El huiro, une longue algue brune, fait vivre bon nombre de familles chiliennes, comme celle de Rafael Hernandez (photos Anthony Quindroit)
Le Chili est bordé par le Pacifique. Une manne pour le pays : la pêche y est très développée. De nombreux pêcheurs chiliens vivent grâce aux fruits de mers et poissons attrapés quotidiennement et que l’on retrouve sur les étals des marchés et dans les petits restaurants qui bordent l’océan.
Mais il est une autre pêche, moins commune ailleurs, qui fait vivre bon nombre de Chiliens. La pêche aux algues. Portée par l’engouement des pays asiatiques, la chasse au cochayuyo et autres algues marines a explosé.
Rafael Hernandez vit de cette activité. Lui, c’est el huiro qu’il récolte dans une toute petite station balnéaire, à 15 kilomètres au sud de Los Vilos (région de Coquimbo, 22o kilomètres au nord de Santiago), le long de la Panamericano.
Sur son rocher, il suit le mouvement des vagues et lance un fil dans l’océan. Au bout, un petit crochet pour agripper el huiro, une algue brune appelée kelp en France.
Aujourd´hui, la récolte s’annonce bonne. Les vagues sont présentes, les longues algues – elles peuvent atteindre plus de 20 mètres – vont se décoller de la roche et permettre au grappin de les extraire de l’eau.
- ”Je fais ce métier depuis toujours. Mon père le faisait avant moi. Et une nouvelle génération prendra le relais”
Chaque kilo de "huiro" pris à l'océan rapporte 100 pesos. Environ 0,16 euro
Il a 64 ans. Ne sait pas trop lire, pas trop écrire. Sur les rochers, il tire avec peine les précieux kilos extraient du Pacifique, deux ou trois fois par semaine. “Quand la mer est bonne : avec un peu de vagues mais pas trop pour que je puisse accéder à mon coin.” Et si l’océan n’est pas de la partie, il connaît un autre coin à huiro. Et si vraiment ça ne veut pas, alors il se rabat sur la pêche aux fruits de mer.
Mais, bon an mal an, c’est le huiro “qui fait bouillir la marmitte.”
- “Je le vends 100 pesos [0,16 euro, NDLR] le kilo. Avec, je me fais environ 10000 pesos par jour.”
Il s’arrête pour fumer une cigarette. Regarde de loin le rocher depuis lequel il lance son grappin. “Il faut faire attention. Une mauvaise vague et c’est la chute. On peut se faire très mal.” Ses mains et ses jambes le prouvent, personne n’est à l’abri de la glissade, parfois dangereuse. “Certains travaillent de nuit. C’est plus risqué. Je ne fais plus que le jour maintenant.”
Il charge une brouette réalisée par ses soins et parcourt envrion 300 mètres pour étaler sa prise au soleil et la faire sécher. Ici, chaque pêcheur à son coin. On le respecte.Tout est laissé à l’air libre. “Jamais de vol entre nous”, jure le vieux Chilien.
Quand sa récolte sera prête, Rafael pourra appeler les entreprises qui viennent acheter le huiro des pêcheurs chiliens comme Rafael Hernandez
Dans quelques jours, lui et quelques collègues passeront un coup de fil aux acheteurs. Des grossistes de tout le Chili. “Quand on en a fait sécher assez, ils nous envoient des camions.” Les entreprises prennent aussi le cochayuyo, “mais ‘est moins intéressant : 60 pesos le kilo.” Le nom des entreprises, Rafael Hernandez ne s’en rappelle plus. Mais elles payent.
Car le huiro est prisé. Crèmes, cosmétiques, shampooing, médicaments… L’algue est même ajoutée dans des yaourts. Les pays asiatiques, Japon en tête, adorent. L’Australie aussi porte la demande. Le Chili un peu. “On en a beaucoup, autant s’en servir”, commente le Chilien laconique avant de retourner vers l’océan.
Beaucoup, mais la demande est forte. Et la récolte des algues se professionnalise, s’industrialise. Les forêts sous-marines sont peu à peu ravagées, remettant en cause l’écosystème marin. Rafael est loin de tout ça. Avec son petit grappin et sa brouette branlante, il songe juste à remplir les assiettes de sa famille. “Moi, ça me fait bouillir la marmite”, répète-t-il.