Faut-il saluer l’évasion comme une arme contre le fondamentalisme ou se lamenter parce que l’évasion nous prive de la rébellion adolescente ?
Par Yoani Sánchez, depuis La Havane, Cuba
Ceux qui n’ont pas leur propre PC ou un portable à apporter à la « fête » peuvent aller dans les laboratoires d’informatique de certaines écoles où, le week-end, les professeurs organisent sans autorisation des « turbos géants ». Starcraft, DotA, Counter Strike, Call of Duty arrivent largement en tête dans les préférences des adolescents et un marché parallèle de copies pirates garantit les dernières actualisations et tous les compléments nécessaires. Le défi majeur est de se maintenir à jour dans un pays qui reste parmi les moins connectés à Internet de la planète. C’est pour cette raison que les DVDs de ces jeux sont dans la liste des commandes et des souhaits que l’on transmet à l’oncle qui va voyager ou à l’ami qui rentre de l’étranger. Les sites numériques d’achat et vente – du type de Revolico – offrent une large gamme permettant de se distraire ne marge des complications du quotidien.
Quelques conversations de la rue révèlent l’importance de ce divertissement. « Tu devrais faire l’impasse sur ce niveau, le suivant est mieux », « Ne le tue pas la première fois, s’ils ne t’enlèvent pas aussi ta force », « construis la ville sur ce terrain qui est moins infesté de démons ». Les divertissements du Moyen Age jusqu’aux fantaisies futuristes les plus osées, appartiennent aujourd’hui à l’imaginaire des jeunes et constituent une partie importante de leur vie. Ils ont rempli avec eux la place qu’occupaient pour nous les discours et les slogans. Ils n’applaudissent pas, ils cliquent, ils ne croient pas mais ils jouent. Et on ne sait pas s’il faut en rire ou en pleurer, s’il faut saluer l’évasion comme une arme contre le fondamentalisme, ou se lamenter parce que l’évasion nous prive de cette rébellion adolescente dont nous avons tant besoin.
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Traduction : Jean-Claude Marouby