Résumé : Obligé de se retirer de la vie publique après avoir perdu un procès en diffamation intenté par un businessman véreux, le journaliste Michael Blomkvist (Daniel Craig) accepte une étrange proposition de la part du magnat Henrik Vanger (Christopher Plummer). Celui-ci le charge d’élucider le meurtre de sa nièce Harriett, resté non résolu depuis plus de 30 ans. Assisté de la hackeuse de génie au comportement antisocial Lisbeth Salander (Rooney Mara), Blomkvist va plonger à corps perdu dans une enquête qui va le mener aux portes de l’horreur.
Habituellement, l’annonce d’un remake américain d’un film étranger recent est toujours accueillie par des cris d’indignation des cinéphiles et critiques de tous bords. Difficile en effet de comprendre cette habitude américaine de récupérer ce qui marche à l’étranger pour le refaire à leur sauce, souvent en dénaturant totalement l’œuvre d’origine. Pourtant, lors de l’annonce de la mise en chantier d’une nouvelle adaptation de l’excellent roman de Stieg Larsson, peu de voix se sont élevées pour protester. Ardu en effet de faire la fine bouche devant un remake confié aux bons soins du génial David Fincher, avec un casting de choix, Daniel Craig en tête, et une évidente envie de respecter l’œuvre originale. Et au fil des posters et autres bandes-annonces, l’espoir se faisait de plus en plus grand que ce nouveau Millenium allait pouvoir rivaliser avec l’honorable mais un peu mollassonne adaptation suédoise du même roman.
Dès le générique, sorte de croisement pervers et dégénéré d’un générique de James Bond et du générique de Seven sur fond d’une reprise maladive du Immigrant Song de Led Zeppelin, la messe est quasiment dite : le Millenium de David Fincher enterre définitivement son modèle. Premier exploit, et non des moindres, le film de Fincher réussit le tour de force de captiver les spectateurs ayant lu le livre et vu la première version. Ceci grâce notamment à un script d’une fidélité à toute épreuve au roman de Stieg Larsson (mis a part quelques menus détails finalement peu dérangeants, dont un final légèrement modifié). Le scénario de Steven Zaillian (Le Stratège, Gangs of New York, Hannibal, La Liste de Schindler, on a vu pire filmographie) est en effet un modèle d’adaptation, arrivant à condenser en deux heures et demi un pavé à l’intrigue complexe et aux nombreux personnages sans pour autant altérer l’ambiance si particulière du livre ni ôter d’éléments importants de celui-ci (contrairement a la version suédoise qui faisait l’impasse sur quasiment tout le volet journalistique de l’intrigue). On est même presque étonné de découvrir un film américain avec autant de nudité à l’écran, ainsi que de constater que la liberté sexuelle du roman n’a pas été gommée (oui, Lisbeth est bisexuelle, et oui, Michael a une relation avec sa rédactrice en chef avec la bénédiction du mari de celle-ci).
La réalisation de Fincher, sobre et efficace dans la droite lignée de celle de The Social Network, met parfaitement en valeur le décor oppressant de l’ile enneigée sur laquelle se déroule l’action. L’isolement des héros est palpable, et l’impression qu’ils sont constamment surveillés à mesure qu’ils approchent de la vérité est parfaitement restituée. Misant avant tout sur des éléments visuels plus que de longs dialogues explicatifs (voir les nombreux flashbacks), le film réserve même quelques grands moments de mise en scène fincheriens en diable. La scène du viol de Lisbeth, certes moins crue que dans la version suédoise, reste un moment d’une grande violence psychologique, et la vengeance de Lisbeth rappellera rapidement à ceux qui l’auraient oublié qu’on a bien affaire à un film du réalisateur de Seven.
Mais là ou le film de Fincher enterre définitivement son modèle, c’est surtout dans son casting. Daniel Craig se coule sans accroc dans la peau de Michael Blomkvist, à la fois charmeur, opiniâtre, déterminé et tenace, et surtout beaucoup plus charismatique que Michael Nyqvist. Mais la vraie révélation du film est définitivement Rooney Mara, que l’on sentait pourtant perdante dans le rôle de Lisbeth face à la performance de la très douée Noomi Rapace. On avait en effet du mal à imaginer la jeune femme transparente du remake des Griffes de la Nuit se couler dans les habits de la déjantée Lisbeth. Et pourtant, Mara est une parfaite Lisbeth Salander, pugnace et combattive, solitaire et excentrique, mais aussi très touchante dans sa relation avec les quelques personnes qu’elle estime. Fincher rend le personnage beaucoup plus attachant que dans la version suédoise, en s’attardant notamment sur sa relation avec son tuteur, ou en montrant sa carapace se fissurer petit à petit au contact de Michael Blomkvist. Avec un jeu beaucoup plus subtil et fin que celui de Noomi Rapace, Rooney Mara remporte le morceau.
Bref, grâce à un excellent travail d’adaptation, à une mise en scene tendue et efficace et à un casting sans reproche, cette version américaine de Millenium vient se ranger au panthéon des remakes surpassant l’original. On n’en attendait pas moins du grand David Fincher, mais c’est toujours agréable d’avoir la confirmation. Espérons maintenant que le réalisateur va signer pour réaliser les deux suites du film…
Note : 9/10
USA, 2011
Réalisation: David Fincher
Scénario: Steven Zaillian
Avec: Daniel Craig, Rooney Mara, Christopher Plummer, Stellan Skarsgard, Robin Wright, Joely Richardson, Goran Visnjic