parler de choses telles que la consolation, la solidarité, l'amour et la beauté, c'est parce qu'en fait, ces choses existent et font partie des êtres, de même que la férocité et l'égoïsme." (p. 380)
Lucia va apprendre la sagesse, elle va comprendre que même la souffrance est nécessaire à la vie, car elle nous aide à rester vivant, l'absence de douleur nous tuerait en effet plus sûrement et rapidement que les symptômes salvateurs.
"Laisse-moi te parler des pingouins, ces oiseaux patauds qui habitent par millions la déserte Antarctique. Quand les petits des pingouins sortent de leurs oeufs, leurs paretns doivent les laisser seuls pour aller chercher de la nourriture en mer. Ce qui pose un grave problème, parce que les petits pingouins sont recouverts d'un duvet si léger qu'il ne suffirait pas à les maintenir en vie dans les températures extrêmement froides du pôle Sud. Alors les petits pingouins restent regroupés sur leurs îlots de glace, des milliers de pingouins qui viennent de naître serrés les uns contre les autres pour se tenir chaud. Mais pour que ceux qui se trouvent à l'extérieur du groupe ne gèlent pas, les petis pingouins tournent sans arrêt si bien qu'aucun n'est exposé aux intempéries plus de quelques secondes. (...) C'est une générosité dictée par la mémoire génétique, par la sagesse brute des cellules. Ce que je veux te dire à travers cet exemple, Lucia, c'est que ce que nous appelons le Bien est déjà présent au coeur même des choses, chez les animaux irrationnels, dans la matière aveugle. le monde n'est pas simplement fureur, violence et chaos, mais il est aussi ces pingouins ordonnés et fraternels." (p. 422)
"La vie est beaucoup plus grande que nos peurs. Et nous sommes même capables de supporter beaucoup plus que nous le souhaiterions. Alors, reste calme." (p.423)
Un très beau roman à savourer...
Ce que j’ai moins aimé :
- Rien.
Premières phrases :
"La plus grande révélation que j'ai eue dans ma vie a commencé par l'observation de la porte battante de toilettes publiques. j'ai remarqué que la réalité a tendance à se manifester ainsi, absurde, inconcevable et paradoxale, si bien que de la grossièreté naît souvent le sublime ; de l'hooreur, la beauté, et de la transcendance, l'idiotie la plus totale."