À vrai dire, des Maoris, je ne savais pas grand-chose ; mais, après Bétonsalon (à propos de la tête maori rendue par le Musée de Rouen), je suis allé voir cette exposition au Quai Branly sur leur culture (jusqu’au 22 janvier). Le plus impressionnant n’y est pas ce qui est montré, mais comment c’est montré : non pas avec un regard extérieur d’Occidental sur un peuple autre, mais de l’intérieur. En effet, l’exposition (trilingue : français, anglais et maori) a été conçue par le musée Maori Te Papa Tongarewa qui semble être à la fois un conservatoire de la culture maori, et une passerelle entre elle et la création contemporaine. Le premier étonnement vient des fondements philosophiques de cette culture : l’aptitude à choisir sa propre destinée, l’identité et l’interconnexion, le prestige et l’autorité, la protection et la préservation, qui structurent l’exposition.
L’histoire de la colonisation de la Nouvelle-Zélande et la lutte des Maori pour leurs droits et leur identité sous-tend toute la culture récente. Les récents accords, après de longues luttes, semblent avoir été obtenus dans un respect réciproque des deux peuples qui laisse rêveur quand on pense à d’autres conflits coloniaux (sans aller jusqu’à la Palestine, l’Australie, par exemple). Certaines citations sur les murs seraient tellement pertinentes sous d’autres cieux :
« Nous avions une grande maison, beaucoup d’espace et nous étions prêts à cohabiter. Mais 153 ans plus tard, nous nous retrouvons dans une niche, dehors, et ils ont la maison et nous font payer un loyer. » (Dr. Papaarangi Reid)
« Deux peuples sur une terre. L’un berne l’autre. »
« Nous sommes sans terre sur notre propre terre. » (Joe Hawke)
« Que les Maori aient le contrôle et la jouissance de leurs propres ressources et qu’ils prennent entièrement part à la vie du pays. »
Voici une photographie, par Michael Tubberty, de l’activiste maori Whina Cooper, 79 ans et de sa petite-fille Ereni lors de la marche pour la terre de 1975 (1126 kms jusqu’au Parlement de Wellington). Ce pourrait être une photo de la Journée de la Terre…
De très nombreux objets sont présentés ici, et quelques oeuvres contemporaines. Sous le drapeau maori, la pierre de jade Hine Kaitaka, que les visiteurs peuvent toucher, s’énergisant à son contact. Tout en haut, une reproduction de la tête tatouée (Masque de vie) du chef Wiremu Te Manewah. La sculpture contemporaine tricéphale par Tene Waitere ci-dessus reprend les mêmes motifs. Enfin, ci-contre, plus ‘contemporaine’ cette sculpture de Brett Graham, Foreshore Defender, qui reprend des motifs traditionnels et évoque aussi un avion furtif. Mais ce n’est pas tant pour les objets / œuvres (en tout cas pour les non-spécialistes comme moi) qu’il faut voir cette exposition que pour son esprit.