Notre amie la blogueuse marrokia a soulevé il y a quelques jours le problème du harcèlement sexuel dans notre pays en lançant une espèce d’appel à témoins. C’est innovant de la part d’un(e) blogueur(se) et surtout courageux car les réactions peuvent être tout à fait inattendues.
Tout récemment, la blogueuse écrivain Leila Lalami a consacré un billet à ce sujet.
Il faut aussi signaler que le problème avait déjà été soulevé par le blogueur Réda Chraibi dans un de ses posts datant de bientôt deux ans.
De leur coté, les médias traditionnels, presse écrite, radios et télévision (dernièrement Médi1TV) ne manquent pas l’occasion de soulever le problème posé par ce fléau social, dont l’éradication nécessite la mise en place d’un cadre juridique et légal adéquat.
Cela signifie que le phénomène du harcèlement sexuel est bien réel, qu’il préoccupe les marocains et essentiellement les marocaines et qu’il est impératif de le dénoncer haut et fort, chacun à sa manière!
Tout d’abord que doit-on entendre par harcèlement sexuel?
Le harcèlement sexuel peut se concrétiser de différentes manières, plus ou moins insidieuses, plus ou moins directes. Il peut se résumer dans cette formule “une parole ou un geste à caractère sexuel commis par un individu sans le consentement de la personne visée.”
Le harcèlement sexuel peut sévir partout:
- sur les lieux de travail.
- dans les établissements d’enseignement, d’apprentissage ou d’entrainement;
- dans les transports publics, dans les files d’attente.
- dans la rue tout simplement.
Comment se manifeste le harcèlement sexuel ? Cela peut prendre les formes les plus diverses, allant de pratiques qui sont considérées comme normales sinon plutôt flatteuses dans quelques pays comme le nôtre en passant par des habitudes détestables ou désobligeantes pour arriver à des gestes ou des comportements non équivoques et parfois passibles de sanctions pénales;
- se faire dévisager, siffler et interpeler;
- adresser des remarques grossières, des plaisanteries sexuelles offensantes
- faire des remarques sur le physique de quelqu’un, dans la plus part des cas d’une femme.
- poser des gestes suggestifs ou vulgaires.
- commettre des attouchements inappropriés.
- attendre de manière ostentatoire et sans son accord quelqu’un devant la maison, à l’école ou au travail.
- suivre quelqu’un sur le chemin de son domicile, de l’école ou du bureau.
- envoyer des appels, des textos, des lettres ou des courriels importuns.
- commettre des outrages à la pudeur ou des agressions sexuelles, acculer quelqu’un dans un coin de rue.
Les conséquences du harcèlement sexuel peuvent plus ou moins dommageables pour la victime et ce selon la gravité et la fréquence des actes d’agression commis:
- être des simples incommodités psychologiques, comme des blessures de l’amour-propre de la victime.
- avoir des répercussions sur son travail ou son rendement scolaire.
- provoquer des réactions psychologiques graves.
- faire craindre pour sa sécurité personnelle ou même son intégrité physique.
Qu’en est-il du harcèlement sexuel dans notre pays?
Il ne semble pas exister de statistiques fiables sur l’importance de ce phénomène et ceci s’explique aisément par le silence forcé des personnes qui subissent ce genre de pression ou de quasi-violence.
La peur du supérieur hiérarchique, la crainte de perdre son emploi, la simple honte de se trouver au centre d’un scandale dont beaucoup leur fera portée la responsabilité, la méconnaissance de leur droit, le machisme ambiant qui caractérise notre société, tous ces éléments contribuent à la méconnaissance de l’importance de cette situation.
Le nombre élevé de femmes qui travaillent dans des conditions en marge de la loi donc sans aucune protection juridique (femmes de ménage, ouvrières non déclarées, entre autres), le nombre de jeunes filles livrées à des des enseignants indélicats, le nombre de femmes exposées dans les rues et endroits publics, sans aucune protection légale, à la lubricité des hommes et à la salacité de leurs remarques, peuvent nous donner une idée de l’ampleur de ce phénomène.
Pourtant le code du travail de 2004, dans son article 40, considère le harcèlement sexuel comme “faute grave commise par l’employeur, le chef de l’entreprise ou de l’établissement à l’encontre du salarié”. Le législateur n’a cependant pas assorti cette “faute grave” d’une sanction pénale ; elle permet juste, lorsque elle est établie, de considérer comme licenciement abusif le fait pour le salarié de quitter son travail en raison de ce comportement de son employeur.
En fait, il s’agit là d’une pirouette juridique qui n’a absolument aucune incidence pratique dans les relations de travail tant que le harcèlement sexuel n’est pas défini de façon précise et sa ”crimininalisation” n’est pas prévue et sanctionnée.
Par ailleurs, le harcèlement sexuel ailleurs que dans les relations du travail n’est pas retenu par le législateur marocain, malgré une action très forte des associations féminines dans ce sens.
Dans certains pays, le harcèlement sexuel présumé peut provoquer, avant son établissement et sa sanction pénale, la mort politique de l’accusé quand il s’agit d’hommes publics, comme aux U.S.A. (cas d’un candidat républicain Herman Cain éliminé des actuelles primaires ). Même le sémillant et ultramédiatisé patron du site Wikileaks, Julian ASANGE, n’a pas “survécu” à des accusations de harcèlement sexuel.
Bien sûr, ce n’est pas demain que au Maroc la lutte contre le harcèlement sexuel aura le même impact qu’elle a a sur la vie sociale, mais il est grand temps que nous nous dressions tous contre cette pratique dégradante et humiliante pour la femme!