Nicolas Sarkozy suivait sa tactique électorale du moment, proposer tous les jours ou presque une mesure « forte » qui provoque son concurrent socialiste François Hollande. Il cherchait aussi à compenser l'effet désastreux d'un relèvement annoncé de la TVA vers les 23 ou 24%.
Seulement voilà, cette nouvelle taxe Tobin version Sarkozy n'a trompé personne, excepté peut-être le Figaro de lundi 9 janvier. Dès l'après-midi du 9 janvier, tandis que Nicolas Sarkozy s'affichait à Berlin auprès d'Angela Merkel, le quotidien le Monde publiait un long article d'Arnaud Leparmentier qui débusquait l'arnaque: « De la taxe Tobin de Sarkozy à l’impôt de Bourse ». Et oui, la taxe Tobin version Sarkozy n'était finalement qu'une belle arnaque.
Sarkozy a la mémoire défaillante
Le 16 novembre 2007, les députés UMP votaient la suppression d'une taxe sur les transactions financières pourtant centenaire en France, l'impôt de Bourse. Attac s'en était indigné. Même les Britanniques ont toujours une taxe similaire, un droit de timbre de 0,5 % et « qui rapporte selon Bercy 2 à 3 milliards de livres par an ». En France, l'impôt de Bourse était plus modeste, il taxait les transactions de moins de 153 000 euros à 0,3 %, puis s'abaissait à 0,15 % au-delà, pour un produit estimé à moins de 300 millions d'euros par an.
En décembre dernier, il y a quelques semaines à peine, le secrétaire d'Etat Pierre Lellouche s'opposait au Sénat à toute taxe sur les transactions financières, la jugeant « contre-productive »... On reste bouche bée, on ne comprend plus...
Mieux, une autre taxe sur les transactions financières existe déjà dans notre code des impôts depuis 2001... Une mesure votée en novembre 2001, comme l'a rappelé François Hollande lundi soir sur Canal+ comme notre confrère Menilmuche, pour le cas où les autres pays européens l'appliquent enfin.
Sarkozy menace l'Europe
Est-ce vraiment le moment de faire cavalier seul ? L'Europe a besoin d'une gouvernance plus forte. Nicolas Sarkozy lui-même l'a dit été répété ces derniers mois. Les intervenants financiers (prêteurs, agences de notation, traders) ont largement fait comprendre aux gouvernements de la zone euro que la dispersion politique aggravait la situation économique et financière; qu'il fallait une meilleure coordination.
Et pourtant, notre Monarque national s'est mis bille en tête, un dimanche de janvier 2012, de faire voter une taxe sur les transactions financières et, pire, de le crier sur les toits comme un désaccord majeur qu'il avait avec le reste de ses partenaires européens.
Cet homme-là sait-il seulement ce qu'il fait ?
Cette irresponsabilité est d'autant plus grave que la situation, encore fragile, semblait se stabiliser quelque peu: la BCE s'est mise à prêter à taux bradé à toutes les banques européens dans les derniers jours de décembre. Mais la récession est là, et une prochaine dégradation brutale, passée la trêve hivernale, n'est pas à exclure. L'Italie risque une nouvelle dégradation de sa note de crédit.
Sarkozy se contredit
Nous avons l'habitude, mais mieux vaut le rappeler. Lundi, sur toutes les télé et radios de France, de précédents propos de Nicolas Sarkozy en 1999 contre toute taxe Tobin furent rediffusés en boucle. Le Monarque pouvait s'abriter sur la Grande Crise pour justifier ce énième revirement personnel.
Lundi, tandis que Sarkozy fanfaronnait à Berlin, les marchés financiers étaient à nouveau fébriles.
« Ma conviction, c'est que si nous ne montrons pas l'exemple, cela ne se fera pas.» déclara le président français. Angela Merkel a souri, lors d'une conférence de presse commune hier après-midi. Puis elle a dit qu'elle attendrait le calendrier européen. « Côté allemand, le but est d'avoir une déclaration d'intention des ministres des Finances d'ici début mars».
Le Monarque a ajouté qu'il n'était pas question de dévoiler l'affectation d'une telle taxe franco-française avant le sommet du 18 janvier (qu'il rebaptisa « sommet sur la crise »). Cette taxe Tobin version Sarkozy ne serait donc que cela, une pillule pour faire avaler la TVA sociale... ?
« Le vrai risque, actuellement, ce serait de ne pas prendre de risque » expliquait Nicolas Sarkozy ces derniers jours. Mais pour la France, le vrai risque n'est-il pas de laisser un pareille incompétence plus longtemps aux commandes ?