Ou la modernité de Saint-Simon.
Qui donc a osé dire ça et qui a osé l'écrire sinon ce duc si génial? Un titre pareil et les tirages doivent s'envoler...
C'est sans doute ce qu'ont pensé les responsables de cette anthologie de Saint-Simon. Saint-Simon, bonne nouvelle, on peut aussi le lire en ligne, ICI par exemple et sans doute aussi ailleurs. Il suffit de cliquer. Aucune excuse désormais pour l'éviter. J'ai trouvé aussi un billet plein d'enthousiasme de Philippe Bilger sur le livre de Jean-Michel Delacomptée: "LA GRANDEUR - Saint-Simon", chez Gallimard. Un article du Magazine littéraire le présente ICI. Autre article récent sur le mémorialiste le plus célèbre: celui de Frédéric Ferney sur son blog en novembre 2011 intitulé: Un souverain remède à la sottise du temps
Pour ma part, si j'adore les portraits cruels de certaines dames de la Cour, j'admire aussi les éloges comme celui de Mme de Castries, la nièce de la Montespan et la dame d'atour de Mme la Duchesse de Chartres.
Mme de Castries était un quart de femme, une espèce de biscuit manqué (biscuit de forme irrégulière), extrêmement petite mais bien prise, et aurait passé dans un médiocre anneau : ni derrière, ni gorge, ni menton ; fort laide, l’air toujours en peine et étonné ; avec cela une physionomie qui éclatait d’esprit et qui tenait encore plus parole. Elle savait tout : histoire, philosophie, mathématiques, langues savantes, et jamais il ne paraissait qu’elle sût mieux que parler français ; mais son parler avait une justesse, une énergie, une éloquence, une grâce jusque dans les choses les plus communes, avec ce tour unique qui n’est propre qu’aux Mortemart. Aimable, amusante, gaie, sérieuse, toute à tous, charmante quand elle voulait plaire, plaisante naturellement avec la dernière finesse, sans la vouloir être, et assenant aussi les ridicules à ne les jamais oublier ; glorieuse, choquée de mille choses avec son ton plaintif qui emportait la pièce, cruellement méchante quand il lui plaisait, et fort bonne amie, polie, gracieuse, obligeante en général, sans aucune galanterie, mais délicate d’esprit et amoureuse de l’esprit où elle le trouvait à son gré. Avec cela, un talent de raconter qui charmait, et, quand elle voulait faire un roman sur-le-champ, une source de production, de variété et d’agrément qui étonnait. Avec sa gloire, elle se croyait bien mariée par l’amitié qu’elle eut pour son mari ; elle l’entendit sur tout ce qui lui appartenait, et elle était aussi glorieuse pour lui que pour elle. Elle en recevait le réciproque et toutes sortes d’égards et de respects.
Mémoires de Saint-Simon, (La Pléiade,Tome 1, 1696)