Stratégies pour 2012: la droite dans tous ses états

Publié le 08 janvier 2012 par Copeau @Contrepoints

Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy sont sur des logiques antagonistes. La « Lepénisation » des esprits est un fantasme : les discours sécuritaires du Président ne visent pas à un rapprochement ou une captation, ils tendent à décrédibiliser son adversaire de gauche.

Par Marc Suivre

Alors que nous nous apprêtons à entrer dans la dernière ligne droite de la Présidentielle, au fur et à mesure que la campagne avance, les candidats se dévoilent, les masques tombent et les stratégies se dessinent. Si l’on n’a de cesse de mettre le 21 avril à l’endroit ou à l’envers, selon les mœurs de chacun, c’est que, malgré tout le baratin déployé pour nous faire croire le contraire, nos politiciens ont intégré ce facteur comme un élément clé de leurs tactiques de conquête du pouvoir. A droite, si les candidatures de témoignage se multiplient, seuls deux méritent que l’on s’y arrête. C’est très cruel pour celle (Boutin) et pour ceux (Morin, Dupont-Aignant et Villepin) qui sont persuadés d’avoir un destin. Il faut pourtant bien reconnaître qu’en dehors de leur concierge, avant les étrennes, personne d’autre qu’eux, n’y croit. Nous ne nous intéresserons donc qu’à Marine et Nicolas.

Sarkozy, droite toute !

A tout seigneur tout honneur, commençons par le Président sortant qui pour éviter d’être sorti, se souvient qu’il fut, un jour de 2007, élu sur un programme clairement de droite.  Bien qu’il se soit empressé, une fois sorti du Fouquet’s, de faire le contraire de ce qu’il avait promis, notamment sur l’épineuse question de l’identité nationale, force est de constater qu’en la matière, les électeurs d’alors n’avaient pas pris un chat en poche. Voilà d’ailleurs bien tout le problème du Président. Sauf à être abonné à Libération et Télérama, il faut bien reconnaitre qu’il n’a pas fait le tiers du commencement de la moitié de ce qu’il projetait de faire.

Un bilan économiquement faible

Bien sûr, le Président et son si charismatique Premier ministre ont levé un certain nombre de tabous économiques qui entravaient la France, en matière de retraites notamment, mais on est encore pourtant bien loin du compte et des promesses. C’est qu’en 2007, le « candidat de la rupture » comptait réconcilier les Français avec l’argent. Les mauvaises langues (et il n’en manque pas) diront qu’il y est manifestement parvenu pour ses proches. Quoi qu’il en soit, on a bien du mal à distinguer un progrès au niveau du Peuple. Je veux bien croire que la terrible crise que nous traversons et l’exploitation insupportable qu’en font les marxistes de tout poil qui règnent sur nos consciences, n’ont pas arrangé les choses. Ceci étant posé, nous souffrons toujours d’un soviétisme bureaucratique qui nous conduit à engloutir 54 % de notre  richesse nationale dans des monopoles d’État. Nous détenons toujours le record d’Europe du nombre de communes et par tant, du nombre de strates administratives, gage d’économies budgétaires, comme chacun le devine aisément. Nous attendons là aussi, toujours, l’effet Sarkozy.

Notre gouvernement a bien tenté de simplifier la création d’entreprise et le succès de l’auto-entrepreneuriat démontre, si besoin en est, que pour peu qu’on leur en donne les moyens, les Français savent se lancer dans l’aventure. Pourtant cet indéniable progrès ne doit pas masquer l’insondable méfiance que notre administration conserve, envers et contre toute logique économique, à l’endroit de l’entrepreneur. C’est qu’il convient, comme toujours dans ce beau pays, de taxer ces salauds de riches qui gagnent parfois en un mois ce qu’un « honnête » fonctionnaire engrange en six. Cet axiome décliné à foison oublie sciemment que le soutier du « service public » n’a jamais été guidé dans son orientation professionnelle que par le souci de la sécurité. Rien de honteux dans cette attitude mais il est logique quand on ne court pas de risque de gagner moins que celui qui ose en prendre. Pourtant dans notre pays cette évidence est une grossièreté et cela explique en grande partie notre stagnation. Tant que l’on trouvera anormal de rémunérer le risque, il est illusoire de vouloir relancer la machine et retrouver les chemins de la croissance.

Là encore, malheureusement, aucune rupture avec « le monde d’avant ». C’est toujours la même rengaine égalitariste qui conduit à l’accaparement de la richesse produite. Cette politique imbécile de nivellement par le bas, creuse les déficits et conduit à l’accroissement des inégalités qu’elle est sensée combattre. Rien n’y fait ! Si, à chaque aide que l’État consent aux entreprises, il faut en dépenser le double pour contrôler que d’hypothétiques patrons indélicats n’abusent pas d’un « effet d’aubaine », autant ne rien faire, on évitera au moins d’aggraver nos dettes. J’aimerais voir la tête de nos grandes consciences qui prétendent, sans rire, que la délinquance en « col blanc » n’est jamais inquiétée, si les allocataires et autres bénéficiaires des « minimas sociaux » étaient à moitié aussi fliqués que les gérants de société. Nous ferions, pour le coup, de sacrées économies.  Là encore, beaucoup de discours sur la fraude et très peu d’actes. Bref en matière de dé-marxisation de l’économie française, il reste un long chemin à parcourir.

Stratégie présidentielle

Avec de tels succès à son actif, la tache du Président n’est pas des plus simples, sans compter le nombre de ses « amis » qui n’attendent que de le voir se planter pour espérer avoir une chance en 2017. Qu’à cela ne tienne, la cohorte des spécialistes autoproclamés  vous assure que, la clef de la victoire en 2012 pour Nicolas Sarkozy repose sur une nouvelle captation des voix du Front National. D’où la fascisation du discours que dénoncent les mêmes à longueur d’ondes. Cet oxymore déchaine la rage du politiquement correct (et celle de la famille Le Pen mais là, c’est plus normal). Pourtant, pour comprendre la stratégie Sarkoziste, il faut dépasser ce cliché. S’il veut être réélu, il sait qu’il doit se trouver dans la même position que Jacques Chirac en 2002. Il doit impérativement provoquer un « 21 avril à l’endroit ». En effet, sauf à se retrouver au second tour face à Jean-Luc Mélenchon, l’ex maire de Neuilly n’a absolument aucune chance de gagner face à un centriste, qu’il soit mou comme Hollande ou dur comme François Bayrou, tant est immense le rejet de sa personne. C’est probablement assez injuste aux vues des deux dernières années. Elles ne suffisent, hélas, pas à faire oublier les deux premières où, tel le Dicaprio moyen à la proue du Titanic, notre Président s’est cru autorisé à faire tout et surtout n’importe quoi, au seul prétexte que la France venait de se donner à lui. Pour être encore à l’Élysée le 7 mai prochain, il convient donc pour lui, d’affaiblir François Hollande (il se débrouille très bien tout seul mais il va quand même falloir l’aider un peu) et faire monter Marine Le Pen. D’où les « Guéanteries » qui déplaisent tant à « l’establishment ». Le pari est risqué car il repose sur le maintien d’un socle incompressible d’inconditionnels du Sarkozysme autours de 25% du corps électoral au premier tour.  Et ça, ce n’est pas gagné !

Marine est là

Pour celle dont il rêve d’être l’adversaire au second tour, en revanche, l’objectif est inverse. Si elle veut assurer sa légitimité d’héritière, elle doit égaler la performance de son géniteur et se qualifier pour le second tour. Cependant, elle, a tout intérêt à ce que ce soit face à la gauche. Un 21 avril « à l’envers » lui serait autrement plus profitable en termes d’avenir politique. Éliminée dès le premier tour, malgré un Président sortant, l’UMP ne s’en relèverait pas et de son implosion jaillirait  d’intéressantes perspectives pour le FN lors des législatives de juin. Une réédition de 2002 n’apportera au FN qu’un nouveau succès d’estime. Il est peu probable, malgré son récent repositionnement autours d’un « socialisme national  » au pays des corons, que le Front bénéficie fortement de l’explosion possible du PS consécutif à un second 21 avril. En ce qui concerne le parti de l’intelligence les conséquences d’une nouvelle élimination au premier tour ne sont pas aussi automatiques que pour l’UMP. Le PS est depuis des années une coquille vide qui sert de réceptacle à toutes les ambitions des notables de province. L’intérêt des exosquelettes c’est qu’ils donnent encore l’illusion de la vie alors que toute chair a depuis longtemps déserté le crustacé.

Le Front National n’a pas pour ambition d’entrer à l’Élysée… tout au moins en 2012. Marine Le Pen a en effet besoin de temps pour réformer son parti, le dé-diaboliser complètement et le rendre crédible en matière d’alternative gouvernementale. Elle doit attirer à elle des individualités posées, capables d’affronter les sarcasmes et de porter des diagnostics sûrs aux problèmes que rencontre le pays. Elle doit stabiliser sa pensée économique et passer d’un vote de protestation à un vote d’adhésion. Elle doit, enfin, faire d’un agglomérat de causes disparates, un parti de gouvernement. Pour y parvenir elle a besoin de temps et d’un groupe parlementaire. Le temps travaille pour elle, tant que la crise continue à sévir. Et si les socialistes et leurs alliés khmers (verts et rouges) arrivent aux affaires, les effets immédiats de leurs libéralités budgétaires ne manqueront pas de lui faciliter la tâche. Les 5 années d’efforts et de rigueur à la grecque qui s’en suivront, prépareront efficacement le terrain au débarquement des troupes de Marine en 2017. L’intérêt bien compris de Madame Le Pen, comme du Front National est donc bien une victoire de la gauche et une implosion de l’UMP… et non le contraire, mais comme tout le monde se fout de ses motivations, elle n’a même pas besoin de les cacher. On commence à le sentir à l’UMP mais ânonner que voter FN c’est faire le jeu de la gauche c’est prendre les électeurs pour ce qu’ils ne sont plus … Un peu de pédagogie ne nuit pas au débat politique même si cela déplait aux journalistes.

Patience et longueur de temps

On le voit, la stratégie du Président sortant est très risquée. Il faut dire qu’il est extrêmement difficile d’être le sortant en temps de crise, surtout quand on a été élu pour faire du neuf et que l’on n’a proposé que du vieux pendant cinq ans. Marine Le Pen pour sa part arrive trop tôt. Elle n’est pas en mesure de conquérir le pouvoir. Son objectif consiste donc à s’imposer comme la seule force d’alternance possible au socialisme triomphant. Pour ce faire elle doit absolument voir l’UMP se disloquer pour que l’opposition de droite se recompose autours d’elle. Pour elle aussi le chemin est étroit car il reste encore loin de la coupe aux lèvres. Sa récente doctrine protectionniste peine à donner une cohérence économique à un parti qui à ses origines était plutôt libéral poujadiste. Or pour être le point de convergence de la droite, il faut éviter de donner dans le « care » fut il national. Le flou artistique qui fait d’elle, à la foi la championne de la nation et le nouveau Jaurès des terrils, masque mal le fossé qui sépare des positions très à gauche sur l’économie et très à droite sur la sécurité. On a beau expliquer que le monde bipolaire est derrière nous, les français restent très manichéens en ce qui concerne la conduite des affaires publiques. Enfin, la fusion entre les préoccupations sociales et les idées nationales n’est plus parée des mêmes vertus magiques, depuis les expériences calamiteuses conduites en Allemagne durant les années 30 du siècle précédent.

Conclusion

Contrairement à ce que l’on vous annone à longueur de temps, Le Pen et Sarkozy sont sur des logiques antagonistes et la « Lepénisation » des esprits est un fantasme. Les discours sécuritaires du Président ne visent pas à un rapprochement ou une captation, ils tendent à décrédibiliser son adversaire de gauche en centrant le débat sur des thèmes où il est incapable de venir le chercher. La stratégie du pouvoir sortant est donc de faire de Marine le Pen, sans en avoir l’air, la seule adversaire du Président. Si en allant sur ses terres, Nicolas Sarkozy peut en plus glaner les voix de quelques naïfs, c’est tout bénéfice mais tel n’est pas son but. Le Mari de Carla Bruni a bien des défauts mais il n’est pas stupide. C’est un animal politique particulièrement efficace en campagne. Il est loin derrière, il peut donc lâcher ses coups. Il a beaucoup appris au contact d’Édouard Balladur, le favori des sondages en 1995 qui à force de ne rien faire pour ne pas compromettre cette magnifique position a fini par se faire doubler. Si cette stratégie vous semble être celle d’un de ses concurrents, c’est normal, c’est celle du mec « normal » qui a pourtant fait 4 gosses à Ségolène Royal. Nous détaillerons les difficultés de son positionnement et celle de ses amis dans notre prochain papier.

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