Le 15 décembre, l’UMP a présenté son projet pour 2012 qui sera adopté fin janvier. Ce texte, catalogue sans cohérence ni
hiérarchie, additionne les exigences de chaque chapelle qui compose le parti sarkozyste – Droite libérale, Droite humaniste, Droite sociale, Droite populaire. C'est une gestion hasardeuse
des égos de la droite plus qu'une vision ambitieuse de l’avenir de la France.
Dans son contenu, la copie de l’UMP est signée des 4 « i » du quinquennat Sarkozy : irresponsabilité, incohérence,
injustice, inefficacité.
I – Un projet irresponsable qui oublie l’emploi, le chômage, l'urgence de réguler la finance et qui ne propose aucun
chiffrage
Ce projet brille avant tout par ses silences et ses oublis :
- Rien sur les injustices fiscales. Rien sur le fossé qui sépare ceux à qui sont imposés tous les sacrifices et les
privilégiés qui bénéficient des largesses du pouvoir actuel – baisse du taux marginal d’IR, suppression de l’ISF pour 300 000 familles fortunées, suppression des droits sur les grosses
successions, suppression de la taxe exceptionnelle pour les nuitées dans les hôtels de luxe. Rien non plus sur l’écart scandaleux entre l’imposition des PME et celle des grands
groupes, alors même que la droite prétend défendre les intérêts des entrepreneurs de PME.
- Rien sur la lutte contre le chômage. Alors que la 4,2 millions de personnes sont inscrites à Pôle Emploi
(A,B,C) – soit un million de chômeurs de plus qu’en mai 2007 –, la droite ne propose rien de concret pour l’emploi. L’accès des jeunes et des seniors au marché du travail ne fait
l’objet d’aucune proposition spécifique.
- Rien sur la régulation de la finance. Les origines de la crise de 2008 sont oubliées. Face au déchainement et aux dégâts de
l'économie-casino, la droite formule un voeu timide : "que nos banques financent notre économie". Rien sur les super-rémunérations des dirigeants, rien sur les
retraites-chapeaux, rien sur les stock-options, rien sur les bonus des traders. Sous le regard de l’agent Sarkozy, les marchés peuvent dormir
tranquilles.
- Rien sur le chiffrage. Le parti présidentiel affirme fièrement que son projet ne coûte rien et qu’il
permettra de revenir à l’équilibre budgétaire en 2016. Sauf qu’en faisant l’addition de ses promesses, il identifie lui-même 30 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur 5
ans, qu’il promet de compenser. Or, les pistes d’économies évoquées sont dérisoires. La baisse des allègements de cotisations liées aux 35 heures n’est pas détaillée,
pas plus que ses conséquences sur l’emploi et la croissance : en 2009, M. Wauquiez avait estimé qu’une telle suppression détruirait 800 000 emplois ! Le gain de la fusion entre la PPE et
la RSA n’est pas chiffré, les recettes engrangées par la lutte contre la fraude fiscale et la "fraude sociale". Autre source d’économies évoquée, la dégressivité
des indemnités chômage "dès que le chômage aura baissé" butte sur deux obstacles : elle est conditionnée par la reprise de l’emploi (impossible avec la politique menée par la droite) et
par l’accord des partenaires sociaux (tous à l’exception du Medef sont opposés à cette mesure injuste et inefficace). Cette arithmétique fragile n’arrive pas à cacher une autre réalité : même si
l’UMP parvenait à compenser les 30 milliards de dépenses qu’elle propose, pas un euro supplémentaire n’irait à la réduction des déficits que la droite s’engage pourtant à
éradiquer d'ici 2016.
II - Un projet incohérent, qui cherche effacer le bilan calamiteux du Président sortant
Le bilan de M. Sarkozy est si accablant calamiteux que son parti a préféré biffer son nom ! Il n’apparaît
qu’une fois en 24 pages, et encore est-il adossé à celui de la chancelière allemande ! Visiblement, certains à l’UMP pensent qu’il vaudrait mieux pour eux tourner la page du sarkozysme,
dont personne n’ose assumer le passif.
Pourtant ce bilan est bien là et il rend peut crédibles les promesses de l’UMP :
- La droite prétend que "l’effort éducatif sera [sa] priorité" pour 2012-2017. Dommage qu’entre 2007 et
2012, l’école ait été la première cible de la démolition UMP : 70 000 postes supprimés en cinq ans, un taux d’échec lourd (sorties sans diplôme) d’environ 20 % d’une génération, des inégalités
sociales et territoriales qui s'aggravent, une formation des enseignants démantelée. De même, la majorité sortante affirme dans son projet vouloir allonger la journée des élèves pour mieux tenir
compte de leurs rythmes alors qu’elle a ellemême mis en place une semaine de 4 jours unique au monde.
- La droite promet de "sortir" des 35 heures car "nous travaillons moins que dans les autres pays européens
et développés". Ce mensonge se double d’une hypocrisie. D’une part, la durée de travail hebdomadaire moyenne est équivalente des deux côtés du Rhin : 38 heures en France contre 35,7 heures en
Allemagne. D’autre part, l’UMP n’a même pas le courage de son ambition, préférant "l’incitation à ouvrir des négociations sur le temps de travail" à la remise au cause claire et nette de la durée légale du travail de 35 heures. Le régime d’exonération de cotisations sociales sur les
heures supplémentaires sera maintenu alors que l’expérience a prouvé qu’il plombe les comptes publics sans aucun effet sur l’emploi.
- En Europe, l’UMP semble découvrir la crise ! Elle prône "la fin de la libéralisation et de la concurrence
comme dogme" et défend le principe de "réciprocité dans les relations commerciales se traduis[ant] par la mise en place de taxes réciprocité aux frontières de l’Europe". Si elle croit à ce
qu’elle écrit, l’UMP est donc opposée aux pactes de « compétitivité » et pour « l’euro plus » proposés par le duo
Sarkozy-Merkel en 2011. Inscription obligatoire de pseudo-règles d'or dans les Constitutions des pays membres, désindexation des salaires sur les prix, retraite à 67 ans, harmonisation de l’impôt
sur les société vers le moins-disant : tout, dans les projets de la droite franco-allemande, respire le totem de la concurrence « libre et non faussée » hier défendue, aujourd’hui honnie par
l'UMP.
Quant à la réciprocité commerciale, les socialistes la défendaient déjà en 2007, tandis que Sarkozy jugeait le 27 février
2011 que "la question des barrières douanières n’a aucun sens". Sans doute l'UMP n'a-t-elle pas pris soin d'informer son candidat de son programme...
III - Un projet injuste qui fera plus que jamais payer la facture de la crise aux Français
- La mesure phare du programme de la droite, c’est la hausse de la TVA. Baptisée "TVA
sociale" en 2007, recyclée en "fiscalité anti-délocalisation" pour 2012 : en réalité, c’est la TVA Sarkozy. En février 2011, M. Copé prenait moins de précautions
sémantiques lorsqu’il affirmait qu'il faudrait "baisser les cotisations sociales, qui ne sont payées que par quelques uns, et faire un transfert sur la TVA, qui est payée par tout le monde".
Favoriser les plus riches et taxer les pauvres, c’est le projet UMP. En juin 2010, M. Juppé se donnait pour objectif de "faire aimer la TVA aux Français". Pas sûr qu'après la hausse du taux
réduit de TVA décidée par le Gouvernement en novembre dernier, nos concitoyens "aiment" et acceptent une augmentation générale des prix de 3 ou 4 points. Le pouvoir d’achat des salariés et des
retraités sera amputé. La consommation chutera et l’activité des entreprises avec. Le chômage augmentera et les déficits avec. Quant au différentiel de compétitivité avec les pays à bas coûts –
l’écart salarial est de 1 à 30 entre la France et la Chine –, il ne sera évidemment pas comblé.
- Muette sur l'emploi (alors que 750 000 emplois industriels ont disparu depuis dix ans), sur les conditions de travail qui
se détériorent, sur les salaires et notamment celui des femmes qui se comprime, l'UMP est intarissable quand il s'agit de stigmatiser les demandeurs d’emploi. Jusqu'à présent, M.
Sarkozy expliquait que le chômage était dû à la crise ; désormais c'est la crise qui est la faute des chômeurs ! Pour la droite, la principale injustice n'est pas l'écart qui se creuse entre les plus modestes et les plus fortunés, mais le fait que les plus modestes, tombés dans la précarité à cause d'un
Gouvernement incapable de relancer l'emploi, puissent toucher à deux autant qu'un travailleur au Smic ! Pour l'UMP, la solution au chômage, c'est la fin de "l'assistanat", pour nous c'est
l'emploi.
- Sur la santé, l'UMP veut créer une "démocratie sanitaire" et promouvoir le "juste soin" pour "renforcer
l’accessibilité géographique et financière des soins". Après ces formules alambiquées, suivent quelques lignes sans propositions sauf... le développement de la télémédecine.
Contre les déserts médicaux, l'UMP propose le recours à la webcam... Les inégalités entre les habitants des centres-villes qui ont les moyens d'accéder à la médecine libérale et les autres sont
totalement assumées. Les graves difficultés de l’hôpital public et de ses personnels sont largement ignorées. Que les Français se rassurent, en guise de politique de santé publique, la droite
leur fournira une nouvelle Carte Vitale biométrique…
- Sur l'immigration, les slogans électoralistes de l'UMP peinent à cacher son bilan calamiteux, malgré sept
lois sur l'immigration et l'asile depuis 2002. En proposant de "restreindre les conditions du regroupement familial", alors que les règles françaises sont parmi les plus restrictives, la droite
continue de vouloir rogner ce droit fondamental, protégé par la Constitution, qu’est le droit à vivre en famille.
L’accès à la nationalité fait l’objet d’injonctions contradictoires : d’un côté, l'UMP en fait une condition de l’intégration notamment pour le droit de vote, de l’autre côté, elle multiplie les
conditions pour y accéder. Après les droits fondamentaux (droit d’asile), c’est au tour du droit à la santé d’être visé avec le "recentrage de l’aide médicale d’Etat" (AME) – cheval de bataille
des Le Pen père et fille
– sur les "situations d’urgence sanitaire" et les "risques épidémiques" : en clair, la droite explique qu'on ne devrait
soigner les étrangers que pour ne pas être nous-mêmes infecté par eux. C’est l’un des résultats du sarkozysme : le Président élu en 2007 voulait U-M-P-iser le FN, il a front-nationalisé l’UMP.
IV - Un projet inefficace qui propose encore plus de sarkozysme, donc encore plus de crise.
- Mesure choc du programme UMP, la réduction de 10 milliards d’euros pour les collectivités territoriales au
nom des "économies de dépenses" aura des conséquences graves sur les services publics du quotidien et sur la préparation de l'avenir. La droite dit que les collectivités, majoritairement dirigées
par la gauche, dépensent trop et qu'elles sont mal gérées. En réalité, elles ont l'obligation de voter leur budget de
fonctionnement en équilibre et le poids de la dette de toutes les communes, départements et régions de France représente moins de 10 % de celle de l'Etat. Incapables de rétablir les finances
publiques, Sarkozy et ses amis veulent faire les poches des collectivités, déjà très fragilisées par la suppression non compensée de la taxe professionnelle et la régression territoriale de 2010.
En mettant au pas les collectivités qui assurent 70 % des investissements publics dans notre
pays, l'UMP ajoute de la crise à la crise et de la récession à la récession.
- Le programme de l'UMP prévoit 20 milliards d’euros pour l'éducation sur la durée du quinquennat, soit 4
milliards par an : c'est huit fois le coût de la création de 12 000 postes par an proposée par F. Hollande que la droite n’a cessé de fustiger ! On aimerait se réjouir d’apprendre, par exemple,
que désormais les classes ne fermeront plus, que la scolarisation des enfants de deux ans sera encouragée, que les RASED ne seront plus détruits etc. Rien de tout cela n'est envisagé par la
droite, et la règle aveugle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux est maintenue. Pour le reste, l'UMP suggère d’interdire à tout élève d’entrer au collège sans
savoir lire, écrire ou encore compter. La droite envisage-t-elle sérieusement de faire redoubler 40 % des élèves de CM2, c'est-à-dire le nombre de ceux qui ont des lacunes sérieuses ? En réalité, les propositions sur l’apprentissage à 14 ans et sur la réorganisation
du collège en témoignent, il s’agit de préparer les esprits à la mise en place d'une scolarité à deux vitesses, fondée sur une sélection précoce. De même, "l’autonomie"
promue par la droite n’est rien d’autre que la mise en oeuvre d’un grand marché scolaire inégalitaire. Ce que préconise l’UMP sans le dire, c’est la substitution d’un modèle anglosaxon
au modèle républicain.
- En matière de logement, M. Sarkozy promettait en 2007 une "France de propriétaires", pour 2012, l'UMP
propose un projet pour les propriétaires. Sa seule proposition concrète pour favoriser l'accès au pacte locatif privé, baptisée « bail gagnant-gagnant », est en réalité un marché
de dupes : une promesse de loyers faibles contre la précarité du contrat de bail pour le locataire, qui pourrait être mis dehors beaucoup plus facilement. Décidément, UMP n’a jamais autant voulu
signifié « Un Maximum de Précarité ».
- Les propositions de la droite pour la justice illustrent l’échec de sa politique depuis 2002. L’UMP
applique le triptyque affichage-contradictions-inefficacité. Affichage et inefficacité quand est reprise la proposition de code pénal des mineurs déjà annoncée par le candidat
Sarkozy en 2007 alors que la justice des mineurs a été réformée sans cesse mais sans les moyens nécessaires. Affichage et contradictions quand l’UMP veut supprimer les aménagements de
peines automatiques, indispensables à la lutte contre la récidive, mises en place en 2004 et en 2009 par la loi pénitentiaire. Affichage quand l’UMP veut instaurer des travaux de
réparation dès l'âge de 12 ans, alors que les mesures de réparation existent déjà et que le travail imposé d'un mineur est illégal.
- Enfin, pour l'Europe, le programme du l'UMP est une compilation des propositions inefficaces des chefs des
droites franco-allemandes : pseudo-règles d'or pour les Etats et austérité généralisée pour les peuples. Rien sur les euro-obligations nécessaires pour mutualiser une partie des
dettes et financer les projets technologiques, industriels, d’infrastructures énergétiques, de santé ou de transports
pourtant indispensables ! Rien sur la réorientation des missions de la BCE pour casser la spéculation et reconquérir de la souveraineté face aux marchés et aux agences de notation ! Rien de
précis non plus sur la taxe sur les transactions financières !
Au total, derrière les promesses auxquelles personne ne peut croire puisqu’elles contredisent la politique menée depuis 2002,
l’objectif de l’UMP est clair : "continuer à défendre les ambitions [sic] du projet de 2007". Ce que la droite propose pour les 5 prochaines années, c’est la
même politique conduite par les mêmes responsables pour donner les mêmes résultats. En pire.