Fable de Jean de LA FONTAINE : Le Cerf malade

Publié le 09 janvier 2012 par Unpeudetao

En pays pleins de Cerfs un Cerf tomba malade.
   Incontinent maint camarade
Accourt à son grabat le voir, le secourir,
Le consoler du moins : multitude importune.
   Eh ! Messieurs, laissez-moi mourir.
   Permettez qu’en forme commune
La Parque m’expédie, et finissez vos pleurs.
   Point du tout : les Consolateurs
De ce triste devoir tout au long s’acquittèrent ;
   Quand il plut à Dieu s’en allèrent.
   Ce ne fut pas sans boire un coup,
C’est-à-dire sans prendre un droit de pâturage.
Tout se mit à brouter les bois du voisinage.
La pitance du Cerf en déchut de beaucoup ;
   Il ne trouva plus rien à frire.
   D’un mal il tomba dans un pire,
   Et se vit réduit à la fin
   A jeûner et mourir de faim.
   Il en coûte à qui vous réclame,
   Médecins du corps et de l’âme.
   O temps, ô moeurs ! J’ai beau crier,
   Tout le monde se fait payer.

Jean de LA FONTAINE (1621-1695).

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