Si l’on en croit les sondages de sortie des urnes, le nouveau ton d’Hillary Clinton, plus incisif, plus agressif, séduit et ramène vers elle une frange de l’électorat (classes populaires blanches et non diplômées) qui commençait à se tourner vers son rival (cf. Virginie, Wisconsin). Elle a su se poser en victime d’une sphère médiatique soi-disant acquise à Obama (réutilisant ainsi mine de rien un grand classique de la propagande républicaine, la thématique des élites de Washington, libérales, méprisantes et élitistes), tout en critiquant sans relâche son adversaire.
Les rumeurs concernant sa foi religieuse ont à nouveau enflé et les accusations d’inexpérience se sont multipliées. Avec des résultats concrets : même si certains s’interrogent sur des pratiques peu élégantes (c’est le moins que l’on puisse dire…), les électeurs indécis de l’Ohio et du Texas se sont tournés vers Hillary. Ils la considèrent plus que jamais comme la candidate de l’expérience, comme celle qui saura décrocher son téléphone à trois heures du matin pour faire face à une crise – même si peu de présidents décident de déclencher une attaque nucléaire après s’être réveillés en sursaut de si bon matin…
Hillary a également profité d’une « gaffe » d’un conseiller de Barack Obama, qui aurait assuré à un diplomate canadien que l’opposition de son candidat à l’ALENA (Accord de Libre Echange de l’Amérique du Nord) n’était que rhétorique et électoraliste. Quand on sait que près de 80% des habitants de l’Ohio lui reprochent d’être à l’origine des délocalisations et du chômage endémique dans la région, on comprend que certains indécis aient penché au dernier moment en faveur d’Hillary (ce qui est ironique, lorsque l’on sait que l’ALENA a été signée sous la présidence de son mari et qu’Obama était bien plus véhément qu’elle à son encontre…)
Hillary Clinton a donc bien remporté une victoire psychologique. Mais derrière les chiffres et la joie des partisans d’Hillary, se cache en fait une réalité très complexe. Back, Hillary ? Pas si sûr…
D’une part, les élections texanes sont composées d’une primaire (126 délégués) et d’un caucus (tenu dans la soirée -- 67 délégués), dont on attend toujours les résultats définitifs, mais qui pourraient pencher pour Obama (54% contre 46% à l'heure actuelle).
Au Texas toujours, Hillary pourrait perdre en terme de délégués (228 pour l’ensemble de l’État), et ce même si elle rassemble une majorité du vote populaire. En effet, chaque district électoral bénéficie d’un certain nombre de délégués qui dépend non pas de la population, mais du score du parti démocrate lors des élections précédentes de 2004 et 2006. L’électorat urbain et Afro-américain s’étant alors fortement mobilisé (au contraire des Hispaniques), leurs districts comptent proportionnellement plus de délégués, susceptibles de tomber aujourd’hui dans l’escarcelle du candidat Obama. Sachant que d’une défaite pourrait sortir une victoire, Barack ne se montre guère inquiet.
Enfin, les politologues se sont amusés ces derniers temps avec le compteur de délégués mis en place par Slate. Les chiffres sont cruels pour Hillary : Obama dispose actuellement de plus de 160 délégués d’avance, une avance trop importante pour qu’elle puisse le rattraper. Elle pourrait gagner les seize prochaines primaire sans pour autant changer la donne mathématique. Le vote populaire lui échappe. Seuls les superdélégués pourraient la sauver, mais ces derniers oseront-ils se prononcer contre le souhait des électeurs ? Rien n’est moins sûr.
Pour les deux candidats, les enjeux à venir sont simples : séduire le maximum de superdélégués et décider du sort du Michigan et de la Floride, exclus pour avoir avancés leurs primaires dans demander l’avis du parti (nous y reviendrons).
Chez les Républicains, au moins, tout est simple. John McCain l’a emporté ce soir dans les quatre États : il bénéficie dorénavant de suffisamment de délégués (1195) pour s’imposer comme le nominé officiel (la barre était à 1191 délégués). George W. Bush se montrera demain à ses côtés, lui offrant l’onction de la Maison Blanche. De son côté, Mike Huckabee a immédiatement reconnu sa défaite et appelé le Parti Républicain à l’unité. L’enjeu est de taille : les républicains sont idéologiquement divisés entre une aile libérale et une aile conservatrice, ces derniers ne s’étant guère montrés enthousiastes à l’idée de voir McCain pour candidat. Or sans eux, pas de victoire en novembre.
Au final, cette soirée ne résout rien, chez les Démocrates du moins. Les médias en sont ravis : le robinet de l’information ne risque pas de s’assécher. Certains électeurs, eux, s’impatientent…
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