Par référé du 3 mars, le TGI de Paris vient d’enjoindre le site Not2be de mettre fin à la publication des données nominatives à propos des enseignants notés par leurs élèves.
J’avais annoncé sur ce blog la fin programmée d’un site dont le modèle économique consistait à donner aux élèves la possibilité “d’en mettre plein la g… à leur prof ” -une sorte de défouloir en ligne, en quelque sorte- au prix de violations caractérisée de la vie privée, tout cela sans aucune autre valeur ajoutée que de générer de la page vue et du clic publicitaire.
Aujourd’hui la page d’accueil de Not2be publie un commentaire assez naïf :
A la suite de la décision du Tribunal de Grande Instance de Paris note2be doit cesser de collecter et de traiter les noms et les notes des enseignants à compter du mercredi 5 mars à 16h32.
Nous sommes inquiets quant à l’avenir du Web 2.0 en France. En effet la décision prise par le TGI le 3 mars remet en cause le fondement même du web « contributif », dans notre pays.
Cette décision est alarmante au regard du principe de la liberté d’expression sur Internet en France, en particulier pour les élèves et étudiants français.
Nous allons faire appel de cette décision.
Nous reviendrons bientôt !
A l’analyse, on constate deux erreurs grossières.
Une méconnaissance des principes fondamentaux du droit.
La liberté d’expression des uns qui doit permettre à chacun d’exprimer librement ses opinions s’arrête là où commence la violation de la vie privée des autres. Rien n’interdit d’évaluer, ni même de publier en ligne ces évaluations, mais il faut impérativement recueillir l’accord préalable des intéressés et respecter cet avis en ne publiant pas les données nominatives en cas d’opposition.
La solution juridique serait différente à mon avis s’il s’agissait de professionnels ayant pignon sur rue ou d’acteurs économiques indépendants (ce que ne sont pas les enseignants en leur qualité de salariés de l’E.N.).
Web 2.0, UGC, liberté d’expression et relation pédagogique
Avec le concept de l’User Generated Content, le web 2.0 donne effectivement la parole aux usagers, qu’ils soient client d’entreprises marchandes, citoyens, utilisateurs de services en ligne. Cette prise de parole se fait souvent par l’évaluation et la notation, qui sont des manière simple et rapide de donner un avis.
Pourquoi pas les élèves alors ?
Tout simplement parce que cela déséquilibre et finit par détruire la relation pédagogique.
La notation et l’évaluation sont parties intégrantes du métier pédagogique et des taches professionnelles de l’enseignant. Tout enseignant ou formateur doit analyser les performances fournies par son public pour juger de l’efficacité de son action pédagogique. Ce qui est évalué par l’enseignant, c’est le travail et les performances (intellectuelles et sociales) de l’élève par rapport à des normes (censées) être objectives. Pour évaluer, il faut donc disposer d’un référentiel dont la maîtrise suppose une compétence technique préalable.
Techniquement il est donc impossible pour les élèves de “noter” leur professeur puisqu’ils ne disposent pas du référentiel nécessaire pour évaluer un processus pédagogique. Ce que peuvent faire les élèves par contre, c’est dire “j’aime ou j’aime pas”, “c’est clair ou çà ne l’est pas” et exprimer leur ressenti personnel et subjectif par rapport à ce qu’ils ’subissent” quotidiennement.
Donner aux élèves un outil de notation sous prétexte de rétablir un imaginaire équilibre dans la relation et de libérer la parole, c’est donc méconnaître la réalité de la relation pédagogique.
Il est important de libérer cette parole. Tous les formateurs pour adultes procèdent de cette manière et je sais que de nombreux collègues enseignants organisent régulièrement dans leur classe des espaces de parole libre où les élèves peuvent parler de leur ressenti.
Alors, pour un service 2.0, il y a certainement un créneau à prendre, une sorte de plateforme Ning des communautés pédagogiques mais il faudrait s’y prendre de manière un peu plus finaude que les concepteurs de Not2be ….