Article paru sur Youphil, le 15 décembre 2011. Par Magali Sennane. (pour plus de campagnes, consultez cette page)
Ça fait rire, ça fait buzzer, mais est-ce que ça fait donner? Retour sur les techniques de communication par l’humour, plébiscitées par les ONG.
Qui a oublié Adriana Karembeu, revêtant, la moue boudeuse, l’uniforme de la Croix Rouge dans des spots lancés en période de collecte? C’est de cette façon que, dans les années 2000, la Croix Rouge tente une nouvelle approche de communication et passe au ton décalé. Comme elle, les ONG sont de plus en plus nombreuses à aborder leurs causes de manière originale et humoristique.
Les ONG sont-elles pour autant novatrices? Non, répond Laurent Terrisse, fondateur de l’Agence Limite: ”l’humour, c’est l’une des techniques traditionnelle de publicité“, précise-t-il. Car le but d’une stratégie de communication, c’est avant tout d’attirer l’attention du public et l’humour y participe fortement. Comme le montre cette campagne de l’association canadienne Rethink Breast Cancer, destinée à la gent féminine :
La communication soft
“Parfois, l’humour permet de rendre le message plus supportable et plus facile à entendre“, explique Laurent Terrisse. D’autant plus qu’en France, traditionnellement, les communications choquantes ont mauvaise réputation auprès du grand public. “On a du mal à montrer des choses crues, analyse Hervé Garrault, consultant en marketing associatif. Chaque fois qu’on a essayé de montrer des morts, ça n’a pas été très bien reçu. On préfère les métaphores et l’euphémisme“.
C’est ainsi qu’en février 2010, l’agence de publicité BDDP & Fils crée la polémique avec une série d’affiches pour l’association des Droits des non-fumeurs (DNF). Scandale chez de nombreuses associations et une partie de la classe politique qui demande son interdiction immédiate pour “outrage à la pudeur“. Quelques jours plus tard, la campagne sera retirée.
Avec l’avènement d’internet et du phénomène du “buzz”, trois manières d’accrocher le public se sont accentuées. “Il y a le sexe, difficile à utiliser pour les causes, le trash, qui est à prendre avec des pincettes dans ces situations car ça risque de toucher profondément les victimes ou les militants, et enfin l’humour“, détaille Laurent Terrisse.
Certaines organisations sont connues pour avoir souvent recours à des campagnes de sensibilisation humoristiques. Aides ou Greenpeace font régulièrement fureur sur le net grâce à des vidéos amusantes. Comme, par exemple, ce spot d’Aides, visionné plus de 4,7 millions de fois sur Youtube :
Parfois même, là où des campagnes à plusieurs millions d’euros subissent un échec cuisant, de simples clips humoristiques postés sur internet vont jusqu’à créer le buzz. En témoigne cette vidéo, réalisée par les membres de l’hôpital St. Vincent medical center à Portland, pour alerter sur l’importance du dépistage du cancer du sein. Du concierge au personnel médical, tous se sont réunis autour d’une chorégraphie, plus ou moins approximative, en portant le gant rose symbole du dépistage. Une simple danse, sympathique et rigolote, qui a entrainé plus de 13,4 millions de vues sur Youtube.
L’humour a ses limites
Le ton décalé ne peut pas pour autant être utilisé à chaque fois. Le risque? Tomber dans le phénomène des campagnes “LOL”. En d’autres termes, des campagnes drôles, mais qui au final ne servent pas la cause ou l’organisation qu’elles défendent. Ainsi, lorsqu’une association cherche à collecter des fonds, une opération humoristique qui attirera un public de masse, mais parfois jeune, n’aura pas un grand intérêt si les dons ne suivent pas. “Le plus important, c’est de savoir quel est l’objectif de la campagne. Si c’est pour se faire connaître c’est bien, sinon ça ne se justifie pas forcément“, explique Hervé Garrault.
De la même façon, il invite à relativiser la popularité d’une vidéo postée sur le net. “Ce n’est pas parce qu’on voit une vidéo qu’on adhère au message et qu’on le retient“, ajoute-t-il.
Alors l’humour est-il une arme efficace de sensibilisation ou un simple phénomène viral? Finalement, l’essentiel reste, avant tout, que le but recherché par l’ONG ne soit pas saboté par la volonté de faire rire à tout prix.
Photo: Campagne de la Croix Rouge pour les journées nationales de quête