Un site très web 2.0 vient d’apparaître sur le marché : Not2be. Il permet aux élèves d’évaluer leur professeur, en leur attribuant des notes dans différents domaines (clarté, autorité, interactivité…)
L’évaluation est une forme plutôt répandue d’UGC. Sur de nombreux sites du web 2.0, les utilisateurs sont habitués à évaluer prestations et prestataires et cela participe pour une large part de l’efficacité du service rendu. Sur E-bay, on évalue les vendeurs, les digg-like permettent d’évaluer les auteurs, des sites spécialisés permettent aux voyageurs d’évaluer les destinations touristiques et les hôtels, etc.
Les outils en ligne permettent de donner facilement la parole aux clients/utilisateurs. Voter ne demande qu’un clic et avec le web 2.0, on serait tenté de mettre à l’évaluation tout et n’importe quoi.
Face à un commerçant de proximité, rien ne m’empêche plus de dire que je préfère telle crémerie ou tel coiffeur et de le publier sur le web, sur une carte, un forum ou un blog. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour des prestataires de service plus institutionnels comme les banques, les professionnels du droit et du chiffre. Face à ces prestataires de services hyper spécialisés, le consommateur est bien démuni : il se fie au bouche-à-oreille et à son intuition lors du premier contact.
L’évaluation de l’efficacité professionnelle présenterait de nombreux avantages, mais principalement, elle permettrait par la transparence de rééquilibrer le rapport de force entre consommateur et professionnel.
Alors pourquoi, je donne peu cher de l’avenir de Not2be ?
Un enseignant n’est pas une entreprise ayant pignon sur rue ; les élèves ne sont pas des clients. Publier en ligne des informations nominatives relatives à sa profession et l’endroit où elle travaille constitue une violation caractérisée de la vie privée.
Par ailleurs, le traitement automatisé de données nominatives malgré l’opposition des personnes concernées est sanctionné par l’article 226-18-1 du Code Pénal. Les enseignants auront beau jeu d’envoyer une petite lettre-type demandant le retrait des informations les concernant. Je vois vite le site crouler sous les demandes, sous le menace permanente d’une action judiciaire.
La justice s’est déjà prononcée sur ce genre d’affaire. Regardez ici (via le Village de la justice) une décision de la Cour d’Appel de Bourges à propos d’une liste nominative de notaires soi-disant indélicats.
En 2002-2003, une association avait entretenu et diffusé une liste noire recensant les noms et coordonnées de 2500 officiers ministériels, coupables selon l’association de malversations, d’irrégularités et de graves manquements à leurs obligations professionnelles.
La CNIL a été saisie par des notaires qui avaient fait exercice de leur droit de communication et de rectification. L’association n’avait pas donné suite à ces demandes et elle est sanctionnée par les juges. Pourtant il s’agissait de professionnels, mentionnés en dehors du cadre de la vie privée.
Un blog s’est monté pour fédérer les réactions négatives au site Not2be. J’ai également discuté de Not2be sur mon blog associatif, ici.
Affaire à suivre