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Lionel Shriver aurait tout aussi bien pu intituler son roman: Double mixte. Si on a regarde la couverture, on aura compris qu’il est question de tennis. Lionel Shriver ne nous avait pas habitués à l’exploration du monde sportif. Mais cette troisième traduction donne accès à un livre paru en 1997 et antérieur aux deux premières. Dans Double faute, si Lionel Shriver se concentre déjà sur les problèmes de couple et sur tout ce qui peut venir perturber une belle entente – de l’intérieur ou de l’extérieur – elle ne donne pas (encore? il faudrait lire les six romans qui précèdent pour en être certain) dans la complexité de la construction narrative telle qu’on l’a rencontrée avec Il faut qu’on parle de Kevin ou La double vie d’Irina. Après tout, la linéarité n’a pas que des inconvénients: ici, elle nous attache très vite à Willy et à Eric.A Willy surtout, d’ailleurs. Elle donnerait sa vie pour le tennis. Elle joue depuis qu’elle a cinq ans, elle est classée 437e mondiale et rêve de Flushing Meadows où elle a été, gamine, ramasseuse de balles. Willy possède un talent moyen mais elle est bosseuse, prête à aller au-delà de la douleur à l’entraînement pour s’améliorer et entrer dans le top 100, voire mieux comme lui promet son entraîneur, avec lequel sa relation est ambiguë.Eric, qui la rencontre par hasard pour un match improvisé au cours duquel Willy le bat, n’est que 972e. Le tennis n’est pas toute sa vie: il est doué pour tout ce qu’il entreprend, donc pour le tennis aussi. Il a pourtant commencé tard, à dix-huit ans, et son jeu foisonne d’éclairs de génie autant que de faiblesses techniques. Sur le court, malgré la conscience qu’il a d’être un joueur de tennis provisoire, il développe, comme les champions, un tempérament de tueur…Leur première rencontre constitue-t-elle une bonne base pour un couple? A leurs yeux, oui. Très vite, ils ne peuvent plus se passer l’un de l’autre. Et, comme toujours dans les premiers temps de l’amour, chaque élément de leur existence commune participe à leur bonheur. Quand bien même il s’agit de t-shirts mouillés qui sèchent sur le radiateur.Comme ils ont tous deux l’ambition de progresser, et de vivre de mieux en mieux de leur sport, ils se soutiennent mutuellement. Les classements s’améliorent. Un peu plus rapidement pour Eric qui, il est vrai, vient de loin. Willy commence à craindre le jour où Eric la battra à l’entraînement, celui où son classement sera meilleur que le sien et où la jalousie viendra empoisonner leur relation.Ce n’est qu’un jeu? Pas vraiment. Même pas pour Eric, qui semblait planer loin au-dessus de ces considérations et qui pourtant, au fur et à mesure qu’il gagne des tournois, regrette que sa femme ne s’occupe pas davantage de lui. Tandis que la même femme se désespère de stagner, puis de régresser après une blessure, incapable de partager la joie de son mari, pire, n’aimant rien tant que les défaites qu’il subit parfois.Et voilà comment un couple part à vau-l’eau, miné par les contradictions qui pèsent sur des objectifs communs, Willy et Eric n’étant plus en mesure, à un certain niveau, de se tirer mutuellement vers le haut. De récriminations mesquines en emportements plus graves, le chemin décrit par la romancière conduit vers un échec prévisible. A moins de renoncer à vouloir embrasser en même temps le bonheur et la réussite. Lionel Shriver ne semble pas trop y croire.