Ce concept car présenté en janvier 2008 au salon de l'automobile à New Delhi en Inde par le constructeur Tata affichait une proposition de valeur imbattable pour les Indiens : "conduire, c'est tout...mais conduire" (une voiture low-cost, sans airbag, sans climatisation, avec le minimum de confort et pour un prix annoncé à moins de 2000€).
L'initiative de la Nano a été saluée par de nombreux prix et elle avait tout pour séduire comme le rappelle la vidéo lancée pour la promotion du livre Nanovation ou "comment une petite voiture peut nous apprendre à imaginer l'impossible", sorti en septembre 2011 :
Pourtant, "la voiture du peuple indien" est restée un échec en Inde jusqu'à la fin de l'été 2011 : sur environ 200 000 ventes prévues au démarrage, un tiers uniquement roulerait pour l'instant (cf Bloomberg).
Après l'euphorie, les erreurs de lancement se sont accumulées :
- Une voiture pour le peuple...au détriment du peuple et de l'écosystème avec l'expropriation des paysans pour construire l'usine de fabrication.
- Un prix plus élevé que 2000€ (hausse des matières premières, relocalisation d'usine...), donc plus cher que le scooter généralement utilisé par les familles indiennes; les familles un peu plus aisées n'avaient de leur côté aucune envie d'avoir un style de vie associé à "la voiture du peuple"= "voiture du pauvre".
- Une image de voiture "sûre" écornée avec des cas de combustions subites (été 2011 notamment) et pas si spacieuse que ça (son coffre est de 100 litres, soit un tiers de moins que celui d'une Citroën C1).
- Ecologique la Nano ? Les réponses varient selon l'expertise. Les modèles revus depuis la Rentrée 2011 ont en tout cas été rééquipés pour améliorer la performance et le rendement énergétique (!). Si l'on imagine le volume potentiel d'indiens au volant, même avec de nouveaux moteurs hybrides, est-ce la bonne réponse ?
La question que l'on peut se poser : quel aurait été le coût d'une Citroën C1 ou d'une Toyota Yaris fabriquée en Inde pour l'Inde ? D'un point de vue innovation, on peut retenir différentes "leçons" :
- ce que le livre Nanovation veut nous faire passer comme message : un formidable défi créatif, technologique et humain.
- que les analyses/critiques sont restées longtemps "timorées" car tout le monde voulait croire à cette belle histoire.
- qu'une belle idée n'est pas toujours une "bonne" innovation mais qu'une belle idée peut rebondir.
- qu'il est urgent de lire le livre d'Esther Duflo (responsable de la Chaire Savoirs contre Pauvreté au Collège de France) "Repenser la pauvreté" dont je vous invite à revoir l'intervention dans "Ce Soir ou jamais" de la semaine dernière ou son interview sur France Culture. Où l'on découvrira que les "pauvres" ont aussi des envies, des attentes et des rêves !
- que l'innovation commence avec l'observation mais nécessite une vraie compréhension des attentes clients (les déterminants cognitifs et non cognitifs).