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Ugly Duckling: interview

Publié le 08 janvier 2012 par Cloudsleeper

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Ugly Duckling:

The Trouble Album!

On croise nos trois mal appris par téléphone...  ils sont sur la route, en cavale quelque part dans une station service dans un quelconque far west anglais nous disent-ils. Le trio américain s'est toujours fendu d'un hip hop old school riche en breaks percutants et en textes autant que drôles que sensés, contestant souvent le mouvement de l’intérieur, ce qui lui a valu l’ire du gratin gangsta et… de tourner plusieurs fois autour du globe écumant les salles de concerts. L'objet de la rencontre? Des infos, une clé, un code, une carte, une planque qu'importe. Ce qu'on veut c'est qu'il nous parle de leur cinquième plaque, ‘Moving At Breakneck Speed’ et savoir si on aura droit à une concert surprise en Belgique.

Dizzy :  « Sur cet album, on voulait traduire toute l’atmosphère qu’on connaît lorsqu’on est sur la route. En tournée, on cavale comme des fous pour se rendre d’une salle de concert à l’autre, d’un coin à l’autre de la planète. Ca fonce dans tous les sens, et on ne s’arrête jamais ! On a retranscrit cela en une poursuite entre une bande de gangsters et nous qui sommes  chassé à travers toute la planète. En réalité ces méchants sont la personnification de cette lutte dans laquelle on est lorsqu’on bosse dans l’entertainment : tout peut très vite s’arrêter donc si on veut rester dans la course il faut foncer, aller partout où c’est possible et faire notre truc. »

Oui on a vraiment l’impression que c’est la somme de tout ce que vous pouvez rencontrer de positif et de négatif dans ce métier…

Dizzy : «  Absolument, on a toujours voulu faire un « trouble album ». Donc on s’est dit, faisons un truc qui serait une sorte de chasse où nous serions les gars traqués. Car c’est quand même pas facile de mener ta barque, surtout quand tu commences à prendre de l’âge, tu te dis, « est-ce que je vais continuer à être pertinent ? Est-ce que le public va continuer à s’intéresser à notre musique ? Est-ce qu’on ne devrait pas arrêter ? etc. » Du coup, tu as intérêt à être très très rapide et à garder la forme ! »

Alors c’est une grande victoire que vous avez avec ‘Moving At Breakneck Speed’… mais n’est-ce pas aller à contre courant que de continuer à proposer du hip hop old school ?

Dizzy : « C’est juste de la « sample music » avec des loops et des samples. Oui c’est un style de production à l’ancienne mais c’est comme ça qu’on a commencé et c’est ça le hip hop. Tout le reste n’est venu que s’ajouter, se greffer à cela. Mais on n’a pas l’impression de faire du old school ou du ceci ou cela. On fait juste du hip hop comme on souhaite le faire. Je comprends qu’il soit à présent différent des débuts, avec toute l’électronique et l’importance des producteurs mais cela ne nous intéresse pas. Je pense qu’ils font très bien ce qu’ils ont à faire mais nous, on est bon dans cette « sample music », c’est cela qui nous intéresse et on n’éprouve pas le besoin de changer. Tu sais, on a vu tellement de tendances dans le hip hop qui vont et qui viennent et nous, on a survécu, on est toujours là. Alors pourquoi devrait-on changer ? »

En effet, comment expliquer votre longévité, ce n’est pas si courant dans le milieu…

Dizzy : « Bon tout d’abord, on travaille pour presque pas cher, on est donc tout le temps booké pour des concerts, c’est comme ça qu’on survit (rire) ! Mais curieusement en Belgique, on n’a pas encore de concerts prévus, vous êtes trop riches ou quoi (rire) ? C’est aussi une question de chance et surtout on est bon ! Et ce qui fait aussi de nous un groupe unique c’est nos concerts : toute notre réputation vient de là je crois. »

Dans un de vos premiers titres, ‘A Little Samba’ on comprend bien le dialogue mi-enjoué, mi agressif que vous avez entre les deux MC’s. C’est un peu comme les dirty dozens que les Afro-américains pratiquaient pour se chambrer à l’époque de l’esclavage ?

Dizzy : « Oui et le plus drôle ce qu’on applique cela à ce que la culture hip hop est devenue dans certains de ses aspects les plus matérialistes genre, « ah, tu est si riche, t’as une grosse bagnole, tes gonzesses etc. » On joue avec cela et on en rigole car pour moi le hip hop à l’origine c’est une musique sur la réalité par opposition à tout ce que la musique disco et mainstream pouvait avoir de superficiel, le strass et les paillettes tout ça… Or cette musique qui est ancrée dans le réel a commencé à propager une fausse image d’elle-même. C’est souvent ce qui ressort de nos textes en fait et le mode du dialogue permet de ressortir cela de façon très vivante, avec humour et dérision. Le hip hop est une musique humoristique et très souvent le hip hop ne parle de rien d’autre que de hip hop. On parle de notre culture et de ce qu’on ressent par rapport à notre musique. Et quand il y a des menaces qui pèsent sur elle comme ce matérialisme effréné qui est en totale contradiction avec la réalité, on veut discuter, palabrer et se disputer là-dessus. C’est aussi une façon de marquer ton identité et de dire que tu n’as pas peur d’être honnête avec toi-même. On n’est pas plein aux as, on n’a pas de Lamborghini, on n’est pas des gangsters ni des voyous… en fait dans notre nouveau disque c’est plutôt eux qui nous traque (rire) mais on a toujours pris ce contre-pied ! Croire qu’on est un Scareface parce qu’on fait du hip hop n’est pas être authentique et honnête avec soi même selon moi. »

Pourtant c’est précisément cette image gangsta qui attire beaucoup de gens vers le hip hop…

Dizzy : « Oui, et je peux comprendre cela jusqu’à un certain point. Quand tu es un teenager ça fait du bien et c’est gratifiant d’être en rébellion, tu crois avoir un certain pouvoir en refusant le pouvoir de l’adulte. En plus c’est un fantasme puissant de pouvoir se dire : « Je fais ce que je veux. Je vends de la drogue, des femmes, j’ai plein de fric, des grosses bagnoles, je suis le plus puissant, je butte qui je veux… ». Mais une fois adulte, faut quand même se poser quelques questions hein, celle de son identité, de son intégrité. On ne peut rien faire par rapport à ce que les gens aiment ou n’aiment pas et tant qu’il y aura de la demande pour du gangsta rap, il y aura des fournisseurs. Mais tôt ou tard, les gens finissent par rechercher quelque chose de plus profond. En tout cas c’est ce qui est arrivé à moi et à pas mal d’autres… Quand j’ai écouté De La Soul ou A Tribe Called Quest pour la première fois cela m’a réellement libéré. J’espère qu’on arrive par notre musique à proposer quelque chose qui apporte un peu plus de conscience et de créativité. »

Justement, l’album présente des titres avec des samples redoutables…

Dizzy : « Oui on a travaillé avec des quantités invraisemblables de samples. C’est un processus très fastidieux : on a fait en sorte qu’il y ait plusieurs couchent des samples de sorte à offrir une plus grande profondeur à nos morceaux. On joue sait jouer des instruments de musique, on comprend les théories musicales etc, mais quand on a une idée en tête c’est parfois très difficile de trouver le sample qui marchera dans le puzzle. Ça a l’air tout simple comme cela mais c’est un sacré boulot ! On a été particulièrement attentif au processus de production et c’est du 100% sample ! On espère que les gens vont apprécier cela d’autant qu’on a beaucoup développé les mélodies et les harmonies également. On a bossé dur mais voilà, on adore faire ça ! »

Un album aussi remuant et rapide, ça doit bien donner sur scène, comment se passe la tournée que vous avez commencée ?

Dizzy : « Ca se passe très bien, le public est très réceptif, d’autant en effet qu’on joue vite, ce qui est un peu inhabituel dans le hip hop en général qui reste souvent calé dans le même tempo. Sur un disque ça peut marcher mais en live, c’est parfois gonflant. C’est une de nos marques de fabrique en live. En cela on sacrifie un peu au hip hop traditionnel mais cela paie quand on est sur scène car cela nous permet de faire des choses que les autres groupes de hip hop ne peuvent pas faire. Dis aux promoteurs belges qu’on travaille pour pas cher ! »

Ugly Duckling

‘Moving At Breakneck Speed’

Special Records/Bertus

Ugly Duckling ça a toujours été la gouaille rap old school avec trois espèce de clowns qui vous racontent les excès du matérialisme et de la hype hip hop, en ayant le bon goût de se mettre dedans, pratiquant l’art de l’autodérision depuis cinq album déjà… ce qui n’est pas courant dans le milieu (cf. ‘A Little Samba’ sur ‘Journey To Anywhere’). Mais ce trio n’est pas qu’une bande de joyeux drilles craquant quelques bonnes blagues track après track. C’est aussi un excellent DJ, Young Eisntein, au son old school certes, mais diablement bigarré, funky et même explosif. C’est ce qui caractérise ‘Moving At Breakneck Speed’ : un album très dynamique aux arrangements qui évoluent constamment. Faut dire que le trio a le feu aux fesses : poursuivi par un gang diabolique de criminels cherchant à éliminer le UD, nos héros désespérés courent à travers la planète pour leur échapper… et donner d’excellents concerts ! En effet, ce groupe a beaucoup voyagé et cherche à capturer cette fois-ci l’esprit troubadour d’un groupe de hip hop constamment en mouvement. Album au funk trépidant, on saute d’un titre à l’autre à toute vitesse, échappant chaque fois à un scratch près à leurs assaillants qui sont devenus les nôtres et on termine l’album à bout de souffle ! (jd)


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