1 Français sur 2 souhaite interdire le droit de grève aux fonctionnaires. Mais les salariés du secteur public sont opposés à cette interdiction à 74 %.
Sondage exclusif Ifop pour Le Cri du Contribuable et l’Observatoire de la fiscalité et des finances publiques. Suivi de l’analyse de Michel Brulé, fondateur de l’institut BVA. Lire le sondage dans son intégralité
Question 1 : En France, les jours de grève sont en général plus nombreux dans le secteur public que dans le secteur privé. Pensez-vous que cette situation s’explique par la sécurité de l’emploi dont bénéficient les agents publics ?
• Total Oui :
- Ensemble des Français : 81 %
- Salariés du secteur privé : 86 %
- Salariés du secteur public : 68 %
• Total Non :
Ensemble des Français : 19 % Salariés du secteur privé : 14 % Salariés du secteur public : 32 %
Question 2 : En Allemagne, les fonctionnaires disposant d’un statut n’ont pas le droit de faire grève. Souhaiteriez-vous qu’il en aille de même en France ?
• Total Oui :
- Ensemble des Français : 50 %
- Salariés du secteur privé : 52 %
- Salariés du secteur public : 26 %
• Total Non :
- Ensemble des Français : 50 %
- Salariés du secteur privé : 48 %
- Salariés du secteur public : 74 %
Question 3 : Pour chacun des secteurs ou entreprises suivants, seriez-vous favorable ou opposé à ce qu’on y interdise la grève tout en y mettant en place des procédures particulières de règlement des conflits sociaux ?
• La RATP :
- Favorable :61 %
- Opposé : 39 %
• La SNCF
- Favorable :60 %
- Opposé : 40 %
• La police
- Favorable :58 %
- Opposé : 42 %
• L’EDF
- Favorable :57 %
- Opposé : 43 %
• L’Education nationale
- Favorable :55 %
- Opposé : 45 %
• Le ministère des Finances
- Favorable :55 %
- Opposé : 45 %
Etude réalisée par l’Ifop pour l’Observatoire de la Fiscalité et des Finances publiques sur un échantillon de 1008 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de l’interviewé(e) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CAWI – Computer Assisted Web Interviewing) du 13 au 15 décembre 2011.
L’analyse de Michel Brulé, fondateur de l’institut BVA
Faut-il réformer le droit de grève des fonctionnaires ?
Comment comprendre la disparité que l’on observe en France entre le recours si fréquent à la grève de la part des agents publics, fonctionnaires ou salariés des grandes entreprises publiques, et l’usage bien plus modéré qu’en font les salariés du secteur privé ?
Les premiers s’en servent comme d’un levier banal pour faire aboutir leurs revendications et le maintien de leurs « avantages acquis » quand les seconds font surtout grève lorsque leur emploi, leur établissement ou leur entreprise sont directement menacés.
Différence des statuts
Une première explication tient à la différence des statuts entre salariés du public et du privé. Assurés de la sécurité de leur emploi, les agents publics n’ont pas à redouter que l’usage répété des arrêts de travail n’aboutisse à le leur faire perdre.
81 % des Français établissent un lien entre cette garantie et la propension des agents publics à recourir fréquemment à la grève.
Ajoutons que la situation de monopole des organisations qui les emploient et l’assurance que ces dernières ne feront pas faillite, quels que soient les déficits de leurs comptes, sont aussi de puissantes incitations à utiliser une arme dont les périls pour le salarié sont ainsi minimisés.
Si aucun concurrent ne peut se substituer à votre entreprise pendant que vous cessez le travail et quel que soit le coût de vos revendications, il n’entraînera pas de dépôt de bilan, on comprend qu’on hésite moins à recourir à la grève à répétition.
Strictement partagés en deux
Est-ce à dire qu’il faut supprimer le droit de grève aux salariés ainsi protégés par leur statut, comme le font par exemple les Allemands ? Face à cette mesure, les Français sont strictement partagés en deux, 50 % pour et 50 % contre.
Les réponses varient naturellement beaucoup avec le statut professionnel de l’interviewé : cette perspective est rejetée par les trois quarts des agents publics, alors qu’elle divise les salariés du privé et les travailleurs indépendants.
On retrouve un fort clivage politique dans les réponses : les 3/4 des électeurs de droite sont favorables à un alignement sur la législation allemande qui ne reconnaît pas le droit de grève aux fonctionnaires bénéficiant d’un statut, mais les 3/4 des électeurs de gauche s’y opposent. Ceux du MoDem se prononcent plutôt en faveur d’une telle mesure.
Les agents publics sont bien plus représentés dans les partis de gauche
Si on entre dans les cas concrets et qu’on envisage la suppression du doit de grève dans différents organismes publics, étant entendu que des modalités de résolution des conflits sociaux seraient mises en place, on observe que c’est surtout les transports publics – SNCF, RATP – pour lesquels une telle mesure serait souhaitée par 60% des Français.
On note que, contrairement à la question générale d’un éventuel alignement sur le modèle allemand, dans l’examen au cas par cas, on enregistre une majorité favorable au remplacement du droit de grève par d’autres modalités de règlement des conflits sociaux pour chacun des six organismes retenus. Ces majorités oscillent entre 20 points (60/40) et dix points ( 55/45).
On retrouve ici les positions antinomiques des électeurs de gauche et de droite, les premiers se prononçant contre la mesure proposée et les seconds pour, quel que soit l’organisme envisagé (transports, énergie, ministères, police). Ces positions opposées s’expliquent en partie par les différences sociologiques des électorats, les agents publics étant bien plus représentés dans les partis de gauche.
Michel Brulé.
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