Je travaille actuellement sur les actes du colloque "cyberstratégie". Un des champs de recherche que j'aperçois, et où mon manque de compétences est encore plus flagrant que le reste, réside dans les rapports entre la cyberstratégie et la technologie. Voici quelques lignes que j'ai écrites : je vous demande de me donner charitablement vos avis afin d'améliorer la copie. Merci d'avance.
Le cyberspace est un milieu artificiel, nous l’avons suffisamment souligné. Ce qui signifie qu’il est structurellement dépendant de la technologie. Nous n’entrerons pas dans le détail des développements envisageables et de leurs conséquences prévisibles : qu’on rappelle juste qu’au début des années 1970, Motorola expérimente les premiers prototypes de téléphone portable. Mais les experts ne croient pas au développement de ce marché. A la fin des années 1970, une étude du cabinet Mc Kinsey estimait qu’en 2000, il n’y aurait au mieux que 900.000 abonnés. Il y en eut 120 fois plus ! Cet exemple illustre, si besoin était, que la prévision des conséquences technologiques est aléatoire. Souvenons-nous qu’à la sortie du premier processeur Pentium, certains analystes s’interrogeaient sur l’utilité d’une telle puissance. Aujourd’hui, le moindre « téléphone intelligent » a plus de puissance de calcul que les premiers Pentiums. Il y a ainsi une course technologique dont on ne peut prévoir aujourd’hui les conséquences.
Toutefois, on peut s’interroger sur certaines permanences, qui structurent la réflexion. Je n’en évoquerai que trois, bien conscient que bien d’autres mériteraient d’être étudiées.
La première me semble tenir à l’opposition entre ouverture (ou liberté) et sécurité : en plus de la question de gouvernance que nous avons déjà évoquée, la question sous-jacente est celle du modèle technologique, mais aussi de son coût. C’est un peu ce qu’on attend de l’IP v6, du nouveau protocole US, … Les choix d’architecture détermineront les réponses stratégiques.
La seconde est celle de la prolongation des courbes : autrement dit, poursuivra-t-on la loi de Moore, qui prévoit un doublement régulier (à rythme constant) de la capacité de calcul ? Cela sous-entend qu’il y a une barrière physique. Pourquoi pas, mais n’y a-t-il pas des contournements technologiques envisageables ? Et si oui, lesquels, dans quelle direction ?
La troisième (mais la liste n’est pas exhaustive) s’interroge sur la ressource physique sous-jacente à ce nouvel espace : plus que la loi de Moore, ne faut-il pas craindre une barrière énergétique ? Quelle empreinte carbone le cyberespace a-t-il ? Quelles conséquences faut-il voir sur la géopolitique des ressources, et n’y a-t-il pas de rétro-effets stratégiques sur ce milieu ?
O. Kempf