Celui-ci balaie la scène. Celle-là vocalise. Cet autre accroche les vêtements à un portant à roulettes. Les musiciens s’accordent. Le public prend place et applaudit les facéties de la soubrette Sylvine, pensant que le spectacle a déjà commencé.
De fait, elle pose un parapluie en équilibre sur sa paume ouverte et minaude. Arlequin surenchérit avec brio. Rien d’étonnant c’est un artiste de cirque accompli. On se souvient avoir vu Danny dans le Cirque Ronaldo. Il était le clown de Circenses en février 2010.
Le plateau est animé. Les pitreries continuent. Voilà un soutien-gorge contemporain qui est tiré d’une poche de redingote, complètement anachronique.
la petite ville de Wissous (91) est bien chanceuse de pouvoir accueillir ce soir un très joli opéra-bouffe prévu initialement au théâtre Firmin Gémier d'Antony (92) et déplacé pour cause d'amiante dans le plafond.
Bonsoir. C’est Gordon Wilson (Trivlich) qui s’adresse aux spectateurs pour les rituelles recommandations (comme d’éteindre les portables), assorties cette fois de sanctions saugrenues, coups de bâton ou pire en cas de désobéissance. Les trois coups sont frappés avec un manche à balai. Le ton de la dérision est définitivement donné. Nous voilà doublement prévenus : ce sera une farce, mais qu’on ne s’inquiète pas, tout se terminera pour de bien.
Le texte est une libre adaptation de Arlequin poli par l’amour de Pierre Carlet Chamblain de Marivaux et est accompagné par les musiciens comme des récitatifs d’opéra. Comme au XVIIIe siècle, le drame se joue avec des intermezzi musicaux. Mais les airs et les duos de Pergolesi sont détournés du contexte original pour pimenter les scènes jouées par les comédiens.
Commedia dell’arte, chorégraphie et jonglerie ponctuent les scènes parlées et chantées en alternance, avec des résumés en surtitrage en fond de scène pour permettre d’accélérer la compréhension et renforcer l’humour.
Beaucoup de pirouettes. Une poule fort bonne comédienne se baladera sur la scène. On assistera plusieurs fois à des strip teases plus ou moins déplumés. On se pendra en direct. On parlera la bouche pleine.
La syntaxe sera malmenée pour de bon. Encore jamais vue (de femme) si belle comme toi ! déclarera Arlequin à Sylvine. Le lexique s’enrichira de mots anglais, dans des expressions très aisément compréhensibles et savoureuses. Par exemple Comment you do pour signifier : comment allez-vous ? A la sortie, les jeunes spectateurs riront de la sollicitation des amoureux, réclamant à tout bout de champ « kiss kiss toujours partout beaucoup !»
Les dialogues seront émaillés de citations de chansons très connues. J’ai reconnu le Temps des cerises et son célèbre plaisir d’amour, Paroles, paroles chantées par Alain Delon et Dalida, Tous les garçons et les filles de Françoise Hardy, Je te donne de Goldman, la Vie en rose d’Edith Piaf, N’avoue jamais de Guy Mardel. Nous avons aussi entendu des standards de la musique classique comme la Symphonie des jouets de Haydn. L’accent flamand de la troupe ajoute une dimension colorée qui a été elle aussi très appréciée même si j’aurais du mal à vous la restituer.
Il faut se souvenir que la Belgique est le berceau du surréalisme et la troupe s’est réellement déchainée pour le démontrer. Ce qui n’empêche pas d’interroger avec sérieux : Comment c’est quand on aime quelqu’un ?
Et de conclure avec sagesse : Que seul l’amour vous détermine. Ne consultez que votre cœur !
Le public a visiblement apprécié à en juger par la longueur des rappels.
Galantes scènes , d’après Arlequin poli par l’amour de Pierre de Marivaux et la Serva padrona de Giovanni Battista Pergolesi.Texte et mise en scène: Dirk Opstaele
Chorégraphie: Leah Hausman
Costumes: Véronique Seymat
Musique: Ensemble Stradivaria sous la direction de Daniel Cuiller
Avec: Annelore Stubbe (Sylvine), Danny Ronaldo (Arlekiss), Gordon Wilson (Trivlich) et Mieke Laureys (la Fée)
Musiciens: Anne Chevallerau (violon), Daniel Cullier (violon), Laure Vovard (clavecin), Solenne Guilbert (violon) , Thomas Luks (violoncelle), Chanteurs: Ann De Prest (soprane) et Yu-Hsiang Hsieh (bariton)