Prémonitions ou folie ?

Par Borokoff

A propos de Take Shelter de Jeff Nichols 4 out of 5 stars

Michael Shannon

Dans les grands espaces de l’Ohio, Curtis, un ouvrier, est très amoureux de sa femme Samantha et partage ses week-ends entre elle et leur fille Hannah, atteinte de surdité. Mais Curtis commence à faire des cauchemars de plus en violents et oppressants dont le thème récurrent est une tornade qui mettrait fin au monde. Plus inquiétant, le jour, Curtis est victime d’hallucinations et d’illusions dans lesquelles il entrevoit les signes d’une catastrophe naturelle imminente et fatale pour l’Humanité. Délire ou prémonition funeste ? Son entourage pencherait plutôt pour la première option, d’autant que Curtis s’est mis en tête de construire un refuge ruineux pour mettre à l’abri sa famille le jour où la Terre implosera…

Un peu comme dans Shutter Island, Take Shelter repose sur une ambiguïté et un mystère fondamentaux. Curtis est-il psychotique, atteint de délires paranoïaques ou bien un prophète génial ?

Samantha (Jessica Chastain) refuse de croire que son mari est devenu fou alors que les signes pencheraient plutôt contre elle, la mère de Curtis ayant été internée lorsqu’il était enfant pour schizophrénie paranoïde.

Jessica Chastain

Curtis est joué par un acteur relativement méconnu (Michael Shannon, qui ne devrait pas le rester) qui incarne à merveille l’ambivalence d’un Américain de classe moyenne à la fois tourmenté et inquiétant. Shannon porte le film de bout en bout. Souvent filmé en gros plans, son visage révèle tantôt les stigmates de la folie tantôt ceux d’une angoisse dont on se demande si elle n’augure pas du chaos. On pencherait alors du côté d’une fin du Monde à la Melancholia, la mélancolie justement mais surtout les gros effets de mise en scène en moins.

Car la réussite de Take Shelter (littéralement prendre refuge) tient autant au jeu de ses acteurs principaux qu’au pouvoir d’évocation des compositions de David Wingo et au talent de son jeune metteur en scène (et scénariste) Jeff Nichols, 32 ans, dont c’est le second long métrage. Sa mise en scène, dépouillée, sobre met d’abord l’accent sur le jeu des acteurs, confirmant tout le bien que l’on pensait de Jessica Chastain. En épouse aimante et prête à tous les sacrifices pour sauver son mari de l’aliénation, Chastain livre une prestation bouleversante. Les seconds rôles ne sont pas en reste, notamment Shea Whigham, l’ami de Curtis, dont l’empathie n’a d’égale que son impuissance à aider Curtis.

Bien sûr, on ne délivrera rien de l’énigme et d’un suspense maintenu avec maestria jusqu’au bout. Nichols est vraiment un cinéaste à suivre tant on frôle le chef d’œuvre ici. Loin, très loin des blockbusters américains et des films de Roland Emmerich…

www.youtube.com/watch?v=9q4a2ZrbNfU

Film américain de Jeff Nichols, avec Michael Shannon, Jessica Chastain, Tova Stewart, Shea Wigham (02 heures).

Scénario : 3.5 out of 5 stars

Mise en scène : 4 out of 5 stars

Acteurs : 4.5 out of 5 stars

Dialogues : 4 out of 5 stars