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Philippe Douste-Blazy : "Pourquoi je rejoins aujourd'hui François Bayrou"
LEMONDE.FR | 08.01.12 | 11h55 • Mis à jour le 08.01.12 | 11h57
Voilà dix ans, je contribuais avec d'autres à la création de l'Union en mouvement au congrès de Toulouse, devenue l'UMP. Voilà cinq ans que je regarde ce mouvement grandir en prenant des
orientations qui ne me conviennent pas. Voilà deux ans que je m'interroge sur ma place à l'UMP face au tournant droitier désormais assumé par l'état-major du mouvement.
L'UMP est-il encore un grand parti de centre droit, humaniste et libéral ? C'est parce que telle n'est plus ma conviction qu'il est temps pour moi de rompre le silence, de rappeler les valeurs
qui sont les miennes et d'appeler à une union nationale autour de François Bayrou, candidat à l'élection présidentielle.
Compagnon de route de François Bayrou, avant de prendre un autre chemin, je sais que cette prise de position surprendra. C'est pourquoi je tiens à rappeler ce qu'était l'UMP et ce qu'elle est
devenue. En 2001, plus rien ne séparait les partis gaullistes, libéraux et centristes. Les vieilles querelles de la droite semblaient derrière nous : la division, les haines personnelles, les
invectives, les divergences idéologiques. Depuis le discours à Berlin de Jacques Chirac, les gaullistes avaient achevé leur mue européenne. Il était enfin possible de ressouder le couple
franco-allemand, moteur d'une Europe forte. Depuis le discours de Rodez, le RPR avait pris le tournant décentralisateur. Le choix de la confiance aux collectivités locales était désormais
partagé. Nos positions, nos programmes, nos propositions étaient désormais les mêmes, y compris dans les domaines économique et social ou sociétal.
Partout en Europe, s'étaient construits des partis de centre droit proeuropéen, libéraux et humanistes, parfois alliés à un petit parti conservateur, affrontant un parti social-démocrate. La
France faisait encore figure d'exception, avec son parti gaulliste, ayant survécu au charisme d'un héros rassembleur issu des heures sombres de la guerre, et son Parti socialiste, marqué par une
culture marxiste désespérante. L'heure d'une vie politique française plus moderne et plus apaisée était venue.
D'un point de vue tactique, chacun sait que la bipolarisation créée par la Ve République condamne le centre à n'être qu'un supplétif des deux grands partis de droite ou de gauche. A cet égard,
l'élection de Valéry Giscard d'Estaing n'avait été qu'une parenthèse dans notre histoire politique.
COURSE À L'URGENCE
J'avais proposé en son temps à François Bayrou de rejoindre ce grand mouvement qui se construirait sur la base de nos idées et de nos valeurs. Il avait refusé, persuadé que la famille centriste
devait rester indépendante. Il était persuadé que l'alliance des centres et des droites au sein de l'UMP ne ferait que vassaliser une fois de plus les centristes. Il avait raison. Premier
secrétaire général de l'UMP au côté d'un homme aussi exceptionnel qu'Alain Juppé comme président, exemple de courage et de conviction, notre relation était équilibrée.
Je prends acte que l'UMP, depuis 2007, a pris ses distances avec ce que nous avions créé. Si ce parti existe encore pour rassembler et construire des destins, je ne retrouve pas la volonté de
créer un idéal dans la même idée collective que celle de 2001.
L'UMP d'aujourd'hui s'est abîmée dans sa course permanente à l'urgence, à la surenchère, dans la poursuite du fait divers. Elle a laissé dans sa poche sa boussole principale : la personne
humaine.
C'est tout l'inverse de l'action que je mène depuis 2007 en tant que secrétaire général adjoint de l'ONU en charge des financements innovants pour les pays en développement et président
d'Unitaid, l'agence dédiée à la collecte des contributions de solidarité sur les billets d'avion pour lutter contre les risques sanitaires dans les pays en développement, tout particulièrement en
Afrique. Avec des dirigeants mondiaux, tels Bill Clinton, Bill Gates, Lula ou Michèle Bachelet, nous sommes en charge au quotidien de la mondialisation de la solidarité. Pour autant, je ne me
suis jamais désintéressé de l'avenir de mon pays.
Mais aujourd'hui, la vie politique nationale est derrière moi, je ne demande rien, je n'attends rien. Ni poste ni circonscription. Si ce n'est un engagement fort de celui qui sera élu en mai dans
la mise en place d'une solidarité mondialisée. Alors que nous traversons une des pires crises mondiales de l'histoire, je ne cherche pas à fragiliser mon camp. Mais je crois pouvoir le renforcer
en adoptant la démarche de clarté qui est celle qui a toujours animé mon engagement politique.
En reconnaissant à Nicolas Sarkozy sa stature et son courage, je veux réaffirmer les idées humanistes et européennes, ma croyance en l'économie sociale de marché, ma préférence pour la solidarité
et la justice. C'est pourquoi, je voterai pour François Bayrou et j'invite tous les Français qui se reconnaissent dans ces valeurs à le rejoindre, lui dont la fidélité à ces convictions, et
l'indépendance en font un leader apte à rassembler les femmes et les hommes de bonne volonté prêts à redresser notre pays.
Philippe Douste-Blazy, ancien ministre, ancien président du groupe UDF à l'Assemblée Nationale
Tribune du journal "Le Monde" du 8 janvier 2012