Désormais en projet, à l'appel de la France, une nouvelle directive européenne sur les dispositifs médicaux. Elle durcirait les procédures de contrôle pour les fabricants et s'assurerait d'une traçabilité telle que chaque implant ou dispositif défectueux pourrait permettre de remonter à la source. Mais d'ores et déjà, l'initiative se heurte à des oppositions ou des difficultés. Transfert de compétences à Bruxelles, intérêts des fabricants et des groupes de cliniques privés, harmonisation des pratiques européennes en chirurgie esthétique. Un chantier énorme et complexe.
Déjà, en pratique, les états européens ont des difficultés à s'accorder sur la réponse à apporter aux femmes implantées. Alors que la France a décidé la prise en charge de toutes les explantations, suivie par l'Allemagne et la République Tchèque, le Royaume-Uni, qui s'est rangé globalement mais tardivement, le 6 janvier, à cette recommandation, sollicite au nom d'un devoir moral, les cliniques privées de chirurgie esthétique impliquées, leur demandant d'offrir l'intervention aux patientes qui le souhaitent. Certaines chaînes britanniques s'y sont déjà refusées, invoquant un échec massif de la réglementation et une bonne foi des chirurgiens compte-tenu de l'autorisation de la MHRA. Or 95% des patientes britanniques ont été implantées dans le privé. Une situation qui démontre déjà la difficulté d'accorder les positions des différents groupes de cliniques privées.
La nécessité d'un transfert de compétences à Bruxelles : La Commission européenne a bien confirmé qu'elle envisage une mise à jour les contrôles existants afin de s'assurer que tous les pays de l'UE appliquent une même réglementation de la production à l'intervention chirurgicale. Mais cette nouvelle directive de l'UE implique un transfert de compétences nationales à Bruxelles, selon les experts européens, ce qui techniquement imposerait au gouvernement britannique d'effectuer un référendum sur la question. Le gouvernement pourrait mettre le transfert de compétences au nombre des questions mineures lui évitant un vote national, mais il devrait faire face au mécontentement des nombreux conservateurs britanniques eurosceptiques. Le transfert pourrait donc rencontrer des obstacles politiques. Quant à la France, elle aura "réussi" la performance politique, à partir d'un scandale français, à transmettre "la patate chaude" à l'Europe.
La nécessité de réglementer et d'uniformiser les pratiques : Toute nouvelle directive devra également appel à la régulation des chirurgiens. Car un autre problème à résoudre est l'absence d'uniformité dans la pratique et la qualité de la chirurgie esthétique dans les différents états européens. Cela englobe les équipements des cliniques, les soins de suite…Ainsi une enquête récente d'un organisme sanitaire britannique révèle que même au Royaume-Uni, seuls 44% des blocs opératoires en esthétique sont équipés de manière adéquate, mais que la formation des chirurgiens est déficiente et que les deux tiers des patients ne reçoivent aucun conseil médical avant l'intervention. L'inquiétude est donc à son comble pour la pratique dans les pays d'Europe de l'Est qui proposent un véritable « tourisme esthétique ». Cela comprend également la déclaration systématique, par les médecins, des événements indésirables à l'institution sanitaire en charge dans leur propre pays qui remonterait l'info ensuite au niveau européen. Or cette déclaration à l'heure actuelle est très loin d'être systématique.
Enfin, les fabricants devront aussi se plier à de nouvelles règles. Un défi monstrueux lorsqu'on sait que l'industrie des dispositifs médicaux rassemble 18.000 entreprises en Europe seulement, mais de nombreuses entreprises ont délocalisé. Ainsi, le leader, la société américaine Allergan, a déplacé sa production au Costa Rica mais passe par un organisme européen pour le marquage CE. Réglementer les dispositifs médicaux est un donc un chantier énorme et complexe. Qui intègre la question des liens d'intérêts, comme pour le Médicament, entre industriels, médecins et institutions. Enfin, c'est la mise en place d'une traçabilité européenne, avec la centralisation de preuves, qui permettrait ensuite à l'agence de régulation européenne d'interdire certains dispositifs.
Sources: MHRA, Independent Healthcare Advisory Services, National Confidential Enquiry into Patient Outcome and Death “A review of the organisational structures surrounding the practice of cosmetic surgery” (Visuels NHS)
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