Je porte dans le ciel mes yeux et mes désirs,
Joignant, comme les mains, le coeur à ma requête ;
Je ploye mes genoux, atterrant mes plaisirs ;
Je te découvre, ô Dieu, mes pensées et ma tête.
Mes yeux de mes désirs corrupteurs ont cherché
L’horreur, mes mains le sang, et mon coeur les vengeances ;
Mes genoux ont ployé au piège du péché
Et ma tête a bien moins de péchés que d’offenses.
Si je me déguisais, tes clairs yeux sont en moi,
Ces yeux qui percent tout et défont toutes ruses :
Qui pourrait s’excuser, accusé par son roi ?
Je m’accuserai donc, afin que tu m’excuses..
- Père plein de douceur, comme aussi juste roi,
Qui de grâce et de loi tient en main les balances,
Comment pourrai-je faire une paix avec toi,
Qui ne puis seulement faire trêve aux offenses ?..
- Exauce-moi du ciel, seul fort, bon, sage et beau,
Qui donne au jour le clair et le chaud à la flamme,
L’être à tout ce qui est, au soleil son flambeau,
Moteur du grand mobile, et âme de toute âme.
Tu le feras, mon Dieu, mon espoir est certain,
Puisque tu l’as donné pour arrhe et pour avance,
Et ta main bienfaisante est cette seule main
Qui parfait sans faiblir l’oeuvre qu’elle commence.
Agrippa d’Aubigné (1552-1630).
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