Twitter s’est beaucoup agité ces derniers jours. Pas de doute, la campagne présidentielle opposant le Camp Du Bien au Camp Du Mieux a débuté avec tout ce qu’elle peut compter de coups violents en dessous de la ceinture. Il était temps ! On a frôlé de justesse le débat d’idée.
Et c’est donc un concert cacophonique d’hypocrisie et de mépris que nous offrent nos frétillants politiciens des deux bords. Dans une belle égalité de forme et d’absence de fond, les camps se renvoient la balle de la médiocrité en pleine figure, éclaboussant ce qui restait d’intérêt à cette morne campagne dans laquelle la mollesse atone du candidat officiellement socialiste se disputait à l’effervescence inopérante du candidat honteusement socialiste.
En début de semaine dernière, c’est donc Hollande qui a ouvert le bal avec une petite phrase dégoisée plus ou moins en aparté d’un discours que même d’indécrottables socialistes ont trouvé particulièrement saboté (pour avoir vu quelques extraits de la « performance » du François, je dois avouer qu’ils n’ont pas tort : réalisation catastrophique, élocution pâteuse qui sent bon les 2g/l, posture et contenu sans intérêt… C’est un gros bide).
S’imaginant à la place de Sarkozy, Hollande aurait donc proféré la phrase suivante, en forme de mea culpa :
« Je suis en échec depuis cinq ans. Je suis un sale mec. »
En apprenant une telle chose, l’UMP est entré en combustion spontanée, ce qui ne lui était plus arrivé depuis quelques années. Tout twitter s’est emparé de la petite phrase du capitaine de pédalo, pour en disséquer les moindres nuances, et analyser avec fébrilité les réponses calibrées des adversaires politiques. Tout ce que la presse française et le tout Paris compte de chroniqueurs amoureusement adossés à la cause des socialistes de droite s’est donc donné le mot pour fustiger avec véhémence la méchante saillie du candidat, le gros vilain.
Dans le même temps, certains, chafouins et/ou mal intentionnés, auront noté l’ambiguïté délicieuse de ce même Hollande lorsqu’il y a seulement quelques mois, il déclarait vouloir en finir avec la HADOPI (et puis non et puis je ne sais pas et puis zut à la fin laissez moi), alors que, cette semaine, en parallèle à son opération de blitzkrieg communicationnelle — plus ou moins involontaire — il n’a pas hésité à faire nommer son propre conseiller anti-HADOPI au sein même de l’institution en question.
Oui, vous avez bien lu et nous avons ici encore la cristallisation chimiquement pure de cette parfaite et totale hypocrisie dont font preuve nos politiciens pour qui l’adage « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis » se transforme soudainement en « Il n’y a que les imbéciles qui ont un avis », les leurs n’étant plus qu’une impression fugace aussitôt oubliée. On peut en effet se demander pourquoi Hollande, qui expliquait pourtant que HADOPI devait être supprimée, n’a pas saisi le petit vide juridique du 24 décembre pour en finir une bonne fois pour toute avec cette honte numérique lamentable.
…
On pourrait croire que la droite ne parviendrait pas à rattraper une gauche ici dépeinte en détail dans ses plus glauques habitudes. Ce serait oublier l’extraordinaire capacité de nos dirigeants à toujours relever le défi lorsqu’il s’agit de se tortiller dans la fange. Que voulez-vous, le combat dans la boue excite les pourceaux qui éclaboussent le bon peuple chargé de les nourrir, sans comprendre qu’à force, il cédera à la facilité de les passer par le fil de l’épée pour nettoyer un peu le lisier.
En attendant, la droite nous a donc offert une réplique équivalente en mépris et en hypocrisie à ce que la gauche venait de produire avec brio.
On passera rapidement sur la façon dont le président Sarkozy, toujours pas officiellement candidat, s’est magistralement planté dans l’affaire Seafrance en adoubant de ses conseils la mafia syndicale locale et son projet frauduleux de SCOP, dans le plus parfait mépris des salariés qui, eux, ne font absolument pas confiance aux aigrefins syndiqués.
On pourra aussi commenter rapidement la consternante récupération d’un symbole chrétien, Jeanne d’Arc, par un président complètement à l’ouest politiquement. L’appel du pied à l’électorat frontiste est tellement grossier qu’on se demande si, pris d’une envie mortifère d’en finir une fois pour toute avec cette mascarade présidentielle ridicule, Nicolas Sarkozy n’a pas eu envie de saboter sa propre candidature en dressant ouvertement les électeurs du Front National contre sa personne par des manœuvres aussi épaisses.
En effet, outre l’effarouchement devant une telle opération de tous les journalistes et chroniqueurs approximativement à gauche, il n’y a aucune chance que les électeurs habituels de Marine Le Pen trouvent dans les vibrantes platitudes balancées par Sarkozy au pied de la statue de Jeanne d’Arc une raison suffisante pour abandonner leur candidate.
Mais le pompon à tout cet échange d’amabilités entre une droite dépenaillée et une gauche en pleine déroute est l’attribution à Jean-François Copé de la petite phrase suivante, alors qu’il évoque le délicat sujet du cumul des mandats, dans le livre « L’Oligarchie des incapables » , des journalistes Sophie Coignard et Romain Gubert :
« Tu comprends, si on n’a ici que des gens qui se contentent de 5000 euros par mois, on n’aura que des minables. »
Evidemment, le brave Jean-François s’est vivement défendu d’avoir eu une parole aussi malheureuse.
Et c’est vrai qu’une telle sortie, comme ça, cash, brut de décoffrage, sans vernis, sans diplomatie, c’est tellement énorme, c’est tellement insultant, tellement idiot … qu’on imagine parfaitement le secrétaire général de l’UMP la balancer sans vergogne, tant il est maintenant inscrit cette désinvolture méprisante dans les gènes des politiciens de cette 5ème République déliquescente à l’égard du petit peuple.
Et encore, petit, je suis un peu idéaliste tant la fameuse somme de 5000€ par mois est, à en croire les statistiques, assez élevée pour le standard français. J’en veux pour preuve le site de l’Observatoire des Inégalités, qui nous permet de voir ce que représente un salaire de 5000€ par mois par rapport au reste des autres Français :
Cela fait beaucoup de minables.
Comme on s’en rend compte, la droite et la gauche, au moins, rendent coups pour coups. C’est bas, c’est petit, c’est ridicule, c’est sans intérêt.
Mais l’avantage d’une telle bataille de petits suisses et de son niveau abyssal est qu’elle occupe fort les esprits qui, au moins, ne sont plus à regarder les cours des CDS, des taux des dettes souveraines, le montant (pourtant record) de prêts parqués à la BCE par les banques, les difficultés prégnantes des entreprises publiques à trouver des fonds, la nationalisation discrète de Dexia pour « soulager » des collectivités territoriales engluées dans des milliards d’emprunts toxiques.
Tout va bien. Ce pays est foutu.
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