J'ai fini l'année avec Nuit d'Edgar Hilsenrath, à paraître dans les jours qui viennent chez Attila, et je peux vous dire que c'est un des livres dont on se souviendra lorsqu'on fera le bilan de l'année prochaine... et pour démarrer 2012 en beauté et volupté, c'est un autre chef d'oeuvre auquel je me coltine qu'on ne peut pas dire tout frais puisqu'il a été publié pour la première fois en 1979, mais en aucun cas du réchauffé : Marinus et Marina de Claude Louis-Combet, puissante mystique du corps dans une langue flamboyante sans pareil. —AW.
Mais avez-vous lu Great Jones Street de DeLillo ? Parce que je voudrais parler de ce livre plutôt que du reste en fait. Un livre tout à fait indiqué par les temps qui courent.
J'ai entendu dire que Great Jones Street (que nous appellerons GJS par égard pour mon canal carpien) était un roman sur le rock. Bêtise. J'ai aussi entendu dire que ce troisième roman de DeLillo (paru en 73, faites le calcul... ça fait presque 40 ans de retard) était touffu, labyrinthique, baroque. Couillonade. Tout bavard qu'il est c'est l'un des plus beaux livres jamais écrits sur le silence. Sur sa perfection rédemptrice. C'est aussi un truc bien foutu sur la fin annoncée d'une période bénie qui tenait en équilibre sur un bon kilo d'herbe. A l'époque où Houghton Mifflin sort le bouquin les Beatles s'étaient déjà mis à l'envers pour d'horribles histoires de fric & de pomme moisie. Deux hippies allaient bientôt vendre des litrons de Cookies Dough à la terre entière & Kissinger, qui n'a jamais eu les cheveux longs, obtenir un prix Nobel de la paix pour l'ensemble de son œuvre. Roman à clés pop, cartographie géniale d'un monde qui s'est pourri tout seul, GJS est d'une beauté sèche troublante à bien des égards. On y trouve des dialogues somptueux enroulés autour d'une paranoïa presque apaisante. Transformer une heure de lecture en retraite lointaine est une chose sans prix. Si en plus ça redonne confiance en un auteur qu'on avait un peu perdu de vue, on pourra se dire que 2011 n'aura pas été vain. Bon allez, je vais aller écouter Glory Be pour le trentième fois de la journée. —LB.