Titre : Il était une fois en France
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : Sylvain Vallée
Parution : Octobre 2007
« Le petit juge de Melun » est l’avant-dernier opus de la désormais célèbre série « Il était une fois en France ». Le scénariste est toujours Fabien Nury et les dessins sont une nouvelle fois l’œuvre de Sylvain Vallée. On ne change pas une équipe qui gagne. Cet album est paru récemment. En effet, il est apparu dans les bacs en octobre dernier. Toujours édité chez Glénat, il est vendu au prix de quatorze euros. Sa couverture nous apprend que cette série a été récompensée au Festival d’Angoulême cette année.
En m’excusant d’avance de me répéter pour ceux qui ont lu mes critiques précédentes sur cette série-là, je vais décrire le personnage central de l’histoire en vous citant la quatrième de couverture : « Orphelin. Immigré. Ferrailleur. Milliardaire. Collabo. Résistant. Criminel pour certains, héros pour d’autres… Joseph Joanovici fut tout cela, et bien plus encore. » Comme la description le sous-entend, la trame se situe durant la Seconde Guerre Mondiale. En fait, le spectre chronologique est plus étendu. On débute quelques années avant et on est amené à découvrir les années qui suivent la fin de cette guerre.
D’ailleurs ce cinquième tome se déroule entièrement après la guerre. Le tome précédent se terminait quelques temps après le débarquement des alliés et leur arrivée à Paris. On voyait Joseph chercher à gérer au mieux son double jeu pendant la cette période pour retomber sur ses pieds une fois les allemands vaincus. Il semblait y être arrivé. Mais dans cet opus, sa chute s’amorce. Une mère vient porter plainte concernant l’assassinat de son fils. Il était accusé de collaborer avec l’ennemi et d’avoir cafeté une planque de résistants aux allemands. Il avait été abattu en représailles par des résistants. Mais cette mère refuse de croire que son fils soit coupable et cherche à découvrir la vérité. Un juge de Melun décide de rétablir la vérité. Mais tous les cadavres ne sont pas bons à ressortir surtout quand ils sont dans les placards de Joseph…
Cet album se démarque des précédents car il nous immerge dans une France libre. L’occupant est parti. La France nettoie ses plaies et essaie d’aller de l’avant tout en ne regardant pas trop le passé. On est dans une phase de reconstruction qui arrange finalement tout le monde. Les résistants sont les héros et les collaborateurs bien contents qu’on ne s’intéresse pas trop à eux. Quant à ce qui n’étaient ni l’un ni l’autre, ils ne sont pas mécontents qu’on ne leur parle pas trop de cette époque. Je trouve que l’atmosphère qui accompagne cette époque est bien décrite à travers cette histoire. On ressent bien tous les malaises qui persistent de cette période dure et peu glorieuse de la France. Tout le monde cherche à repartir de l’avant. Mais il n’est pas simple d’oublier. Cet aspect de l’Histoire est vraiment intéressant. La fin de la guerre, ce n’est pas qu’une date qui marque un dénouement, qui fixe un avant et un après. Cette date marque davantage le début d’une longue période de transition qui n’est la même pour chacun en fonction de son vécu et de son statut.
Les tomes précédents nous présentaient les manipulations de Joseph dans le but essentiel de survivre et de protéger sa famille. En effet, son statut social et matériel avait pour conséquence que sa judaïté n’était pas un problème dans cette France occupée. Dans cet opus, on assiste finalement à une enquête policière qui ressemble à la lutte de David contre Goliath. Cette pauvre femme qui a perdu son fils confie à un petit juge le devoir de s’attaquer à un des hommes les plus puissants de la France libérée. On assiste donc d’une part aux recherches du juge mais également aux manœuvres d’intimidation de grande ampleur mise en œuvre par Joseph. L’intrigue devient petit à petit un mano a mano entre les deux dont aucun ne semble amener à sortir indemne.
Dans cet album, Joseph possède peu de versants positifs. Dans les précédents, chacune de ses manipulations froides et pragmatiques à l’extrême pouvait être compensée par un acte humaniste. Ce n’est ici pas le cas. Il est prêt à tout pour se sauver. Il n’y a plus de limite. Il est arrivé aux limites de son fonctionnement et le château de cartes est amené à s’effondrer. Le dénouement apparaît irrémédiable. Quelque part, on lui reproche de ne pas s’avouer vaincu. Mais c’est contradictoire avec son caractère qui lui a permis d’arriver là où il en est aujourd’hui.
Les dessins sont toujours aussi bons. Le trait de Sylvain Vallée ne perd pas en qualité. L’atmosphère qui se dégage des pages est différente. Cela est évidemment du à l’évolution de l’intrigue mais les illustrations de l’auteur accompagnent cette mutation. Le style de Vallée rend la lecture agréable et fait qu’on s’immerge très rapidement dans l’histoire. On prend vraiment plaisir à retrouver ces personnages. Se plonger dans cet album est un vrai moment de bonheur et pour cela j’en remercie également son dessinateur.
En conclusion, « Le petit juge de Melun » est dans la lignée des précédents. « Il était une fois en France » est une série remarquable comme il en existe peu. J’ai hâte de découvrir le sixième tome. Même si celui-ci marquera la fin des aventures de Joseph Joanovici qui par son parcours décrit parfaitement le non manichéisme qui accompagnait cette période de l’Histoire de France qu’il apparait ainsi dangereuse de simplifier à l’extrême. Il ne me reste donc plus qu’à vous inciter à plonger dans cet album et d’attendre après avec impatience l’apparition du prochain…
par Eric the Tiger
Note : 19/20